Trou noir : des chômeurs sans revenu

Par Jean-Christophe Beaulieu 15 février 2018
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«C’est aberrant, c’est mal comprendre notre réalité économique de penser que ces nouvelles règles n’allaient pas avoir d’impact ici. Une partie importante de notre économie repose sur le travail saisonnier», explique le maire de Sept-Îles, Réjean Porlier.

Des travailleurs de la Côte-Nord devront passer les prochaines semaines sans revenu. La raison est paradoxalement attribuable au faible taux de chômage de la région et au calcul qui n’est pas adapté au travail saisonnier.

Des centaines de travailleurs saisonniers de la Côte-Nord auront sous peu épuisé leurs semaines de prestations de chômage. Ils devront se débrouiller sans revenu jusqu’au début de la prochaine saison.

La problématique du trou noir, pendant laquelle les travailleurs saisonniers n’ont pas accès à des prestations d’assurance-emploi, est soulevée depuis longtemps sur la Côte-Nord. Le trou noir durera entre trois et vingt semaines, dès la mi-février, et touche les secteurs de la sylviculture, de la construction, du tourisme et des pêches.

La situation devient plus criante alors que le président des préfets des MRC de la Côte-Nord, Réjean Porlier, indique qu’un Nord-Côtier doit maintenant travailler 140 heures de plus, pour six semaines de moins en prestations. Or, les travailleurs gaspésiens ne vivent pas ce trou noir de la même façon. Ils ont droit à plus de semaines de prestations puisqu’ils habitent dans une région où le taux de chômage est plus élevé.

«C’est aberrant, c’est mal comprendre notre réalité économique de penser que ces nouvelles règles n’allaient pas avoir d’impact ici. Une partie importante de notre économie repose sur le travail saisonnier», explique le maire de Sept-Îles, Réjean Porlier.

Guillaume Tremblay, président CSN Côte-Nord, précise que la méthode de calcul est déficiente. «C’est une méconnaissance de notre réalité territoriale de la part du gouvernement. La solution serait de ne pas baser le nombre de prestations sur le taux de chômage».

Inégalités

Lyne Sirois, coordonnatrice d’Action-Chômage Côte-Nord, croit que la situation est injuste. «On a les mêmes besoins, mais on est traité différemment», prévient-elle. Elle donne l’exemple de l’usine de transformation de Baie-Trinité, où le travailleur de la Gaspésie a moins d’heures à faire pour toucher ses semaines de prestations, comparativement au travailleur de la Côte-Nord. Pour avoir droit à 24 semaines de prestations, le travailleur de la Côte-Nord devra ainsi travailler 1400 heures, l’autre, 455 heures. L’enjeu, dès lors, est que plusieurs n’arrivent pas à combler toutes les heures pour être admissibles aux prestations d’assurance-emploi.

De plus en plus de demandes sociales proviennent d’ailleurs de gens qui ne réussissent pas à travailler assez pour avoir suffisamment de prestations pour les semaines hors-saison. «C’est humiliant de demander de l’aide sociale alors que la femme et son conjoint travaillent», exprime Mme Sirois. Selon cette dernière, le gouvernement fédéral pourrait attendre jusqu’en 2019 avant d’adapter les calculs. «C’est plus payant de donner le bonbon tout juste avant la campagne».

L’impact des emplois saisonniers

M. Porlier déplore que la Côte-Nord soit jumelée avec 17 autres régions dans le calcul. «Les conditions ne sont pas réalistes. On nous compare alors avec le Centre-du-Québec, où une personne a plus de facilité à se trouver un emploi. Ici, si ton emploi est dans le tourisme à Tadoussac ou dans la pêche à Baie-Trinité, tu ne peux pas faire cinq heures de route tous les jours pour compléter ta semaine. Les gens vont se trouver un emploi ailleurs et vont déménager. Qui occupera alors les emplois saisonniers?», prévient-il. Il juge que les emplois saisonniers de la Côte-Nord sont essentiels pour l’économie du Québec.

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