Vente des actifs de Cliffs Natural Resources: Que quelques heures pour faire son offre

Par Fanny Lévesque 19 mai 2015
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Les repreneurs intéressés par les installations de Cliffs Natural Resources ne disposent que de quelques heures encore pour faire leur offre, la période de qualification dans le processus de vente prenant fin à 17h.  

Survol d’une transaction qui pourrait devenir le nouveau départ du Plan Nord.

 

AVANTAGES

  1. Une mine flambant neuve à Fermont

Fermée et placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers au début de l’année, la mine du lac Bloom située à Fermont n’est âgée que d’à peine cinq ans. Les équipements d’exploitation sont pour ainsi dire flambant neufs. Avec une durée de vie estimée à plus de 20 ans, le site minier a encore beaucoup à offrir à un éventuel repreneur qui aurait des vues sur sa relance. La qualité du minerai extrait de la fosse du Labrador est également reconnue à travers le monde.

Fondée par Consolidated Thompson en 2010, la mine du lac Bloom a été rachetée un an plus tard par Cliffs Natural Resources, en pleine flambée du marché, pour 4,9 milliards $. La phase 1 de la mine permet une production annuelle de 8 millions de tonnes.

  1. À proximité des grands joueurs

Le site du lac Bloom se trouve non loin de la mine du mont Wright, exploitée par ArcelorMittal et de celle de Rio Tinto IOC, située à Labrador City. Selon les sources consultées, pour l’un ou l’autre de ces géants, l’acquisition de la mine du lac Bloom pourrait signifier une opportunité, notamment parce qu’ils sont propriétaires des deux seuls chemins de fer qui descendent vers Sept-Îles et Port-Cartier. Avant sa fermeture, le minerai du lac Bloom empruntait d’ailleurs le tracé de QNS&L, propriété de Rio Tinto.

  1. Infrastructures stratégiques à Sept-Îles

Cliffs Natural Resources est aussi le propriétaire du seul lien ferroviaire permettant de désenclaver la Pointe-Noire du Port de Sept-Îles, site stratégique de tout le déploiement du Plan Nord. Cette petite portion de voie ferrée située sur les terrains de la minière est à ce point convoitée que l’État québécois cherche à l’acquérir. Québec a déjà confirmé qu’il présenterait une offre d’achat, via la création d’une société en commandite à laquelle le Port participerait.

Le Port de Sept-Îles et Cliffs n’ont jamais été capables de s’entendre sur l’utilisation de ce lien ferroviaire, prolongement du chemin de fer Arnaud, et qui donne accès au futur quai multiusager, construit aux coûts de 220 millions $. La minière conteste toujours une décision de l’Office des transports du Canada qui la force à rendre cette section publique.

ENJEUX

  1. Vieilles installations à Sept-Îles et Wabush

Cliffs Natural Resources a pendant des années, exploité principalement sa mine Scully, située à Wabush au Labrador. Mis en service en 1965, le site minier est maintenant en veilleuse depuis février 2014, tout comme l’est l’usine de bouletage de Sept-Îles, où était transformée une bonne partie de la production. Vieilles d’une cinquantaine d’années ces installations laisseraient un important passif environnemental à ses nouveaux acquéreurs, selon nos informations. Avant sa fermeture, la mine de Wabush produisait environ 4 millions de tonnes de minerai.

La mine Scully à Wabush au Labrador. (Photo: courtoisie - Cliffs)

La mine Scully à Wabush au Labrador. (Photo: courtoisie – Cliffs)

  1. Besoin d’une entente pour le transport

Un nouvel acquéreur de la mine du lac Bloom n’aura d’autres choix que de s’entendre avec Rio Tinto IOC pour acheminer sa production via le chemin de fer QNS&L. Dans le contexte où le prix de la tonne de fer est à la baisse, payer un coût supplémentaire pour chaque tonne transportée vers Sept-Îles pourrait freiner les ardeurs d’acheteurs. Cliffs possède néanmoins les voies ferrées reliant ses sites miniers à QNS&L et de QNS&L vers la Pointe-Noire.

  1. Besoin de liquidités

L’acheteur de la mine du lac Bloom devra avoir les poches creuses pour achever la deuxième phase d’expansion, nécessaire pour assurer la rentabilité des opérations. Malgré des investissements de 1,5 milliard $, Cliffs Natural Resources n’a été en mesure que de compléter à 75% la phase 2, qui ferait grimper la capacité annuelle de production à 16 millions de tonnes. Selon Bloomberg, l’injection supplémentaire de 1,2 milliard $ permettrait de terminer la seconde phase.

 

Une bonne affaire?

Avec un prix du fer oscillant à 60$ la tonne, l’achat des installations minières de Cliffs Natural Resources serait-il une bonne affaire? Le premier vice-président de la financière Banque Nationale, Serge Morin, qui suit l’évolution du marché des ressources naturelles, a accepté de répondre aux questions du Journal.

Serge Morin

Serge Morin (Photo: courtoisie)

 

  1. Quelles questions devraient selon vous se poser un éventuel acquéreur avant de mettre la main sur la mine du lac Bloom?

«Il doit se poser au minimum deux questions avant d’évaluer d’acheter les installations de Cliffs. Premièrement, est-ce qu’il existe une solution qui lui permettrait de baisser les coûts de production suffisamment pour rendre l’opération de la mine rentable au niveau actuel du prix du fer? Selon moi, la solution d’augmenter la production suppose des investissements majeurs, donc, on doit trouver des investisseurs qui seraient prêts à investir dans le contexte actuel de surcapacité de production mondiale, cette solution est peu probable présentement.

La deuxième question qu’il doit se poser c’est : est-ce le temps d’acheter les installations, car les prix sont très bas? La réponse est oui, dans la mesure où les prix augmentent dans un futur rapproché, ce qui n’est pas le scénario le plus probable présentement.»

  1. Est-ce que des nouveaux joueurs, qui ont des projets sur la table à dessin, ne pourraient pas profiter de cette opportunité pour placer leurs pions?

«Ces joueurs doivent avoir de la liquidité de disponible, ce qui n’est pas le cas présentement, de plus, ils doivent offrir un prix qui fera l’affaire des créanciers (dans le cas de la mine du lac Bloom).»

  1. L’État québécois fait-il un bon choix en injectant des fonds publics dans l’achat d’installations stratégiques de la Pointe-Noire?

«C’est un excellent moment pour le gouvernement de sécuriser l’accès au quai multiusager, car la négociation sera beaucoup plus facile dans le contexte actuel.»


Les actifs stratégiques de la Pointe-Noire sont convoités par l’État québécois qui cherche à donner accès au nouveau quai multiusager du Port de Sept-Îles.

(Photo : courtoisie – Port de Sept-Îles)

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