Sept-Îles ǀ Plus de 67 ans de mariage pour Laurette et Gabriel

Par Marie-Eve Poulin 5:00 AM - 14 février 2024
Temps de lecture :

Laurette Girard et Gabriel Jomphe. Photo courtoisie

Laurette Girard et Gabriel Jomphe célébreront leurs 68 ans de mariage en juillet. Leur histoire d’amour est digne d’une série d’époque, où les amoureux apprennent à se connaître via des lettres. Un parcours qui respecte les mœurs de l’époque. 

L’histoire d’amour débute tout doucement, le 11 juin 1955. Laurette, alors âgée de 18 ans, doit quitter Rivière-Saint-Jean pour se rendre à Sept-Îles travailler chez une dame. Elley prendra soin des enfants et fera des corvées. 

Puisqu’il n’y a pas de route pour s’y rendre, elle embarque à bord du Regina Polaris, à Rivière-au-Tonnerre. Étant la seule femme à bord ce jour-là, elle s’installe dans la pièce commune aux côtés de deux hommes qui lui inspirent confiance ; Gabriel et son frère, Bernadin. Gabriel est vêtu d’un habit en lainage bleu aux fines lignes rouges. Il porte une belle chemise blanche et une cravate rouge. Il est très timide.

Dans la soirée, Bernadin quitte vers les cabines se reposer, la laissant seule avec Gabriel. Le trajet dure environ quatre heures, donc Laurette tente de socialiser un peu pour passer le temps. 

Arrivés à quai à Sept-Îles, ils prennent chacun leur chemin. Laurette part travailler et Gabriel attend patiemment d’être embauché pour un projet, à Schefferville. Après tout, ils n’étaient que deux étrangers qui avaient effectué la traversée en discutant par politesse. 

Un long trois semaines passe et le destin fait en sorte qu’ils se croisent trois fois. Quelques mots échangés à la plage et dans la rue, mais sans plus. À la troisième rencontre du destin, Gabriel annonce à Laurette qu’il a été embauché et qu’il doit partir le lendemain pour Schefferville. 

Loin des yeux, mais pas du cœur

Les jours et les semaines filent. Un collègue Portuguais de Gabriel lui demande s’il a une copine. Il lui parle donc de Laurette, qu’il a rencontrée sur le bateau. Son récit a sûrement touché le Portuguais, puisqu’il lui dessine un portrait de Laurette, selon la description qu’il lui avait fait. Il voit l’amour que son collègue porte pour cette étrangère rencontrée par hasard et l’incite donc à lui téléphoner. Malheureusement, Laurette n’était plus à Sept-Îles à ce moment. 

Le temps passe encore, mais les sentiments restent. À Noël, Laurette envoie une carte à Gabriel, à Schefferville. Dans cette lettre, elle lui mentionne la date de son anniversaire. 

En janvier, Gabriel vient passer 15 jours à Sept-Îles pour l’occasion. Une douce attention qui leur a permis d’apprendre à se connaître.

Chacun retourne ensuite à sa besogne. Les lettres vont et viennent entre Sept-Îles et Schefferville pendant quelques mois. Dès que Gabriel termine son contrat, il vient la retrouver à Sept-Îles.

Demande en mariage

Le couple prend une fois de plus un bateau, mais cette fois, pour se rendre à Sainte-Anne-des-Monts pour des raisons familiales. C’est là que les amoureux écrivent une lettre de demande en mariage officielle aux parents de Laurette. Les parents sont un peu sous le choc d’apprendre que leur fille souhaite marier un homme qu’ils n’ont jamais rencontré. Ils lui font tout de même confiance et acceptent cette demande. 

Le couple profite de son passage à Saint-Anne-des-Monts pour faire l’achat de la robe et des habits pour le mariage, dans la boutique de madame Couturier.

« Ma robe ressemblait à de la neige. J’avais l’air d’une princesse », se souvient Laurette, le sourire aux lèvres et les yeux brillants. 

Elle qui n’avait pas été chez sa famille depuis des mois retourne auprès de sa mère. Elle arrive seule, avec une valise de vêtements. « Ma mère a dit “c’est pas drôle on voit le linge avant de voir le gars !” », se remémore-t-elle en riant. 

Trois jours avant le mariage, Gabriel arrive en bateau, à Rivière-au-Tonnerre, en compagnie du frère et de la sœur de Laurette. Ils font ensuite la route jusqu’à Rivière-Saint-Jean, où il rencontre pour la première fois sa belle-mère. 

Une grande fête

Le 18 juillet, le couple se marie à l’église de Rivière-Saint-Jean, à 8 h 30. La cérémonie se déroule aussi tôt, puisqu’ils doivent être à jeun pour pouvoir communier. Le père de la mariée est absent car il travaille sur les chantiers à l’extérieur. Il envoie donc ses vœux de bonheur par télégramme. Les parents du marié ne peuvent assister, puisque le bateau ne passe qu’aux huit jours. Une deuxième cérémonie est prévue au Havre-Saint-Pierre. 

Pour le mariage, c’est tout le village qui est invité aux noces. Après la cérémonie, les convives se regroupent pour manger une soupe aux légumes, des tranches de porc, des patates jaunes et du chou. Un plat traditionnel servi dans les mariages. 

S’en suivent alors deux jours de danse. Un violoniste traverse la rivière en chaloupe pour venir divertir les nouveaux mariés et leurs invités. Les gens des villages à proximité se joignent aussi à eux pour célébrer. 

Trois jours après le mariage, les amoureux prennent place à bord du North Shore, un bateau qui les apporte au Havre Saint-Pierre pour faire la rencontre de la famille Jomphe et faire une deuxième réception avec les proches du marié. Puisque l’événement se déroule un vendredi, la viande est interdite. On sert donc du flétan. 

Gabriel achète ensuite un terrain appartenant à son oncle et construit lui-même leur future demeure.

Dans toute bonne histoire, on retrouve la phrase bien connue « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». C’est donc ainsi qu’on peut conclure leur histoire. Laurette et Gabriel ont eu la chance d’avoir sept beaux enfants (six garçons et une fille) qui à leur tour, leur ont donné de petits enfants. 

Le couple qui a passé sa vie à Havre-Saint-Pierre habite maintenant à la résidence des Bâtisseurs, à Sept-Îles, près de la famille. Ils veillent l’un sur l’autre comme ils l’ont toujours fait. 

Les nouveaux mariés. Photo Courtoisie
C’est à bord de ce bateau que Laurette et Gabriel se sont rencontrés. Photo Revue d’histoire du Bas Saint-Laurent
Télégramme de voeux envoyé par le père de la mariée. Photo courtoisie

Partager cet article