La pêche au féminin pour retrouver l’abondance

Par Alexandre Caputo 7:00 AM - 10 avril 2023 Initiative de journalisme local
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Joanie De Lasablonnière et une de ses élèves lors d’une séance d’initiation à la pêche à la mouche. Photo Facebook

Lorsque Joannie De Lasablonnière, fondatrice de La pêche au féminin et instructrice certifiée, a été sollicitée pour venir initier les femmes de Uashat mak Mani-utenam à la pêche à la mouche, ce n’était pas seulement pour le divertissement de ces dernières, mais aussi pour tenter d’assurer la pérennité du saumon.  

C’est Réginald Atshapi, un habitué de la pêche à la mouche qui enseigne son art à l’école Manikanetish, qui a approché Mme De Lasablonnière, il y a de cela environ cinq ans. Selon M. Atshapi, il était nécessaire de présenter ce type de pêche pour assurer la survie du saumon dans la rivière Moisie. 

« La rivière va être vide d’ici 10-15 ans si on continue comme ça », note-t-il, en faisant référence à la pêche au filet et à la pêche de nuit. « À la mouche, il y a plus de remises à l’eau et le poisson n’est presque pas blessé, ça assure plus de pérennité », explique-t-il.

Comme les hommes de la communauté pêchent, généralement, depuis plus longtemps, les mauvais plis sont plus compliqués à défaire. M. Atshapi a donc usé de sa ruse pour implanter cette nouvelle technique dans les familles innues; passer par les matriarches.  

« Les femmes prennent goût à la pêche à la mouche et comprennent ses biens faits », se réjouit-il. « Donc, lorsqu’elles voient leur homme pêcher de nuit ou au filet, elles peuvent leur rappeler que les enfants, eux aussi, aimeraient avoir du saumon dans leur rivière lorsqu’ils seront vieux ». 

L’homme de 61 ans a vu juste; à peine trois années à initier les femmes à ce sport ont suffi pour que les hommes désirent y participer également.

Le mouvement La pêche au féminin organise donc, pour une deuxième année, un concours s’adressant à la gent masculine dans le but de gagner une demie journée d’initiation à la pêche à la mouche. 

« C’est une pêche plus sportive, plus en contact avec la nature », note-t-il. « Aucun bruit de moteur, pas trop de discussions, seulement les bruits de l’eau et du vent ».

M. Atshapi souhaiterait que la pêche à la mouche soit la seule technique permise sur la rivière Moisie. Il se réjouit des efforts du conseil de bande et de ses partenaires pour encourager cette pratique de pêche seine. 

On ne joue pas avec la nourriture

De ses propres dires, Joanie De Lasablonnière a eu droit a de drôles de regards lorsqu’elle a remis un poisson à l’eau pour la première fois devant des femmes innues. 

« Il faut se mettre à leur place, la pêche est vue comme un moyen de subsistance, pas comme un loisir », explique-t-elle. « Ma première visite, on m’a demandé ce que je faisais à jouer avec la nourriture comme ça », se souvient-elle. 

Le malaise s’est estompé rapidement lorsque l’instructrice certifiée a nommé les biens faits de la remise à l’eau pour les générations futures. 

Les ados sollicités 

M. Atshapi enseigne un cours optionnel de confection et de lancer de la mouche à l’école secondaire Manikanetish. Il organise présentement un concours lors duquel des élèves, qui ont suivi son cours, auront la chance d’aller pêcher en sa compagnie sur la rivière Moisie à la mi-mai. 

Mme De Lasablonnière va également en ce sens, elle qui tente présentement d’officialiser un projet d’initiation à la pêche à la mouche pour des adolescents de sept communautés de la Côte-Nord.

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