Témoignage : un itinérant de Sept-Îles raconte son histoire

Par Jean-Christophe Beaulieu 14 septembre 2018
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Michel a arrêté de consommer depuis plusieurs mois. Il est présentement à la recherche d’un logement.

À 38 ans, Michel vit de l’itinérance depuis plusieurs années à Sept-Îles. «Je vois bien que les gens me jugent, mais j’espère quand même qu’ils me comprendront, après avoir entendu mon histoire.»

Aux portes de la quarantaine, Michel (nom fictif) est un Septilien d’origine et y a demeuré toute sa vie. Comme la plupart des gens, il apprécie les bons repas et la bonne compagnie. Il lui manque toutefois ce que bon nombre prennent souvent pour acquis : un endroit pour vivre.

La dégringolade

À 21 ans, Michel était déjà un jeune père de famille. Il avait rencontré sa conjointe à 18 ans et ils ont rapidement eu un enfant.

«Il arrive parfois que les couples se détachent lorsqu’ils deviennent parents. C’est ce qui s’est passé, ma conjointe a commencé à aller voir ailleurs. C’est quand je l’ai su que la dégringolade a commencé», se souvient-il.

Pendant quelque temps, il est arrivé à tenir le coup et à continuer de travailler. Mais du jour au lendemain, en avril 2007, il s’est réveillé cloué à son lit, sans pouvoir faire autre chose que trembler et pleurer. L’accumulation et le déni de sa situation l’avaient rapidement projeté dans la dépression.

«Comme ça, bang! J’ai commencé à consommer, pas mal n’importe quoi. Il n’y a que l’héroïne que je n’ai pas touchée. Tout pour me détruire, bref».

Michel a perdu plusieurs logements à cause de cette consommation. Il souffre de «psychoses induites par une substance», un trouble de santé mentale. L’intervenant de Michel, David Lebœuf, explique que ce type de psychose peut seulement être résolu avec de la médication. En état de psychose, les croyances et passions d’une personne sont accentuées et elle se retrouve à se construire des scénarios improbables et une réalité disproportionnée.

«Je pensais qu’on m’avait mis un micro sous la peau derrière l’oreille, car j’entendais les voix des gens que j’aime. J’essayais de parler dans le micro, mais il ne se passait rien. Je pétais des plombs, je criais. Je hurlais : ‘’tiens, voilà les corrompus’’,  aux policiers qui venaient me chercher pour m’amener à l’aile psychiatrique. C’était assez intense et incontrôlable. J’en suis sorti, je ne l’entretiens plus parce que je sais que ce n’est pas réel», raconte-t-il.

Le quotidien d’un itinérant septilien

«Où vais-je coucher ce soir ? Qu’est-ce que je vais manger aujourd’hui ? Je vous dirais que de passer de quelqu’un avec un emploi stable à quelqu’un qui doit vivre sur le bien-être social… Disons que lorsque tu reçois les chèques, ce n’est pas une fierté. J’avais honte», confie-t-il.

Vivant temporairement chez Transit Sept-Îles, Michel se lève tous les matins et part à pied à la recherche d’un logement. Il revient dîner, prendre un café et il repart en quête d’un loyer. Il se dit confiant, mais son parcours est difficile. Son intervenant confirme que les gens dans la situation de Michel sont durs à loger.

«Les propriétaires se parlent et certains préfèrent garder leur logement vide plutôt que d’accueillir quelqu’un comme lui», déplore David Leboeuf.

Tomber et se relever

Michel est confiant quant à ce qui l’attend. Il voit son avenir empreint de stabilité, dans un endroit qu’il pourra appeler son chez soi. La première chose qu’il fera, une fois logé, est de terminer ses tests d’équivalence de secondaire cinq. Aimant apprendre, il cherchera un cours en lien avec ce qu’il aime : l’écriture.

«J’aimerais dire quelque chose aux gens qui vivent ce que je vis, ce que j’ai vécu. Ne vous apitoyez pas sur le passé. Moi c’est ce que j’ai fait, beaucoup d’apitoiement et de déni. J’ai vécu dans le passé pendant des années, j’ai perdu mon temps… c’est terrible comme j’ai perdu du temps. Je me concentrais sur des détails qui ne me rendaient même pas heureux au fond», regrette-t-il, visiblement ému.

«Mais je vais finir par trouver quelqu’un qui ne me jugera pas selon mon ancienne vie ou mon apparence. On me juge à cause de ce que j’ai l’air et ça me fait de la peine de me faire tasser comme ça. Je pense qu’on a tous le droit de tomber et se relever. J’aimerais que les gens comprennent, ce n’est pas facile. L’habit ne fait pas le moine, ne me jugez pas selon ce que j’ai l’air à vos yeux», déclare Michel, une étincelle de ténacité bien visible dans ses yeux.

 

 

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