Une carrière située près de la source d’eau potable de Sept-Îles est sous enquête

Par Jean-Christophe Beaulieu 25 juillet 2018
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Le chemin d’accès qui passe dans le marécage. Au loin, le lac des Rapides.

Suite à des plaintes citoyennes, le ministère de l’Environnement s’est rendu sur les lieux de l’agrandissement de la carrière de Location de l’Anse près du lac des Rapides. Des manquements à la Loi sur la qualité de l’environnement ont été constatés. Le ministère en est à évaluer les recours possibles.

Location de l’Anse inc. exploite une carrière près du lac des Rapides depuis 2010. L’entreprise souhaite désormais exploiter un site supplémentaire aux abords de la source d’eau potable de la municipalité et est en plein processus d’agrandissement.

Toutefois, suite à des plaintes émises au ministère de l’Environnement (MDDELCC) par des citoyens, une inspectrice a dû se rendre sur place le 31 mai dernier. Plusieurs manquements y ont été constatés.

En vue de l’exploitation de la deuxième aire d’extraction, Location de l’Anse a procédé récemment à la construction d’un nouveau chemin d’accès. L’autorisation pour ce faire a été donnée par le ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (MFFP). Or, sur le terrain, l’inspectrice du MDDELCC a constaté que l’emplacement de ce dernier était problématique. Situé sur un cours d’eau se jetant directement dans la source d’eau potable, le chemin devient dès lors non-conforme.

«Le certificat d’autorisation pour l’exploitation de la carrière n’a pas autorisé la construction de ce chemin dans ce marécage riverain», indique-t-on dans le rapport d’inspection.

Au MFFP, on affirme avoir envoyé un technicien forestier jeudi dernier sur le terrain.

Vue aérienne du site. (Photo : courtoisie)

«Bien qu’il y ait eu l’émission d’un permis pour la construction d’un chemin d’accès, le promoteur pourrait avoir réalisé les travaux au mauvais endroit. C’est ce que le ministère s’empresse de valider. Si on trouve une problématique, on montera un dossier d’enquête», affirme la conseillère en communication, Catherine Thibault.

Autres manquements

L’inspectrice confirme des manquements supplémentaires, en lien avec des risques de ruissellement et d’apport de sédiments dans le lac des Rapides.

Lors de l’obtention de son certificat d’autorisation, l’entreprise s’était en effet engagée à construire des bassins de sédimentation le long du chemin d’accès entre les deux aires d’exploitation. Les bassins, qui visent à filtrer et diminuer la charge de matières en suspension dans la source d’eau, n’ont cependant pas encore été aménagés.

L’inspection a aussi permis de voir que certains matériaux entreposés par l’entreprise se retrouvent trop près du lac des Rapides. Des piles de béton et d’asphalte concassé se retrouvent en effet à moins de 180 mètres de la source d’eau potable. La présence de ces amas de matériaux constitue un «facteur aggravant» dans le dossier de Location de l’Anse, puisque l’entreprise avait déjà été avertie à ce sujet par le passé, précise-t-on dans le rapport.

Un récidiviste

L’entreprise n’en est pas à ses premières infractions. En juin 2017, lors d’une première inspection par le MDDELCC, deux manquements à la Loi sur la qualité de l’environnement avaient été constatés. Suite à cette inspection, le ministère avait aussi pu relever qu’aucun bassin de sédimentation n’était présent sur le site. Or, il devait y en avoir un d’aménagé depuis 2012 afin d’intercepter les eaux de ruissellement.

En février 2018, huit mois après cette première enquête, une lettre de rappel a dû être envoyée à l’entreprise étant donné l’absence de réponse de sa part. C’est trois mois plus tard, en mai dernier, que les plaintes de citoyens sont adressées au MDDELCC et que la deuxième enquête est ouverte.

De la machinerie est présente sur la nouvelle aire d’extraction de Location de l’Anse. (Photo : courtoisie)

Depuis, le directeur général de la Ville de Sept-Îles affirme être en contact constant avec le ministère de l’Environnement.

«C’est un dossier rouge, il se retrouve directement sur le bureau de la directrice régionale du ministère. Ils savent que la municipalité et les citoyens ont beaucoup de questionnements et ils suivent le tout de très près», soutient Patrick Gwilliam.

La municipalité a évidemment une responsabilité quant à la protection de sa source d’eau potable. Elle a les moyens d’agir, mais considère que le MDDELCC a plus de pouvoir.

«Ils peuvent intervenir plus rapidement et avec des moyens plus sévères. Ça commence avec des amendes, mais ça peut aller jusqu’à l’emprisonnement», confirme le directeur général.

«On a assez de problèmes comme ça»

Déverser dans un cours d’eau éloigné inconnu est une chose, affirme M. Gwilliam.

«Mais déverser dans la source d’eau potable d’une municipalité, c’est une autre affaire. On ne veut pas de résidus et de matières en suspension additionnelles dans notre lac, on a déjà assez de problèmes avec la filtration comme ça!», rappelle-t-il .

Denis Bouchard, l’un des citoyens qui a porté plainte au ministère, est aussi d’avis que la priorité est la protection du lac des Rapides dans ce dossier.

«La voie acceptable serait que l’entreprise restaure le site où elle a construit le chemin d’accès et qu’elle l’aménage plutôt vers le sud-ouest. Ainsi, les bassins de sédimentation s’écouleraient vers la baie plutôt que vers notre source d’eau potable», soutient-il

Le MDDELCC évalue pour le moment les actions à poser suite aux manquements et «n’écarte aucun recours pour assurer un retour à la conformité». Le propriétaire de Location de l’Anse a quant à lui refusé de répondre à nos questions.

 

 

 

 

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