Sortir du trou noir

Par Jean-Christophe Beaulieu 21 Décembre 2017
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trou noir

La coalition formée de plusieurs élus, travailleurs, syndicats et organismes en conférence de presse le 20 décembre.

En conférence de presse hier matin à Baie-Comeau, plusieurs élus, travailleurs, syndicats et organismes ont dénoncé une fois de plus la problématique du trou noir, qui touche les travailleurs saisonniers de la Côte-Nord. La coalition ainsi formée demande entre autres la mise en place d’une mesure d’urgence instaurant un seuil d’admissibilité de 420 heures de travail pour 30 semaines de prestations.

Le trou noir consiste en la période où les travailleurs saisonniers n’ont plus de prestations d’assurance-emploi. Luc Noël, président de l’Assemblée des MRC de la Côte-Nord, dénonce la situation. «On a des travailleurs qui n’ont plus de chômage de la mi-février à la fin mars. Cette année, ils devront faire 665 heures de travail pour avoir accès à 15 semaines» avance-t-il.

Le problème découle du fait que le gouvernement se base sur le taux de chômage pour définir les prestations, répond quant à lui Guillaume Tremblay, président du Conseil Central Côte-Nord CSN. «C’est une méconnaissance de notre réalité territoriale et de notre système économique de la part du gouvernement qui crée ça. La solution serait de ne pas baser l’accessibilité et le nombre de prestations sur le taux de chômage», croit M. Tremblay. Un taux de chômage qui, de plus, est artificiellement bas selon Luc Noël. «Le fédéral minimise le taux de chômage sur la Côte-Nord. Selon nous, il n’est pas de 6,7 mais bien de 14,6%», soutient-il.

Mesure d’urgence

La coalition propose d’accorder 30 semaines de prestations aux travailleurs après 420 heures de travail. Marilène Gill, députée fédérale de Manicouagan, conviera d’ailleurs ses collègues de l’Est du Canada à une rencontre en février prochain à ce propos. «C’est soit qu’on adopte la mesure pour les prestations ou soit qu’on en fait des travailleurs à l’année. Ces gens-là veulent travailler, mais il faut que le gouvernement décide d’aider les industries saisonnières, en allongeant les saisons, en faisant de la deuxième et troisième transformation, etc. C’est un pilier sur la Côte-Nord et dans tout l’Est-du-Québec les emplois saisonniers», souligne-t-elle. Les travailleurs saisonniers oeuvrent principalement dans les pêches, la forêt, mais aussi dans «l’industrie touristique, la construction, les poissonneries», précise Mme Gill.

Mais ce ne sont pas seulement les travailleurs saisonniers qui sont aux prises avec le trou noir mentionne Guillaume Tremblay. «Dans la construction aussi, étant donné que les travailleurs œuvrent à contrat. Ça concerne aussi les travailleurs occasionnels ou à temps partiel, qui n’ont pas statut de travailleur permanent. Le statut d’emploi amène parfois à faire des périodes de chômage si tu n’es pas un travailleur permanent», dit-il.

Une question d’image et de communication

Marie-Ève Théberge travaille pour le Conseil de la Première Nation des Innus Essipit. Son organisation étant partenaire d’Action-Chômage Côte-Nord, elle connait bien la problématique qui touche la région et croit que le problème se situe aussi au niveau de la perception des gens. «On entend souvent les gens qui ne sont pas touchés dire qu’il y a des emplois, que les gens ont juste à s’en trouver. Ça fait paraître les chômeurs comme des paresseux et c’est vraiment déplacer le problème, parce que les emplois occupés par ces travailleurs sont essentiels. S’ils se trouvent un emploi à temps plein ailleurs, qui va faire leur emploi saisonnier?», lance-t-elle. «On dirait que les gens n’allument pas sur la réalité de ces emplois-là, c’est une réelle carrière la sylviculture et le tourisme. L’hiver, il n’y en a pas, ce n’est pas de la paresse.»

Pour faire avancer le dossier, l’Assemblée des MRC a aussi engagé une professionnelle en relation publique. «Elle va nous aider à faire connaître la question du trou noir à l’extérieur des régions touchées. On utilise les relations publiques parce que notre message semble ne pas vouloir se faire entendre au politique. Ça aidera aussi à mobiliser l’opinion publique derrière la coalition», précise Luc Noël, président de l’Assemblée.

Une pétition a donc été mise en ligne le 20 décembre, suite à la conférence de presse, et circule sur les médias sociaux. On souhaite ainsi lancer un message au ministre Jean-Yves Duclos. N’en demeure pas moins que plusieurs sont perplexes quant à la manière dont le gouvernement traite le dossier. «Pourquoi bloquer l’accessibilité aux prestations à ceux qui contribuent à la caisse?», lance Guillaume Tremblay.

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