Mois de l’archéologie: François Guindon fouille la terre pour briser les stéréotypes

Par Éditions Nordiques 2 août 2016
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François Guindon pose devant le matériel qu’il a préparé en vue d’un projet archéologique à Essipit.

Un pied dans le présent, un pied dans le passé, François Guindon observe la Côte-Nord de son œil d’archéologue. Sous cet angle, il parait que la région est très riche. Ça doit se savoir! 

Maëlle Besnard

«On a une vision stéréotypante de la Côte-Nord, mais l’archéologie permet de remettre en question ces stéréotypes-là», assure François Guidon. Sur le mur de son bureau, situé au Jardin des glaciers, à Baie-Comeau, il montre une carte sur laquelle sont indiqués les sites archéologiques en cours d’étude au Québec. La région en compte 150. En tout, elle compte même plus de 1 000 sites recensés, dont une majorité date de la période préhistorique. «Pendant longtemps, la voie maritime a été le mode de transport par excellence. Elle [la Côte-Nord] a été une porte d’entrée», explique l’archéologue.

Que ce soit pour chasser et pêcher, pour se protéger et se nourrir dans la forêt, pour exploiter ses ressources en bois, en minerais et en fourrures, la Côte-Nord aurait connu un long et faste passé. En témoignent les
épaves que l’on trouve régulièrement dans le Saint-Laurent, mais aussi d’autres découvertes. Mentionnons par exemple le site Nisula, le seul site d’art rupestre dans l’est du Québec, ou encore le site de la Rive-Ouest-de-la-Blanc-Sablon, qui atteste la présence d’autochtones sur la Côte-Nord depuis 9 000 ans, soit bien avant l’arrivée des Européens.

Redorer le blason des autochtones

Dans le cadre de piges pour le Conseil de la Nation Crie, au début de sa carrière d’archéologue, François Guindon a tissé des liens très fort avec les autochtones. Selon lui, l’archéologie permet de mettre en lumière les connaissances d’un peuple qu’il croit sous-estimé. «Le discours colonial selon lequel ils avaient besoin des Européens est faux (…) Ils avaient un mode de vie viable et connaissaient bien les ressources de leur milieu», affirme-t-il.

Si, à ses débuts, il a pu constater que les archéologues se préoccupaient peu de l’impact que leurs projets
pouvaient avoir sur les peuples concernés, il voit que cela change aujourd’hui. «Même le ministère de la Culture et des Communications demande que les premières nations soient consultées», explique l’homme.

Une discipline «signifiante socialement»

Avec l’entreprise baie-comoise Archéo-Mamu, dont il est directeur et fondateur, François Guindon a pour ambition de «rendre la discipline plus signifiante socialement». Les ateliers pédagogiques organisés par Archéo-Mamu ont donc une mission avouée: celle de casser les stéréotypes. «L’archéologie permet de corriger l’impression que les autochtones avaient besoin de nous. Dans nos ateliers, c’est
toujours la conclusion», affirme-t-il.

De plus, François Guindon regrette que le patrimoine archéologique de la région soit méconnu. «Il y a des
projets lucratifs sur la Côte-Nord, mais les gens ne le savent pas», lance l’archéologue. Il cite en exemple le complexe hydroélectrique d’Hydro-Québec sur la rivière Romaine, qui a permis la découverte de 78 sites archéologiques, dont certains ont jusqu’à 6 000 ans. Même chose au réservoir Caniapiscau, où près de 100 sites sont répertoriés.

L’argent généré grâce à ces découvertes archéologiques régionales, le directeur d’Archéo-Mamu aimerait le réinvestir dans des projets éducatifs ou dans des expositions. Ouvrir en partie au public le laboratoire archéologique situé au Jardin des glaciers, créer une réserve régionale d’artefacts, mettre sur pied un portail Internet… Voilà quelques exemples de projets qu’il a dans ses cartons.

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Le quotidien des archéologues d’Archéo-Mamu

Avant de construire quelque chose sur un terrain, il est parfois obligatoire de le faire évaluer par un archéologue. C’est ce qu’on appelle l’archéologie préventive. Aux dires de François Guindon, c’est la
branche de l’archéologie qui les occupe le plus, lui et ses collègues d’Archéo-Mamu.

Dans le cadre d’un travail d’archéologie préventive, l’archéologue évalue l’impact des projets de
construction qui lui sont soumis. Il réalise d’abord des études de potentiel pour savoir si des éléments archéologiques pourraient se trouver sur les terrains concernés. Il émet ensuite des recommandations sur la base de ses études.

S’il estime qu’un terrain a un potentiel archéologique, l’archéologue commence des fouilles sur des échantillons du terrain. Concrètement, il creuse des trous tous les vingt mètres environ et vérifie les archives afin de réaliser un inventaire de ce qui pourrait se trouver sous la terre.

Si ces premières fouilles sont payantes et que l’archéologue estime que le projet de construction aura un impact archéologique, les vraies fouilles commencent.

Quotidien varié

Dans son quotidien, François Guindon jongle donc entre des recherches au bureau et des chantiers dans tout le Québec. Ces tâches variées font aujourd’hui son bonheur. «Il n’y a pas de routine», lance-t-il.

Toutefois, si le métier d’archéologue est un rêve d’enfant pour certains, ce n’est pas son cas. Au sortir du cégep, il s’est d’abord lancé dans des études en philosophie avant d’atterrir en anthropologie. C’est là qu’il a découvert la discipline dont il a fait son métier. «J’aime le côté un peu aventurier et le côté intellectuel. En plus, il y a quelque chose de scientifique, de rigoureux», explique-t-il.

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