La maladie mentale, quand on perd le Nord

Par Karine Lachance 8:00 AM - 21 mars 2019
Temps de lecture :
Marie-Michèle Cyr

Marie-Michèle Cyr raconte, le sourire aux lèvres, une époque plus sombre de sa vie.

Lorsqu’on voit Marie-Michèle avec ses ciseaux à la main, en train de coiffer une cliente, on ne douterait jamais du chemin qu’elle a traversé avant d’en arriver là. Voici le périple d’une femme inspirante qui est passée par tous les points cardinaux, avant d’enfin trouver sa voie.

Marie-Michèle a eu une enfance normale, avec des parents aimants. Elle s’est construit une belle vie, tel que la société juge satisfaisante et heureuse. Elle avait un conjoint, deux beaux enfants, une maison et un travail de gestionnaire dans une banque.

Pourtant, elle sentait que quelque chose ne fonctionnait pas en dedans. Elle croyait vivre la même chose que tout le monde; de l’anxiété en raison de son travail et des tracas du quotidien. Elle avait des moments plus sombres de temps à autre, mais rien qui ne lui faisait douter ce qui l’attendait.

Le brouillard

Tranquillement, les épisodes de noirceurs étaient de plus en plus présents dans la vie de Marie-Michèle. L’anxiété, la culpabilité et le remords prenaient de plus en plus de place dans son quotidien.

À un certain moment, cette femme n’était plus en mesure d’occuper son travail. Elle a donc dû se retrouver en congé de maladie. Elle pleurait, s’isolait et ne se sentait pas à la hauteur des attentes de son entourage. Il lui arrivait également d’avoir des idées suicidaires.

«Quand t’es dedans, tu penses que tu ne t’en sortiras pas. J’étais toujours dans la honte et la culpabilité», confie Marie-Michèle.

En juillet 2017, voyant qu’elle n’allait vraiment pas bien, la sœur de Marie-Michèle lui a fortement suggéré d’aller consulter à l’hôpital, ce qu’elle a accepté de faire.

S’avouer vaincue

Marie-Michèle a été transférée à l’unité fermée de psychiatrie à l’hôpital de Sept-Îles.

«Honnêtement, je pense que je suis restée enfermée deux jours dans ma chambre, sans sortir. Accepter d’en être rendue là, ce n’est pas facile», relate la femme aujourd’hui âgée de 33 ans.

Elle a passé deux semaines dans l’unité psychiatrique, pour une prise en charge complète de sa santé. C’est également à ce moment que Marie-Michèle a débuté une nouvelle médication et, surtout, qu’elle a su enfin de quelle maladie elle était atteinte.

«À ce moment, j’étais en dépression majeure, mais c’est aussi là que j’ai su que je suis bipolaire et que j’ai un trouble d’anxiété généralisée.»

Dans les yeux des autres

Marie-Michèle est bipolaire de type 2, maintenant qu’elle a une médication adéquate, sa vie est beaucoup plus stable. Elle se souvient de l’époque où elle n’avait pas encore reçu son diagnostic et que sa vie était parsemée de montagnes russes. Oui, elle avait des périodes de noirceurs, mais également des moments de manie.

Lorsque Marie-Michèle était en phase maniaque, elle semblait heureuse, parlait beaucoup et vite et sortait avec ses amis.

«Les gens me jugeaient, ils me voyaient en épisode maniaque et se demandaient pourquoi j’étais en congé de maladie. Le problème, c’est qu’ils ne me voyaient pas dans mes moments de détresse quand j’étais enfermée chez moi, dans la noirceur à pleurer ma vie et avoir envie de me suicider.»

Retrouver le Nord

Aujourd’hui, Marie-Michèle parle avec un certain détachement et une touche d’humour de l’époque de sa dépression. Elle accepte cette période de sa vie et regarde vers l’avant.

Elle a un nouveau travail qu’elle adore, un nouveau conjoint et, surtout, elle s’accepte et apprend à mettre ses limites.

«J’apprends à me connaître et à m’accepter. Quand tu sors de l’hôpital avec un diagnostic de santé mentale, ce n’est pas comme si tu t’étais cassé une jambe et que le médecin te donnait une paire de béquilles. Tu dois travailler pour ton bonheur.»

Son métier de coiffeuse est propice à la confidence et Marie-Michèle avoue avoir aidé plusieurs personnes simplement en partageant son histoire, ou en les écoutant sans les juger. Elle parle avec aisance de cette période moins reluisante de sa vie et ne tiens plus compte du regard des autres. Elle apprend à accepter ses différences.

«Quand t’es malade, tu ne te comprends pas, je me suis tellement sentie jugée. Maintenant, je vois mes différences comme des forces et j’aide les gens à faire de même.»

Une malade à démystifier

La maladie mentale handicape le quotidien de la personne atteinte, au même titre qu’un problème de santé physique. Malheureusement, à l’heure actuelle, les troubles mentaux sont encore méconnus et les personnes qui en souffrent sont trop souvent critiquées négativement.

Selon l’éducatrice en santé mentale, Kacendre Beaudin, les gens jugent ce qu’ils ne connaissent pas. Lorsque nous lui avons demandé de donner sa définition de ce qu’est la stigmatisation, elle a pris le temps de réfléchir quelques instants.

«En fait, c’est notre manière de juger l’inconnu, parce qu’on ne comprend pas la différence qu’une personne peut avoir», explique-t-elle.

 

Partager cet article