Hydro-Québec «de mauvaise foi» envers Construction Polaris

Par Mathieu Morasse 30 avril 2018
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Les bureaux de Construction Polaris à Sept-Îles.

Un juge qualifie Hydro-Québec «de mauvaise foi» envers un entrepreneur de la Côte-Nord qu’il a presque acculé à la faillite. Il autorise une poursuite de 63,5 M$ contre la société d’État.

En juillet 2010, Construction Polaris Inc., une entreprise septilienne de taille moyenne spécialisée en génie civil, a soumissionné et obtenu le contrat de construction des kilomètres 48 à 86 de la route d’accès du chantier hydroélectrique de la rivière Romaine, au montant de 63,4 M$.

L’échéancier est serré et la route doit être livrée moins d’un an plus tard, en juin 2011. Des imprévus et des retards au chantier engendrent de nombreux coûts supplémentaires que Polaris réclame maintenant à Hydro-Québec. De l’aveu même d’Hydro-Québec, une « bonne partie du retard » lui est imputable.

Polaris met les bouchées doubles au chantier à la demande d’Hydro-Québec. Selon Polaris, les dépassements de coûts s’accumulent rapidement : 10 M$ en février 2011, 18 M$ en mars 2011, 24,7 M$ en avril 2011 et 36 M$ à la fin du contrat en juin 2011.

Polaris menacée de faillite

Les nombreux dépassements de coûts placent rapidement Construction Polaris en difficulté financière. Hydro-Québec refuse toutefois de lui rembourser les coûts supplémentaires, prétextant que la réclamation de l’entrepreneur n’est pas assez détaillée.

Face à cette situation, la banque de Polaris exige qu’elle injecte 2,5 MS en liquidités avant le 28 mai 2011, sans quoi c’est la faillite.

Hydro-Québec laisse entendre à plusieurs reprises à l’entrepreneur qu’elle lui versera une avance de 4 M$ pour régler la situation auprès de sa banque dans l’attente d’une réclamation plus détaillée.

Les parties se rencontrent le 25 mai, supposément pour régler l’avance de 4 M$. Polaris et son partenaire financier présentent un plan solide qui inclut l’avance annoncée. Mais Hydro-Québec rejette ce plan du revers de la main.

Elle offre plutôt de payer immédiatement 10 M$ à Polaris pour l’ensemble de sa réclamation de 24,7 M$. Elle exige même que Polaris renonce à tout dépassement de coûts futur. C’est à prendre ou à laisser., et Hydro-Québec exige une réponse le matin même. Polaris est coincée : elle accepte l’offre pour éviter la faillite.

La Cour vilipende Hydro-Québec

En novembre 2013, Construction Polaris dépose une demande contre Hydro-Québec. Elle y réclame 63,5 M$, à savoir 36 M$ en coûts supplémentaires et 27,5 M$ pour préjudice moral et matériel pour atteinte à ses droits. Elle demande aussi l’annulation de l’entente qu’elle a été forcée de signer pour éviter la faillite.

Hydro-Québec conteste et affirme que l’entente empêche Polaris de lui réclamer quelque montant que ce soit relativement aux coûts supplémentaires.

Le juge de la Cour supérieure Michel A. Pinsonnault ne mâche pas ses mots dans son jugement du 20 avril 2018. Selon lui, Hydro-Québec est «de mauvaise foi» puisqu’elle connaissait l’état de nécessité de Polaris, a elle-même contribué à cet état de nécessité et a profité de la situation de manière excessive. « La mauvaise foi d’Hydro-Québec […] ne fait aucun doute dans l’esprit du Tribunal, juge-t-il. Les manifestations de cette mauvaise foi sont nombreuses.»

Puis, le magistrat ne s’arrête pas là.

« Si la bonne foi avait été de la partie, […] les représentants d’HQ auraient à tout le moins tenté d’élaborer une solution acceptable avec Polaris. »

Le juge Pinsonnault rejette aussi sévèrement la défense des représentants et des témoins d’Hydro-Québec.

« Le Tribunal considère [la version des faits d’Hydro-Québec] tout à fait invraisemblable, non plausible, voire même non crédible », écrit-il.

La Cour accueille donc la demande de Polaris et annule la Convention du 27 mai 2011. Par le fait même, elle ordonne la tenue d’un deuxième procès pour décider de la réclamation de 63,5 M$ de Polaris contre Hydro-Québec. La date n’a pas encore été fixée

Hydro-Québec a indiqué analyser le jugement en détail et ne pas pouvoir émettre de commentaires pour le moment. Polaris a décliné notre demande d’entrevue.

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