Femmes autochtones: Québec élargit le mandat de la SPVM

Par Fanny Lévesque 6 avril 2016
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Mike Mckenzie

Photo prise le 9 mai de la route 138 à 20 kilomètres à l’est de Baie-Johan-Beetz.

Québec donne du large au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et le mandate pour enquêter sur toutes les plaintes, actuelles et antérieures, soumises par des femmes autochtones visant des policiers de la Sûreté du Québec.

L’annonce survient moins d’une semaine après que l’émission Enquête eut diffusé un second reportage au cours duquel des femmes autochtones issues de différentes communautés, notamment sur la Côte-Nord, allèguent avoir subi des agressions sexuelles ou physiques de la part d’agents de la Sûreté du Québec. À l’automne, un premier reportage troublant révélait des cas allégués d’abus à Val-d’Or.

Dans la foulée des événements, largement médiatisés, Québec confiait le mandat au SPVM d’enquêter. C’est donc ce mandat que le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a décidé d’élargir mardi, «afin d’évacuer tout possible conflit d’intérêts, réel ou apparent, dans le traitement des plaintes».

Le ministre Coiteux a de plus demandé au directeur général de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, de répertorier «toutes les plaintes de nature criminelle» adressées par des femmes autochtones et impliquant des policiers de la SQ depuis 10 ans pour les acheminer à la police de Montréal. Toutes nouvelles plaintes visant la SQ devront aussi être «systématiquement» transférées au SPVM.

Ligne téléphonique

Québec a aussi mandaté l’organisme Services parajudiciaires autochtones du Québec pour gérer une nouvelle ligne téléphonique à la disposition des femmes autochtones qui souhaiteraient dénoncer une situation. Une ligne existait déjà pour elles auprès du SPVM, mais cette «seconde porte d’entrée» peut être nécessaire pour celles qui hésitent à dénoncer un policier à un autre policier, a indiqué M. Coiteux.

La Sécurité publique souhaite enfin, «bonifier» la formation offerte aux policiers de l’École nationale de police sur la question autochtone afin que ces derniers soient «davantage informés et mieux outillés» en matière d’interaction avec les membres des communautés autochtones.

Réactions partagées

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, est loin d’être impressionné des gestes posés par Québec pour que les femmes autochtones dénoncent plus facilement les abus policiers à leur égard.

«Le gouvernement du Québec ferme carrément les yeux sur l’étendue du problème entre la Sûreté du Québec et nos communautés», a réagi le chef Picard. «On y va de demi-mesures pour répondre de façon tacite à (…) de nouvelles révélations de l’émission Enquête, la semaine dernière».

Le chef Picard n’hésite d’ailleurs à se dire déçu du gouvernement depuis la diffusion du premier reportage d’Enquête. «L’attitude de Québec depuis l’automne, nous laisse sur notre appétit, a poursuivi le chef Picard. On n’est pas du tout impressionné par la façon dont le gouvernement tente, finalement, de circonscrire l’affaire».

Selon lui, l’État doit ratisser beaucoup plus large en s’intéressant aux relations entre les corps policiers et les autochtones en lançant une enquête provinciale indépendante.

L’ex-présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, Michèle Audette accueille avec prudence les nouvelles mesures de Québec et espère que Services parajudiciaires autochtones du Québec recevra les ressources suffisantes. «De l’extérieur, c’est une très bonne nouvelle, mais de l’intérieur, si on me dit qu’il n’y a pas de financement adéquat pour soutenir ce nouveau mandat-là, j’ai des préoccupations», a-t-elle confié.

Mme Audette salue néanmoins la demande de Québec d’étudier les plaintes d’il y a 10 ans. «De voir un ministre qui ose dire à son institution, qui est très fermée : vous allez ouvrir vos livres depuis les 10 dernières années. Pour moi, c’est un message super important», a-t-elle poursuivi. «Ce sont des mesures positives cependant, Québec a le devoir d’aller plus loin».

Mme Audette est d’avis que l’État doive se doter d’un bureau indépendant «pour soutenir les victimes» et travailler en parallèle de la commission d’enquête nationale sur les femmes autochtones disparues ou assassinées au pays, que mènera Ottawa.

 

 

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