Dr Stanley Vollant : la peur au ventre

Par Johannie Gaudreault 8:30 AM - 27 mai 2020
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Le Dr. Stanley Vollant parle de la tuberculose dans les commaunautés autochtones par le biais de son expertise de médecin et de son expérience personnelle. Photo courtoisie archives

En entrevue avec le Journal Haute-Côte-Nord, le docteur Stanley Vollant qui œuvre en plein cœur de la crise de la COVID-19 à l’hôpital Notre-Dame de Montréal est toujours inquiet pour sa Côte-Nord natale et sa communauté autochtone Pessamit.

Sa plus grande peur : une recrudescence de l’épidémie après la levée de points de contrôle routiers à l’entrée de la région. « Je veux protéger ma région, mais il ne suffit qu’un zinzin qui ne respecte pas les consignes de quarantaine pour qu’une deuxième vague reprenne », déplore le chirurgien.

Les deux semaines supplémentaires de maintien des barrages routiers permettront à la région de prendre exemple sur celles qui ont ouvert leurs frontières le 18 mai, comme le Bas-St-Laurent, le Saguenay-Lac-Saint-Jean et l’Abitibi-Témiscamingue.

« En voyant augmenter le nombre de cas de ces autres régions, la Santé publique de la Côte-Nord prendra peut-être la décision de rester confinée encore quelque temps », espère Dr Vollant en mentionnant que personnellement, il conserverait les points de contrôle tout l’été comme le Nouveau-Brunswick.

Il poursuit en précisant qu’il faut prévoir « sept à dix jours » pour voir surgir une nouvelle éclosion « le temps que les symptômes soient ressentis par les personnes infectées ».
Le temps additionnel alloué aux Nord-Côtiers est aussi l’occasion de mieux se préparer à la réouverture de la région.

« Il faut que les entreprises aient leurs masques, leur désinfectant pour les mains, leur plexiglas au besoin et leurs marques sur le plancher pour la distanciation sociale. Les citoyens, quant à eux, devraient porter le masque en tout temps lorsqu’ils sortent de la maison », soutient Dr Stanley Vollant.

Il rappelle d’ailleurs que porter un couvre-visage est une marque de respect envers les autres. « Ce n’est pas pour se protéger nous-mêmes, c’est pour protéger ceux que l’on croise tant à l’épicerie qu’au dépanneur. Il faut le porter en tout temps, sauf lorsqu’on va dans le bois, seul avec les carcajous et les ours, rigole-t-il. »

Population innue

L’éclosion de la COVID-19 dans un petit groupe d’Innus expatriés à Québec a contribué aux inquiétudes du chirurgien natif de Pessamit. « Les Innus sont plus vulnérables à la COVID-19, explique Stanley Vollant, en raison de leurs conditions de santé et de facteur psychosociaux. » L’obésité ou le surpoids est un facteur majeur de complication pour les personnes atteintes du virus.

« 60 % des Autochtones vivent avec de l’obésité, ce qui rend la population innue plus fragile », avance Dr Vollant, bien conscient des problématiques vécues dans les communautés autochtones.
De plus, de nombreux Innus font du diabète et de l’hypertension, deux autres maladies qui causent des soucis aux patients infectés de la COVID-19.

La surpopulation dans les maisons est un autre facteur aggravant, selon le Dr Stanley Vollant. « Les familles sont grandes et multigénérationnelles. Les grands-parents cohabitent avec les petits-enfants. Ils peuvent être jusqu’à 12 dans des maisons qui n’ont que deux ou trois chambres », expose-t-il.

« Il y a très peu d’Innus en CHSLD, ajoute Dr Vollant. » Selon les données du chirurgien, 10 Innus de la Côte-Nord ont attrapé la COVID-19, mais « ils sont maintenant guéris ». « C’était au tout début de la crise, à la mi-mars. Ils revenaient de voyage. Ce n’était pas de la transmission communautaire. Comme la route et les communautés ont été fermées rapidement, la région n’a pas été fortement atteinte par la première vague », note-t-il.

Les secteurs éloignés comme la Basse-Côte-Nord et la Minganie doivent être considérées comme les communautés autochtones, selon Dr Vollant. « Ils ont sensiblement les mêmes problématiques que les populations innues, en plus d’être loin des centres hospitaliers et des tests de dépistage. »

Cellule de crise

La cellule de crise innue a été mise en place pour surveiller la propagation de la COVID-19 chez les Autochtones.  Le Dr Stanley Vollant fait partie des médecins-conseils, tout comme les Drs Stéphane Trépanier et Donald Aubin (chef intérimaire) de la Santé publique de la Côte-Nord ainsi qu’Amir Khadir, microbiologiste spécialisé dans les épidémies.

Elle a été formée à la demande des huit chefs innus de la région. « Nous avons également inclus des gens du domaine psychosocial, des psychologues, afin de prendre en compte la partie santé mentale. J’ai aussi fait une demande pour des représentants de Santé Canada, dans le but de faire le lien avec le fédéral », informe le médecin originaire de Pessamit.

Impatient de revoir sa famille

Dr Vollant fait partie de ceux qui s’impatientent de revoir leur famille. En avril, il a dû annuler son voyage prévu pour manger du « bon crabe ». « Avant de m’en venir, je vais passer un test de dépistage et s’il est négatif, je resterai en quarantaine 48 heures pour être certain de ne pas développer de symptômes », dévoile-t-il.

Il faut mettre en contexte que le chirurgien travaille dans un hôpital où la COVID-19 est bien présente, même si des mesures de protection sont en place depuis le début de la pandémie.

« L’hôpital est divisé en deux, un côté réservé aux cas de la COVID-19. L’étage des salles d’opération est séparé en trois zones, verte, jaune et rouge », explique-t-il. Il lui arrive donc d’opérer des patients atteints du coronavirus. « On est full equip dans ces cas-là. La protection est la clé. »

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