Commission d’enquête: «C’est aux leaders politiques d’agir maintenant», dit Michèle Audette

Par Mathieu Morasse 20 Décembre 2018
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Michèle Audette en audience à Québec.

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) a pris fin vendredi dernier, tout comme la Commission Viens sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec. Dans un contexte difficile, complexe et hautement politisé sur l’enquête, la commissaire Michèle Audette considère «le travail remarquable, malgré le temps alloué. Il faut maintenant que le rapport fasse bouger le politique».

La FFADA avait pour mandat de se pencher sur les causes systémiques de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles autochtones. Ayant débuté le 1er septembre 2016, elle est venue à terme vendredi dernier. Originaire de Mani-Utenam, Michèle Audette y aura agi comme commissaire.

«En toute humilité et sincérité, je suis vraiment impressionnée par tout le travail qui a été accompli. Ça s’est fait dans un contexte difficile, sur un sujet rempli d’émotions, une véritable tragédie nationale. Après tout, ceux qui ont témoigné ont perdu des êtres chers dans des circonstances inacceptables. En somme, je crois qu’on a fait un travail remarquable dans le temps qui nous a été alloué», affirme Mme Audette.

La commissaire avait publiquement remis en question sa participation à la FFADA le 5 juin dernier. Sa déclaration faisait suite à la décision du gouvernement fédéral de prolonger le mandat de l’enquête de seulement six mois, plutôt que de deux ans tel que demandé. Elle aura finalement décidé d’aller jusqu’au bout.

«Merci à tous ceux et celles qui ont suivi les travaux. Il y a beaucoup de gens sur la Côte-Nord qui nous ont encouragés et soutenus malgré les tempêtes. J’en suis très reconnaissante».

En finir avec le colonialisme

Les 2000 témoignages reçus à la Commission auront été livrés avec beaucoup d’émotions. Peu importe l’endroit au Canada, toutes nations ou communautés confondues, une toile de fond était bien présente selon Mme Audette.

«Il y a des grandes lignes qui sont facilement discernables, entre autres le fait que le colonialisme aura fait mal dès ses tout débuts. C’était la toile de fond partout où on allait. On le voit en 2018, les effets du colonialisme sont encore très présents dans les politiques fédérales, provinciales ou dans nos façons de faire comme conseils de bandes», explique-t-elle. «Le colonialisme fait émaner des cultures et des façons de faire. Même si on adhère à des conventions internationales et malgré notre bonne volonté, ça se passe d’une certaine façon sur le terrain», ajoute-t-elle, résumant le colonialisme au fait de «déshumaniser un être».

Michèle Audette et les autres commissaires ont aussi remarqué que la relation entre policiers et femmes autochtones est dysfonctionnelle, peu importe le corps policier. Une situation qui doit «carrément changer».

Honorer la vérité

Après un peu plus de deux ans d’enquête, le travail n’est pas terminé pour les quatre commissaires. Ils ont jusqu’à la fin avril pour développer leurs recommandations à inclure dans le rapport final de l’enquête. Michèle Audette est sans équivoque d’ailleurs : ce sera maintenant aux leaders politiques d’agir.

«Ça va être très important et stratégique que nos gouvernements se sentent interpellés. C’est bien beau une commission d’enquête, mais si les gens n’honorent pas la vérité ou les recommandations… Notre travail est fait, c’est maintenant à la société civile de mettre ces mots en actions».

Parallèlement au rapport, le gouvernement a annoncé une série d’enveloppes pour soutenir les victimes et leurs familles. Un fonds de commémoration est envisagé ainsi qu’une étude des pratiques policières.

Commission Viens

La Commission Viens a aussi connu son dénouement dans les derniers jours.

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, est intervenu à quelques reprises devant cette Commission sur les relations entre les Autochtones et certains services publics.

Il a présenté les recommandations de l’APNQL, particulièrement celles concernant l’accès aux mécanismes des Nations Unies.

«À l’approche de la fin des travaux de la Commission Viens, je tiens d’abord à saluer le courage et la persévérance des femmes des Premières Nations. La confiance envers un système de justice devrait être inébranlable, mais à la lumière de leurs témoignages, force est de croire que beaucoup de travail reste à faire et que les instances internationales peuvent constituer un recours», a livré le chef Picard.

Il invite la Commission à se pencher sur les difficultés d’accès à la justice, en particulier pour les femmes des Premières Nations, «en vue de faciliter leur accès aux mécanismes des Nations Unies, puisque tous les dossiers ne se rendent pas en justice ici au Canada, et au Québec, dans l’état actuel des choses», a-t-il déclaré.

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