« J’ai peur de passer l’été en dedans »

Par Lisianne Tremblay 3:45 PM - 31 mars 2020
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Par Brigitte Lavoie

Le temps est un drôle d’ami. Constant, oui, mais imprévisible et ratoureux. Quand on voudrait qu’il suspende sa course, il file comme un voleur. Et à l’inverse, il lambine et sème l’ennui alors qu’on a qu’un souhait, c’est qu’il s’égrène à sa vitesse la plus folle. Pour les aînés, le confinement actuel vient avec une horloge dont le tic-tac n’a parfois rien de rassurant.

Alors que la situation de la COVID-19 chamboule les habitudes et la routine, la dernière semaine a été un peu plus difficile pour nos aînés. Frédérique Bergeron est à même de le constater. La travailleuse de milieu du Centre d’action bénévole de Charlevoix a senti davantage d’inquiétude au bout du fil.

« Avec les mesures de confinement, l’interdiction des visites en CHSLD, l’interdiction de sortie, ne plus pouvoir aller prendre la petite marche dehors, plusieurs aînés commencent à trouver ça dur. »

Finie,  la visite de la coiffeuse à la maison ou à la résidence. Et pas question d’aller faire ses commissions comme à l’habitude avec son fils…

« Pour certains aînés, le confinement ressemble à ce qu’ils vivent d’habitude. Ceux qui sont déjà seuls, veufs et sans famille, ils sont moins affectés par ces mesures. Mais ceux qui ont l’habitude d’avoir des contacts et de sortir, c’est un peu plus pénible. »

Alors Frédérique essaie d’être présente, au bout du fil. « J’essaie de les rassurer. Je leur dis que ça va aller en s’améliorant. » Elle rassure aussi les familles, qui s’inquiètent que leur parent tombe malade, soit isolé, manque de quelque chose.

« Les familles qui sont à distance s’inquiètent. C’est normal. Certaines familles se sont demandées si elles devaient venir chercher leur parent. Quelques-uns l’ont fait. »

Mais la grande peur des aînés, ces jours-ci, ce n’est pas de tomber malade. « Leur grande peur, c’est de passer l’été en dedans », relate Mme Bergeron. « L’été, ils sont moins isolés. Souvent, la famille vient en vacances, ils ont davantage de visite. Il fait beau, ils sortent à l’extérieur. L’été, ils sont plus animés. Plus ça avance, plus le confinement est difficile. »

Cette semaine, Frédérique a le projet de donner « rendez-vous aux aînés » et de les faire sortir sur leur balcon, à la résidence La Seigneurie de La Malbaie. « Pour jaser un peu, de loin. Peut-être arriver à prendre une photo, l’envoyer aux familles. Pour ceux qui sont à la maison, c’est plus compliqué. Ce n’est pas tout le monde qui a une galerie. Et je ne veux pas qu’ils sortent sans manteau… »

À L’Isle-aux-Coudres, la débrouillardise est aussi au menu pour déjouer l’ennui du confinement. Le directeur de l’Ancrage Thibault Hire raconte que des tablettes électroniques ont été mises à la disposition des 14 résidents afin qu’ils puissent « voir » leur famille. « On encourage les intervenants et les résidents à l’utiliser. Les aînés préfèrent le téléphone, mais ça leur fait du bien de voir du monde. »

Et quand l’état du résident ne lui permet plus de s’exprimer, la tablette offre un support visuel bienfaiteur : « De voir sa famille sur la tablette, même si la résidente ne peut pas parler, ça calme. » Parce que ce qui change vraiment ces temps-ci, c’est que les familles ne peuvent plus visiter leurs aînés. « J’ai eu des gens qui sont venus jaser au téléphone avec leur parent à travers la fenêtre. (…) Et les employés font une job incroyable. Certains restent après leur quart de travail pour visiter des aînés, faire des activités avec eux. »

En ces temps étranges, M. Hire et Mme Bergeron rappellent que ce qu’on peut faire de mieux, c’est de s’intéresser aux gens autour de nous. « On peut prendre des nouvelles de ses voisins et de sa famille. C’est un prétexte pour jaser un peu. Les aînés ne doivent pas hésiter à recourir aux services. Faites-vous livrer la popote roulante et l’épicerie. Les commandes sont laissées à la porte, c’est très sécuritaire. Et dites-vous que quand vous appelez pour commander, c’est une occasion de jaser, de parler à quelqu’un. Ça fait du bien », rappelle M. Hire.

Frédérique Bergeron conseille elle aussi de « rester en contact avec vos aînés le plus possible. Téléphonez-leur au moins une fois par jour. Rassurez-les en leur disant que c’est temporaire. »

Et oui, il y aura un été. On peut aussi suivre l’exemple de Mme Bergeron ainsi que de M. Hire et de son équipe en essayant de « mettre de la couleur » dans la vie des gens autour de nous. Encore un petit dessin, les enfants?

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