Bernard «Rambo» Gauthier est acquitté

Par Mathieu Morasse 30 octobre 2018
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Bernard Gauthier, Kent Ward et Guy Jomphe se félicitent de leur acquittement.

Le juge a ordonné la fin des procédures et acquitté le représentant syndical Bernard «Rambo» Gauthier et ses co-accusés après avoir déclaré une partie de la preuve illégale.

Dans un jugement rendu mardi matin, le juge de paix magistrat François Paré a conclu que la Commission de la construction du Québec avait obtenu certaines informations en précédant à une fouille, perquisition ou saisie abusive au sens de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le juge conclut que la fin ne justifie pas les moyens et exclut les renseignements obtenus anticonstitutionnellement.

«Admettre une preuve dans des conditions inadmissibles minerait la confiance du public», écrit-il.

Il a ensuite accueilli verbalement une série de requêtes en non-lieu présentées par Me Jean-Luc Desmarais, procureur des accusés. En effet, la preuve rejetée avait servi à identifier les accusés et à prouver leurs actions. Il ne reste donc aucun élément de preuve contre les accusés.

«Des mandats de perquisition visant à obtenir des informations au sujet de chacun des manifestants […] n’auraient jamais été émis», pourfend le juge.

Dans le seul dossier pour lequel subsistait des preuves, la juge a rapidement acquitté Guy Jomphe pour cause de doute raisonnable.

Les accusés étaient poursuivis en vertu de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction. Ils étaient passibles d’amendes de plusieurs dizaines de milliers de dollars.

Blocus

Les 25 et 26 juin 2015, Bernard Gauthier, Danna Cormier, Daniel Scherrer, Kent Ward, Sarto Petitpas, Guy Jomphe et Richard Desbiens avaient participé à la manifestation tenue à l’entrée du chemin d’accès du chantier de la rivière Romaine, près de Havre-Saint-Pierre.

La poursuite leur reprochait entre autres d’avoir usé d’intimidation, de mesures discriminatoires, de représailles, de menace ou de contrainte pour empêcher des travailleurs de l’extérieur de la Côte-Nord et les enquêteurs de la Commission de la construction du Québec d’accéder au chantier.

Dans son jugement, le juge reproche à la CCQ de ne pas avoir demandé aux manifestants de s’identifier ou de se nommer.

Exagérément vaste

La CCQ s’est plutôt adressée à Hydro-Québec pour obtenir des informations conformément à un protocole d’entente prévu à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Or, la demande de renseignements adressée à Hydro-Québec ne précisait pas le niveau de détails nécessaire. Sans la prudence de la société d’État, la CCQ aurait pu obtenir des informations comme les numéros d’assurance sociale, les cartes de compétences, les coordonnées des personnes à rejoindre en cas d’urgence, etc.

La demande visait aussi tous les manifestants présents au blocus, même ceux pour lesquels il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’ils avaient commis des infractions.

«Des mandats de perquisition visant à obtenir des informations au sujet de chacun des manifestants […] n’auraient jamais été émis», pourfend le juge.

Grâce aux informations obtenues auprès d’Hydro-Québec, la CCQ a ensuite pu demander et obtenir d’autres informations à la SAAQ. Ces données sont donc illégales par effet domino.

Soulagé

Bernard Gauthier s’est dit soulagé et ému de la fin des procédures. Il qualifie l’attitude de la CCQ de «chasse aux sorcières» alors même que la SQ et la sécurité industrielle d’Hydro-Québec étaient très satisfaites du déroulement de la manifestation.

«Je suis content de constater qu’on peut [manifester] avait intégrité, intelligence et avec respect. On l’a fait à visage découvert, on avait annoncé nos couleurs.»

Il a félicité et remercié les manifestants qui ont agi «dans les règles de l’art» pour le bien de la région. Il rappelle que suite aux manifestations, le taux de travailleurs nord-côtiers au chantier de la Romaine est passé de 38 ou 39% à 85 ou 90%.

«On voulait juste que notre région soit au minimum respectée. […] On était en train de tout perdre. Il fallait faire quelque chose.»

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