Havre-Saint-Pierre : elle sacre, perd son emploi et le juge lui redonne

Avec sa flotte de 48 véhicules, l’entreprise Autobus du Fer dessert le Centre de services scolaire du Fer et le Centre de services scolaire de la Moyenne-Côte-Nord. Photo courtoisie
Une chauffeuse d’autobus de Havre-Saint-Pierre congédiée injustement après avoir perdu patience devant des élèves doit être réintégrée à son emploi, a tranché le Tribunal administratif du travail.
Autobus du Fer est une entreprise spécialisée dans le transport scolaire. Elle dispense des services de Port-Cartier jusqu’à Havre-Saint-Pierre, en passant par Sept-Îles. Eve Chenier y était chauffeuse d’autobus scolaire depuis 2017, avant de se faire renvoyer le 9 mai 2024. Elle avait pourtant un dossier disciplinaire vierge.
Un an plus tard, le Tribunal administratif du travail vient d’ordonner sa réintégration à son emploi. Mme Chenier estimait injuste d’avoir été congédiée immédiatement après avoir eu un comportement fautif, « sans qu’il y ait une gradation de sanctions ».
Dans le cadre de son travail, elle se rend chaque matin chercher des enfants à Sheldrake, afin de les amener à l’école de Havre-Saint-Pierre. Le trajet avec les enfants dure environ une heure. La route qu’elle emprunte est la plupart du temps une zone non couverte par le service de téléphonie cellulaire.
Les chauffeurs font eux-mêmes les petites réparations sur leur autobus.
Durant une journée de travail, Mme Chenier a rencontré un problème mécanique, une fuite de liquide réfrigérant. S’inquiétant que le moteur ne cesse de fonctionner dans une zone non desservie par le cellulaire, avec plein d’enfants à bord, elle a demandé à un collègue d’échanger d’autobus.
« Il fait un circuit moins rural que la demanderesse et de plus courte durée », explique-t-on dans le jugement rendu le 2 mai dernier. Il aurait donc pu faire son travail sécuritairement, avec l’autobus de Mme Chenier.
Son collègue, Gerry, a refusé sa demande, ce qui a mis Mme Chenier en colère. Devant les enfants, elle a contacté son employeur au bureau de Sept-Îles, pour lui faire état de la situation. Elle s’était déplacée à l’extérieur de l’autobus avec son cellulaire, afin d’être plus discrète.
Son collègue a fini par quitter, sans l’aider.
Il faisait chaud ce jour-là, les enfants qu’elle avait rassemblés sur un terrain de soccer clôturé sont turbulents. L’un d’eux reçoit un ballon de soccer au visage.
La scène se déroule sous le regard du personnel de l’école « qui regarde la situation sans rien faire », décrit-on, dans le document du Tribunal.
« Pendant l’évènement, elle admet avoir invectivé son collègue et avoir juré et crié devant les enfants et des employés du CSS. Elle regrette de s’être emportée et reconnait que malgré tout, elle méritait une sanction disciplinaire », est-il écrit. « Elle témoigne avoir été dépassée par les évènements ce jour-là. Seule face à la situation, elle convient que ses propos sont irrespectueux », poursuit-on.
C’est au lendemain de l’événement, à la suite d’une plainte du Centre de services scolaire réclamant à Autobus du Fer « de trouver quelqu’un d’autre pour faire le transport des élèves », puisque ce ne serait pas la première fois qu’elle est impliquée dans ce genre de situation, que Mme Chenier sera suspendue, avant d’être finalement congédiée quelques jours plus tard.
« Le directeur Misson comprend que s’il n’obéit pas, l’entreprise perd son contrat. Il consulte alors le service des ressources humaines et on lui fait comprendre qu’il n’a pas le choix : il doit congédier madame Chenier », indique-t-on dans le jugement.
Le juge du Tribunal administratif du travail est clair.
« La personne doit être informée en temps opportun de ce qui ne va pas. L’Employeur ne peut laisser les fautes s’accumuler ou un comportement répréhensible se perpétuer sans avertir son employée qu’elle risque de perdre son emploi », écrit-il. « La seule demande d’un client n’est pas un motif de congédiement. »
Contactées par le Journal, ni Mme Chenier, ni l’entreprise Autobus du Fer n’ont souhaité commenter le dossier.
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