La philosophie québécoise existe-t-elle ?

Dave Savard lors de la visite de M. De Koninck à Baie-Comeau en 2011, aux côtés de Marcel Ste-Marie, enseignant retraité. Photo courtoisie
Est-ce qu’il y a une philosophie proprement québécoise ? C’est la question que se pose Dave Savard, professeur de philosophie au Cégep de Baie-Comeau, et coauteur de l’ouvrage Explorations en philosophie québécoise, publié aux Presses de l’Université Laval.
Selon lui, la philosophie québécoise n’est pas une utopie intellectuelle : c’est une question légitime, un chantier de réflexion, et peut-être même une réalité en devenir.
Publié en 2025, l’ouvrage Explorations en philosophie québécoise réunit les contributions de 10 auteurs. Dave Savard, qui enseigne depuis 2006, a signé un chapitre dans la dernière partie du livre, celle qui se projette vers l’avenir.
« J’ai participé à la dernière partie, le volet prospectif. C’est-à-dire une réflexion sur la philosophie québécoise, à savoir s’il y a ou s’il peut y avoir réellement une philosophie proprement de la culture, des idées, de l’esprit québécois, québécoise », explique celui qui est aussi chargé de cours à l’Université du Québec à Rimouski.
Cette réflexion s’appuie notamment sur les écrits de Thomas De Koninck, son directeur de thèse et une influence marquante dans son parcours.
L’idée de ce projet ne vient pas de nulle part. M. Savard avait déjà participé à plusieurs tables rondes sur la question de la philosophie québécoise. Ces discussions ont semé la graine d’une réflexion plus poussée.
« La question d’une philosophie ou non québécoise, c’est à travers le temps qu’on va pouvoir savoir s’il y a un intérêt au niveau académique, au niveau philosophique, s’il y a des idées qui ressortent, d’une culture des idées au Québec », se demande-t-il.
Dans son texte, il adopte une approche prospective : plutôt que de dresser un inventaire du passé, il s’intéresse à ce que pourrait devenir la philosophie québécoise dans les années à venir.
Aide médicale à mourir
Dave Savard s’attarde notamment à un sujet très sensible : l’aide médicale à mourir. Pour lui, ce débat, très présent dans la société québécoise, révèle une sensibilité particulière à la question de la dignité humaine, du choix individuel et du sens de la vie.
« Il y a des gens au Québec qui s’intéressent aussi sur la valeur qu’on accorde à la vie parce que mourir dans des conditions, quelles que soient les conditions, a une valeur aussi. Certaines personnes ne sont pas ouvertes à l’idée de mettre fin à la vie sachant qu’elles vont mourir, qu’elles aient une mort selon la vie qui décide et non pas nous qui décidons. C’est comme si le résultat était plus important que le cheminement. Alors, il y a quand même une réflexion aussi. C’est là que la philosophie a peut-être tout son rôle sur l’aspect humain, de l’importance que nous donnons également autant à la mort qu’à la vie », éclaire-t-il.
Ce débat soulève des enjeux existentiels majeurs : quelle est la valeur de la vie ? Qu’est-ce que la dignité humaine ? Quel est le rôle de la souffrance dans notre condition ?
Ces questions se posent en parallèle avec l’héritage religieux de la société québécoise et ses évolutions. La volonté de certains individus de choisir leur mort vient aussi bousculer notre conception du sacré et du respect de la vie.
Défendre la place de la philosophie… et de l’éducation
En plus de cette réflexion sociétale, Dave Savard lance un plaidoyer en faveur de l’éducation.
« Aujourd’hui, on va célébrer les gens qui réussissent sans trop avoir mis d’efforts. Mais ceux qui mettent beaucoup d’efforts ne sont pas autant célébrés dans leur parcours parce que, peut-être, ils n’ont pas réussi autant que ceux qui réussissent avec moins d’efforts », fait-il savoir.
Pour lui, la philosophie devrait conserver, voire renforcer, sa place dans la formation des jeunes, particulièrement au collégial, même si le cours est parfois mal accueilli.
« Souvent, ça rebute les jeunes. Je peux comprendre que ce ne sont pas eux qui choisissent, mais si on décidait de ne pas donner ces cours-là, est-ce que ça permettrait à ces jeunes de se découvrir d’une autre manière ? Ou est-ce que c’est quand même une façon d’amener les jeunes à ces questions-là ? Est-ce que les jeunes auraient autrement l’occasion de se poser des questions fondamentales sur la vie, la mort, les valeurs ? », se questionne l’universitaire.
Il pousse plus loin : il s’interroge sur un possible lien entre l’acceptation sociale de l’aide médicale à mourir et le suicide chez les jeunes. Sans établir de lien direct, il pose la question : dans quelle mesure une société qui valorise l’autonomie individuelle, jusqu’à en faire un droit de mourir, influence-t-elle les perceptions des plus vulnérables ?
« Ce sont des sujets souvent tabou, mais qui permettent de pouvoir créer un lieu, un milieu d’échange, et pouvoir réfléchir ensemble sans peut-être arriver aux réponses, mais au moins en parler. Et je pense que ça a été le cas avec M. De Koninck pour moi, puisque j’en parle beaucoup dans mon livre. Il m’a aidé à cheminer dans ces questions-là, ces réflexions-là. Et aujourd’hui, c’est une grande source d’inspiration pour moi, qui sera peut-être encore longtemps dans ma manière d’être », précise-t-il.
Donc, il n’y a pas de réponse unique à la question de l’existence d’une philosophie québécoise. Mais le simple fait de se poser la question est, en soi, une démarche philosophique. Et si cette interrogation prend racine ici, chez nous, à Baie-Comeau ou ailleurs au Québec, alors peut-être est-ce déjà un début de réponse.
Un premier livre, mais sûrement pas le dernier
Explorations en philosophie québécoise est la première expérience de publication de Dave Savard, mais sûrement pas la dernière. « C’est un ouvrage qui va avoir sa place dans le milieu académique québécois et ailleurs. Donc c’est sûr qu’un ouvrage de cette ampleur demande du temps », confie le professeur, fier d’y avoir contribué.
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