Moins de harfangs des neiges sur la Côte-Nord? L’espèce désormais menacée

Par Emelie Bernier 8:44 AM - 22 mai 2025 Initiative de journalisme local
Temps de lecture :

Harfang des neiges. Alexandre Terrigeol

Bien qu’il ne soit pas des plus courants sur nos territoires, le harfang des neiges n’en demeure pas moins l’emblème aviaire du Québec. Il s’ajoute maintenant à la longue liste des espèces menacées selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).

Jusqu’à tout récemment, l’élégant oiseau de la famille des strigidés (hiboux, chouettes, nyctales…) était encore classé parmi les espèces non en péril par le Comité. 

Sur la Côte-Nord, on peut avoir la chance de l’observer lorsqu’il quitte l’Arctique vers ses sites de nidification plus au sud. 

« Ce n’est pas une espèce très commune, sa présence dépend des années. Généralement, il est plus en passage.

Il y a des secteurs où on l’aperçoit, le long des côtes, dans des milieux ouverts. C’est là où il peut “prédater” des canards, par exemple », explique Alexandre Terrigeol, directeur aux opérations à l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac Cet oiseau a une « tendance erratique », poursuit M. Terrigeol.

« Ce sont des jeunes qu’on observe ici. Ils ont quitté l’Arctique et ils vont errer un peu partout. Les harfangs sont solitaires. C’est un oiseau qui se tient là où il y a de la nourriture. Parfois, il peut y avoir une concentration parce qu’il y a une source d’alimentation, mais ils ne vivent pas en groupe », poursuit l’ornithologue.

Le harfang ne migre pas. « Ils quittent l’Arctique après une forte reproduction. Les jeunes vont chercher de nouveaux endroits et vont descendre vers le sud. »

Le nouveau statut de l’oiseau au COSEPAC n’est pas une bonne nouvelle, mais pour M. Terrugeol, d’autres espèces méritent aussi qu’on braque les projecteurs sur leur précarité. 

« C’est inquiétant, bien sûr, mais d’autres espèces sont dans la même situation et ne font pas les nouvelles.

Le hibou des marais, par exemple, on le retrouve ici et dans l’Arctique, mais il niche au sud du Québec et il a énormément décliné. Sur la Côte-Nord, il nichait, mais ne niche plus. »

Les comportements humains ne sont pas étrangers à ce changement de comportements et à ce déclin. « Dans le sud, notre modèle d’agriculture affecte plusieurs populations d’oiseaux dont le hibou des marais. Une agriculture raisonnée, plus respectueuse de l’environnement, pourrait protéger de nombreuses espèces. Dans la forêt, c’est pareil. Si on exploite 30 %, on pense que ce n’est pas grave, mais on oublie les perturbations naturelles qui s’accélèrent sur le 70% restant », clame M. Terrugeol.

La nyctale de Tengmalm. Roman Luciani.

Il cite également l’exemple de la nyctale de Tengmalm. « Elle n’est pas ciblée par le COSEPAC, mais on la voit de moins en moins. Et il y a des dizaines d’espèces comme ça », déplore le passionné de faune aviaire.

L’Observatoire milite d’ailleurs pour la protection des haltes migratoires.

Le harfang est-il un symbole des dangers qui guettent la faune aviaire ? « Un peu, mais comme l’ours polaire, c’est davantage un symbole des risques des perturbations qui affectent l’Arctique, les changements climatiques en tête. »