CHRONIQUE | Pour que nos enfants parlent

Par Anne-Sophie Paquet-T. 6:55 AM - 6 mai 2025
Temps de lecture :

Érika Glazer-Gauthier a partagé trois lettres sur les réseaux sociaux à la fin du mois d'avril. Photo Kassandra Blais

Elle écrit avec le cœur, parle avec ses tripes, et marche avec un passé qu’elle transforme en force jour après jour. Mais qui est cette Nord-Côtière qui, tranquillement, devient la voix d’une région qui refuse que la Côte-Nord meure doucement d’indifférence ? Laissez-moi vous présenter Érika Glazer-Gauthier.

À 28 ans, cette femme de Baie-Comeau incarne une résilience qu’on ne peut pas feindre. Derrière ses publications virales qui dénoncent les failles du système, comme celle sur les 900 jours d’attente en orthophonie, se cache une vraie battante.

Son enfance a été bercée par la maladie de sa mère. À un an, elle a dû s’en séparer pour la laisser partir se soigner loin, loin d’elle, loin de ses bras, loin de sa sécurité.

Sa mère a dû faire l’injuste choix de quitter la Côte-Nord. La seule option pour avoir des traitements et tenter de survivre. Une injustice cruelle pour une mère comme pour un enfant. Ce vide précoce a semé en Érika une amertume difficile à nommer.

Les années suivantes n’ont rien facilité. Jonglant avec les déménagements, l’intimidation et la solitude, le vase à souffrance commençait à se remplir, à déborder même. 

Enfant problématique, adolescente rebelle, les étiquettes se sont multipliées sur le front d’Érika. Celle du TDAH s’est rapidement manifestée. « Je me suis souvent dit que j’étais une bonne à rien », me confie-t-elle en entrevue.

Aujourd’hui, elle sait que tout cela l’a forgée. L’a rendue plus forte et a dessiné cette femme qui se sert des combats de sa vie pour collectionner de nouvelles armes contre les injustices sociales. 

Aujourd’hui, elle tient tête à l’adversité pour ses fils, mais pour tous ceux qui, comme elle, vivent dans la région et souhaitent la léguer à leur progéniture.

Celle qui a tout vu du Nord et qui a partagé avec elle ses meilleurs moments comme ses pires épreuves y trouve encore refuge. Un abri à ciel ouvert où les épinettes t’ouvrent grands les bras pour y accueillir toutes les larmes de ton corps lorsque tu en as besoin. Pour faire évaporer les idées noires par le vent salin.

Son vécu, et l’héritage de sa mère, l’ont faite forte, engagée, défenderesse où la censure n’est pas une option. « C’est grâce à ma mère que je suis si résiliente », m’affirme-t-elle avec émotion.

Ses écrits, sensibles et justes, dénoncent un système à deux vitesses. Elle exhorte les décideurs à regarder la Côte-Nord avec le cœur, et non à travers des tableaux Excel. « On n’attend pas juste des services, on attend d’être considérés. »

Son fils Nolan a été son plus récent déclencheur. Lui aussi, prisonnier de cette liste in-ter-mi-na-ble.

Sa plume a fait son chemin puisqu’elle a rencontré le député caquiste Yves Montigny. Une rencontre où elle a demandé que ses lettres soient lues à l’Assemblée nationale. Pour que ces mots résonnent là où les décisions se prennent. 

Depuis le 25 avril, elle reçoit des témoignages de parents tout comme elle, vivant avec la réalité de se sentir invisible. Certains ont fouillé dans leurs économies familiales et ont payé au privé.

D’autres, les mains vides, attendent, attendent et attendent toujours. Jusqu’à 900 jours pour un simple droit de parole. « 900 jours, c’est une éternité pour quelqu’un qui veut juste parler », dit la jeune maman.

Érika Glazer-Gauthier fait ses propres démarches pour démontrer ce trou béant du filet social pour les petits êtres que deviendra la société de demain. Elle a répertorié des dizaines de localités nord-côtières touchées en plus de plusieurs autres dizaines à l’extérieur de la région.

Elle rappelle que chaque chiffre cache une vie qui doit patienter injustement. « Je refuse qu’on ait à supplier pour recevoir ce à quoi l’on a droit », tranche-t-elle.

Et si elle continue d’élever la voix, c’est pour que plus jamais on n’ait à crier pour être entendu… pour exister. 

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires