Réforme du régime forestier : les pourvoiries «laissées pour compte»

La Fédération des pourvoiries du Québec n'entend pas se taire devant le projet de réforme du régime forestier qui affectera selon elle largement les activités de ses membres. Photo Facebook/ pourvoirie Club Lacs des Sables et Paradis
Dans Charlevoix, sur la Côte-Nord et partout au Québec, les gestionnaires de pourvoiries fulminent devant le projet de loi 97 porté par la ministre Maïté Blanchette Vézina. «Une claque dans la face et un coup de pied au cul!», selon Charles Pinard,vice-président de l’Association des pourvoiries de la Côte-Nord.
Au lendemain de l’annonce des grandes lignes du projet de règlement, la Fédération des pourvoiries du Québec fait connaître sa position. Elle qualifie le projet de «réforme forestière aveugle aux réalités des pourvoiries» . «Ce projet de loi fait complètement abstraction de l’existence et du rôle fondamental des pourvoiries dans le tissu économique et territorial du Québec», peut-on lire dans le communiqué acheminé par la FPQ.
Charles Pinard ne décolère pas.
«Ils ont fait des consultations, en prétendant écouter tout le monde, mais ils n’ont entendu que l’industrie», affirme sans ambages le porte-parole de l’Association des pourvoiries de la Côte-Nord (ACPN).
Un «net recul», de la «négligence», il ne mâche pas ses mots. «Il n’y a même jamais le mot pourvoirie dans le texte. Les pourvoiries, nous le savions, mais on est désormais officiellement des contraintes forestières. On a fait beaucoup de projets pilotes depuis 25 ans, qu’on négocie directement avec Québec, pour mieux encadrer les coupes forestières sur les pourvoiries, des projets qui ont été concluants. On voulait se faire garantir qu’on pourrait avoir des plans d’aménagement pour les pourvoiries à droits exclusifs pour les 30 prochaines années, mais on s’aperçoit qu’on n’est absolument pas considérés», s’indigne M. Pinard.
«C’est simple, il n’y a plus de bois à la grandeur du Québec. Il reste du bois où? Sur les pourvoiries! Penses-tu qu’on n’est pas inquiet?»
Dans Charlevoix, le président de l’Association des pourvoiries Martin Dufour est déçu de la tangente prise par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts et espère que les pourvoyeurs auront droit au chapitre lors des consultations.
«La fédération a déjà demandé la reconnaissance légale des pourvoiries dans leur rôle dans la gestion du territoire forestier, des objectifs clairs pour la pérennité des forêts sur les territoires des pourvoiries dans la planification forestière. On veut savoir où on s’en va pour avoir notre mot à dire!»
La valeur des pourvoiries pourrait s’étioler et doit être protégée, estime M. Dufour.
«On a demandé des mesures concrètes pour éviter l’érosion de la valeur économique de nos entreprises. On est dans la forêt, on existe! Le gouvernement ne tient pas compte de nous dans son projet de régime forestier.»
Comme son homologue de Charlevoix, Charles Pinard espère que l’attribution des statuts d’aires protégées qui suivront l’appel à projet du gouvernement provincial viendra contrebalancer les effets de la réforme du régime forestier.
«La fédération a offert à toutes les pourvoiries à droits exclusifs de geler 30% de leur territoire. Quasiment toutes les pourvoiries ont adhéré», indique M. Pinard.
Les pourvoiries de Charlevoix déposé en bloc des projets de protection du territoire de 30%. Les MRC ont donné leur appui et les projets sont passés a la prochaine étape. «On a travaillé en amont», estime M. Dufour.
Des compagnies trop gourmandes
MM Pinard et Dufour estiment que l’appétit des forestières est démesuré.
«Elles n’en ont jamais assez, elles sont gourmandes. C’est sans arrêt. On leur donne tant, elles veulent toujours plus. Il y a une limite à quelque part!», clame M. Dufour qui déplore qu’on déroule «le tapis rouge» à l’industrie. Le système actuel fonctionne, selon lui. «On est dans l’harmonisation actuellement. Je sais pas pourquoi on veut tout virer à l’envers, mais c’est un lobby puissant, l’industrie forestière.»
«Bravo le nouveau régime», ironise Charles Pinard. «Partir d’un plan d’aménagement négocié sur les 30 prochaines années à “on rentre sur les pourvoiries et on bûche, t’as pas ton mot à dire”, c’est pas fort. Tout a toujours été à l’avantage de l’industrie, mais au moins, ils avaient l’obligation d’harmoniser. Quand les deux parties avaient l’esprit ouvert, ca pouvait bien aller. Là, on s’enligne vers des conflits perpétuels. Il faut penser écosystémique, on n’est plus dans les années 1900, on est en 2025.»
M. Pinard est préoccupé par le sort d’un autre grand absent, le caribou.
«Le caribou? Oubliez ça. Il ne fait plus partie de l’équation. Me semble que le but de l’être humain intelligent, quand tu vois une espèce en danger, c’est noble de vouloir la sauver? Ben non, on fait le contraire. Laissons faire les compagnies forestières et dans 30 ans, quand ils auront passé à travers de ce qui reste, on va crever et on aura fait crever tout le monde autour, les pourvoiries, tout le monde qui travaille en villégiature… On fait venir les gens en région pour voir des paysages, la nature, mais on donne carte blanche aux forestières pour les détruire.»
La Fédération des pourvoiries du Québec représente 350 pourvoiries au Québec. Celles-ci génèrent près de 6000 emplois directs et indirects. La FPQ invite le gouvernement à envisager dès maintenant une modification du projet de loi afin d’y inclure la reconnaissance légale explicite des pourvoiries et de leur rôle dans la gestion du territoire forestier.
Au Québec, les pourvoiries représentent 5% de tout le territoire.
«Il faut voir à long terme, au niveau économique, durable. Un arbre, ça prend 75 ans à pousser. Nous, pendant 75 ans, on en rapporte des revenus, des taxes. On fait vivre l’économie! On vaut plus qu’un arbre», conclut Martin Dufour.
À découvrir
Des contenus marketing présentés par et pour nos annonceurs.