CHRONIQUE | Désenclaver à pas de tortue

Par Raphaël Hovington , Raphaël Hovington 12:00 PM - 3 avril 2025
Temps de lecture :

Photo archives

Malgré toutes les déclarations, on continue de se traîner les pieds dans le dossier du pont sur la rivière Saguenay. On joue à cache avec les études qui ont été commandées en 2023. L’étude d’opportunité est prête, mais le gouvernement refuse de la dévoiler. On ignore où en est l’étude socio-économique, celle qui permettra à Tadoussac de survivre à un abandon de la traverse.

On se traîne les pieds depuis 50 ans dans ce dossier même si le désenclavement de la Côte-Nord devrait être une priorité nationale. À Québec, on se dispute pour un troisième lien tandis que chez nous, le premier lien n’existe même pas. La Côte-Nord est une région coupée du monde depuis que Jacques Cartier y a mis les pieds. Même s’il y a eu quelques avancées, elle demeure coupée du monde.

Notre région a toujours été perçue comme un réservoir de richesses où on pouvait puiser abondamment sans se soucier d’un juste retour. Ce furent d’abord les pelleteries (le commerce des fourrures), puis l’exploitation forestière, suivie de l’extraction minière et enfin de la production hydro-électrique. Les gouvernements, peu importe leur couleur, encaissent de nombreuses redevances sur l’exploitation de nos ressources naturelles, mais nous retournent-ils notre juste part.

Je ne possède pas la réponse à cette question tout comme j’ignore pourquoi on empêche la Côte-Nord d’être unie au reste du Québec par un lien routier, que ce soit en construisant un pont sur la rivière Saguenay ou en prolongeant la route 138 vers Blanc-Sablon. Le prix à payer sera élevé, voire très élevé, mais combien d’argent gaspillé jusqu’à maintenant pour dire non du bout des lèvres ou tenter d’étouffer toute forme de critique en feignant de s’intéresser réellement à ces questions.

Malheureusement, comme on a pu le constater dernièrement, la question du pont sur la rivière Saguenay demeure une affaire politique. Le PQ a déposé une motion, fort louable, vite récupérée par la CAQ. Personne ne peut être contre la vertu, ni contester que la construction d’un pont constitue un pas en avant pour désenclaver la Côte-Nord. C’est comme effeuiller la marguerite pour répondre à une question existentielle : je me marie, je ne me marie pas. Dans ce cas-ci, c’est j’y crois, je n’y crois pas.

L’étude d’opportunité (le choix du corridor pour construire le pont) est terminée. Pourquoi ne pas la rendre publique ? Le premier ministre trouve que les chiffres sont élevés. « Est-ce qu’il y a des façons de faire cela à des coûts raisonnables », questionne-t-il. À une certaine époque, il les trouvait même irréalistes. Est-ce que sa réflexion a évolué depuis ? Est-ce qu’il est toujours prêt à reconnaître que la construction d’un pont à Tadoussac répond à un réel besoin ? Est-ce qu’il est prêt à s’engager à en faire une priorité nationale ? Est-ce qu’il est disposé à sortir la Côte-Nord de son isolement socio-économique et culturel ?

Mais la construction d’un pont n’est pas l’affaire d’un seul homme. La Coalition Union 138 commence à trouver que la patience a ses limites. Mais elle ne doit pas perdre de vue que l’impatience est mauvaise conseillère en tout temps. La Société du pont sur le Saguenay attend depuis bien plus longtemps. Elle a contribué à faire avancer ce dossier bien plus que certains hommes politiques. Pour les politiciens, c’est souvent une affaire de votes au moment de l’appel aux urnes avant de renvoyer la question au congélateur.

Le temps est venu pour le gouvernement de démontrer qu’il ne parle pas des deux côtés de la bouche. Il se dit transparent : qu’il le prouve en faisant le point sur les deux études commandées il y a plus de deux ans. Le gouvernement se doit de faire la démonstration qu’il ne considère pas les citoyens de la Côte-Nord comme des citoyens de seconde zone, surtout qu’ils lui ont donné deux députés lors de la dernière élection générale malgré leur « indéfectible attachement » à l’ancien parti politique de René Lévesque.

En 2018, le temps était au renouveau. Les Libéraux ont été chassés du pouvoir et le PQ réduit à sa plus simple expression. En 2022, la CAQ est restée au gouvernement, forte et fière. En 2025, ne serait-ce pas le temps de livrer les promesses électorales, si ce n’est pas possible pour l’ensemble du Québec, au moins pour la Côte-Nord.

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires