Les cinq ans de la COVID-19: serons-nous mieux préparés à la prochaine pandémie?

Par Katrine Desautels, La Presse Canadienne 8:20 AM - 27 février 2025
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Des gens font la file pour recevoir un test de dépistage de la COVID-19 à Montréal, le 12 décembre 2021. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes

Le 27 février 2020, le premier cas de COVID-19 était déclaré au Québec alors que la province, comme d’autres nations dans le monde, n’était pas du tout prête à affronter l’ampleur qu’allait prendre cette crise sanitaire.

Le 18 mars, le premier décès était rapporté au Québec. La COVID-19 s’est classée dans le palmarès des dix principales causes de décès dans la province, ce qui marque un tournant historique selon l’Institut de santé publique du Québec (INSPQ), puisqu’aucune maladie respiratoire infectieuse autre que la grippe n’avait figuré dans ce classement depuis les années 1980.

Pour tenter de protéger la population et limiter les décès, les gouvernements fédéral et provinciaux ont mis en place diverses mesures. Fermeture des frontières, des lieux publics, des garderies et des écoles; distanciation sociale; désinfection des mains à l’entrée des commerces; port du masque obligatoire dans les lieux publics; interdiction des rassemblements à l’intérieur et à l’extérieur, etc.

Avec un pas de recul, cinq ans plus tard, il est plus facile d’analyser ce qui a bien marché et ce qu’il ne faudrait pas répéter. La prochaine pandémie pourrait se produire cette année, dans 10 ans ou dans 100 ans. Personne ne peut le prédire avec certitude. Alors comment conserver la proactivité et l’impulsion du moment pour bien se préparer à une future pandémie?

Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM et spécialiste en virologie, croit que la solution passe en partie par la création d’un comité d’experts.

Le gouvernement fédéral a lancé une initiative de la sorte en créant la nouvelle agence «Préparation aux crises sanitaires Canada» justement pour aider le pays à affronter les futures urgences sanitaires.

M. Barbeau est d’avis que le Québec bénéficierait d’un groupe d’experts semblable. Il imagine ce comité indépendant du gouvernement, mais avec des rencontres régulières avec lui. «Durant la pandémie, il y a eu des centres de recherche qui ont été formés en réponse à la COVID. Ces groupes regroupaient des cliniciens, des universitaires, des chercheurs, mais le problème était qu’il n’y avait pas de pont qui se faisait entre ces groupes de recherche et le gouvernement», déplore M. Barbeau.

Il souligne que l’INSPQ assure déjà un suivi de la situation épidémiologique de divers virus et infections. «Ça, c’est du direct, mais ce n’est pas ce qui va nous préparer pour ce qui va nous arriver dans 5 ou 10 ans. Ça prend un comité indépendant, mais qui a quand même un lien avec l’INSPQ où il peut au moins discuter, faire un état des lieux de ce qui se passe à l’international et faire des recommandations. Et aussi être certain que lorsqu’une pandémie ou une épidémie va nous frapper – et on ne veut pas que ça nous arrive demain matin – qu’on soit préparé, contrairement à ce qui est arrivé avec la pandémie de la COVID-19. On n’était pas les seuls, mais on était complètement désemparé et aucunement prêt à l’ampleur de cette pandémie», fait valoir M. Barbeau.

Le rôle collectif sur la santé mentale

Dre Mélissa Généreux, médecin spécialiste en santé publique depuis 15 ans travaillant à la Direction de santé publique de l’Estrie, souligne qu’il ne faut pas seulement se préparer à une future pandémie, mais à toute crise d’envergure.

«Je pense vraiment que peu importe le type de crise, que ce soit une grosse catastrophe naturelle, un événement causé par l’humain, un attentat, une guerre… ce sont pas mal les mêmes facteurs. […] Si on regarde ce qui nous a le plus bouleversés dans le quotidien, ce n’est pas le virus. C’est la peur, c’est la désinformation, ce sont les pertes économiques, c’est l’isolement et la perte des repères au quotidien. Ça, ça arrive peu importe les grandes crises qui arrivent, c’est un point commun à toutes les crises. Il y a plusieurs apprentissages qu’on peut faire de la pandémie qui peuvent facilement être transposables à d’autres crises», explique Dre Généreux.

Lorsqu’on lui demande quel est l’un de ces apprentissages de la pandémie, Dre Généreux répond aisément que les enjeux de la santé mentale se sont démocratisés.

«S’il y a bien une chose que je vois qui a extraordinairement évolué, c’est notre capacité à reconnaître comme société que la santé mentale, c’est l’affaire de tous. On en a tous une et ce qui la façonne au quotidien, c’est bien plus que juste l’accès à un médecin, un psychologue ou de la médication», dit-elle.

Dre Généreux explique que nous avons un rôle collectif qui agit sur la santé mentale de tous. «Ça a changé le discours sur les réseaux sociaux et le rapport qu’on avait entre nous. Au départ, tout le monde était beaucoup dans l’entraide et dans le ‘’ça va bien aller’’ avec les arcs-en-ciel. Mais assez rapidement on a vu qu’il y avait des tensions, de la polarisation, des divisions, un certain individualisme qui se créait. Ça nous a fait réaliser que tout ça a un impact sur notre bien-être à nous comme personne, mais aussi collectif. C’est une prise de conscience qu’on est tous interdépendants.»

Le message est aussi important que les vaccins

Les experts peuvent jouer un rôle dans la communication au public, selon M. Barbeau. Dans un potentiel comité dédié à la préparation des pandémies, ils pourraient dresser un portrait des manques de connaissances actuelles, regarder quelles sont les bonnes voies de communication à suivre, entre autres pour s’assurer que ceux qui ont été laissés pour compte comme les communautés autochtones et d’autres minorités soient mieux rejoints par les messages.

«Le gouvernement et la santé publique font des points de presse, des conférences, interviennent au niveau des journalistes, mais les membres du comité pourraient le faire aussi, dit-il. La communication est essentielle pour s’assurer qu’on maintienne cet apprentissage qu’on a eu difficilement – ça été ardu – mais on a réussi à le garder après la pandémie, maintenant il faut le maintenir.»

M. Barbeau fait valoir que la communication doit être aussi efficace que les vaccins. «Vous pouvez avoir les vaccins que vous voulez, les médicaments, les interventions efficaces, si vous n’êtes pas capables de le communiquer avec le grand public, il y a de bonnes chances que ça ne fonctionne pas», affirme-t-il.

Il ajoute qu’il est primordial que le message rejoigne tout le monde, qu’il soit clair et dépourvu de toute contradiction avec d’autres communications. «Ça sera très important dans les prochaines années dans le but que les gens continuent à s’instruire et qu’ils comprennent un peu mieux comment un virus fonctionne, comment une pandémie ou une épidémie arrive. Le jour que ça arrive, une partie de la population sera préparée et on n’aura pas à revenir à zéro. On aura conservé certains comportements dans ce sens-là.»

Dre Généreux pense aussi que plus d’efforts doivent être mis sur la communication. «Ce que j’ai trouvé durant la pandémie, c’est qu’assez souvent, ce qu’on mettait de l’avant, c’était des décisions qui étaient toujours imputables à la santé publique», déplore Dre Généreux, qui est aussi professeure titulaire à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke.

Elle mentionne que des décisions qui impactaient la vie de milliers de personnes étaient parfois présentées par les autorités sans toujours bien expliquer pourquoi ce choix avait été retenu.

Dre Généreux propose de mettre en place des mécanismes pour faire participer la société civile au débat, par exemple des représentants des milieux scolaires, des organismes communautaires, des gens du milieu des affaires, des représentants des familles et des enfants.

«Ce que je pense qui est important et qu’on n’a pas fait et qui serait bien qu’on apprenne de ça, c’est de montrer avec transparence ce que les experts ou les gens qu’on a consultés nous ont suggéré. De dire: voici la question qu’on leur a adressée, voici leur réponse, et voici notre décision comme dirigeants. Il faut être capable de faire en sorte que la population comprenne la difficulté des choix», explique Dre Généreux, ajoutant qu’inévitablement il y a «des perdants» pour chaque solution appliquée. Pour que ce soit mieux accepter, il faut simplement expliquer aux citoyens le processus décisionnel.

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