La survie de la culture menacée sur la Côte-Nord

Par Lucas Sanniti 5:05 AM - 11 février 2025 Initiative de journalisme local
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Julie Godin, directrice générale et artistique de Panache art actuel. Photo Lucas Sanniti

Avec le coût de la vie qui augmente et le financement qui stagne depuis des années, plusieurs acteurs du milieu culturel craignent pour la survie de la culture sur la Côte-Nord.

C’est le cas de Julie Godin, directrice générale et artistique de Panache art actuel, le seul centre d’artistes autogéré de la Côte-Nord.

« On ne va pas se le cacher, c’est angoissant quand chaque matin tu te réveilles et qu’il y a un musée qui ferme ses portes pour deux mois, parce qu’ils ne peuvent pas y arriver pendant les périodes mortes », dit-elle en entrevue avec le Journal.

Panache art actuel tire la majorité de ses revenus du Soutien à la mission du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Les entités culturelles qui reçoivent ce soutien financier devraient pouvoir assurer le rayonnement et l’accès aux arts pour les citoyens, mais la réalité n’est pas aussi évidente, selon Julie Godin.

« On reçoit [presque] le même montant depuis 2017, qui a été gelé de 2020 à 2024. […] On n’a pas eu d’augmentation significative depuis, mais le coût de la vie a beaucoup augmenté », souligne la directrice. « C’est comme une coupure silencieuse. »

Pour ne rien arranger, comme Télé-Québec veut se départir de la Maison des médias, là où les bureaux de Panache art actuel sont situés, le centre d’artistes devra quitter dès le mois d’août. Une hausse de loyer assurée rend l’incertitude double.

« On ne peut pas, en ce moment, se permettre ça. Où est-ce qu’on va chercher ces sous ? Un loyer, ce n’est pas un projet culturel. Tu ne peux pas demander au CALQ de payer ton loyer », déplore la directrice.

Baisse de fréquentation

Du côté du Musée de la Côte-Nord, le ministère de la Culture et des Communications (MCC) finance une grande partie des dépenses du Musée. Mais ce soutien n’a pas été revu depuis plusieurs années.

« On remonte loin en arrière et depuis ce temps-là, les coûts ont augmenté de beaucoup. Ça, ça peut expliquer notre déficit », indique Gaétan Talbot, le président du conseil d’administration du Musée de la Côte-Nord. « Le financement n’est plus à la hauteur des dépenses et des coûts qui ont augmenté. »

Gaétan Talbot, président du conseil d’administration du Musée de la Côte-Nord. Photo Lucas Sanniti

Face à ces conditions, le Musée de la Côte-Nord se voit obligé de réduire ses heures d’ouverture durant l’hiver, afin de préserver ses ressources.

« On a fermé le musée pendant les jours de semaine durant l’hiver, sauf pour les groupes. […] En réduisant les heures d’ouverture, il y a des employés qui se sont vu réduire leurs heures de travail aussi », soutient Gaétan Talbot.

Depuis que le gouvernement du Québec a mis fin à l’entrée gratuite aux musées pour le premier dimanche du mois, le Musée anticipe encore une fois une baisse de revenus.

« Quand les gens savent que c’est gratuit, ça attire du monde. C’est un facteur d’attraction. Là, ce ne l’est plus, alors il va y avoir moins de monde, et donc, moins de revenus. […] Pour un musée comme nous autres, ça paraît. »

Moins d’argent, moins d’artistes

Pour Julie Godin, la situation géographique de la Côte-Nord représente aussi un défi supplémentaire pour les artistes qui voudraient y exposer leurs œuvres.

« Ces coupures-là amènent le fait qu’on peut avoir moins d’artistes qui viennent, parce que ça coûte plus cher de les faire venir », dit-elle. « Quand tu payes un électricien, tu payes pour le service. Quand tu payes pour un artiste, tu veux bien le rémunérer, parce que c’est ça son métier et tu veux qu’il revienne. »

Or, la rémunération des artistes n’est pas la seule préoccupation de Panache art culturel, qui doit également faire face à des difficultés liées au financement de son personnel.

« En 2022, on a perdu notre direction, parce qu’on n’arrivait plus à payer son salaire », explique Julie Godin. « Depuis que je suis entrée en poste, j’ai l’argent assuré pour faire mon mandat pendant deux ans. Là, je suis à ma deuxième année. Je suis en train de travailler pour pouvoir encore être là l’année prochaine. »

Le centre d’artistes peut obtenir du financement de partenaires comme l’Entente de développement culturel de la Ville ou le Port de Sept-Îles pour ses projets, mais ces fonds ne couvrent pas les salaires.

« Le nerf de la guerre, c’est le budget de fonctionnement. C’est ce qui est revendiqué en ce moment, si tu affaiblis ce budget, tu affaiblis tes employés », poursuit-elle.

Difficile d’être artiste sur la Côte-Nord