Tandis que certains artistes de la Côte-Nord parviennent à préserver leur autonomie dans un contexte où les coupures culturelles se succèdent, d’autres peinent à s’installer et à prospérer.
Johanne Roussy est la fondatrice de l’Atelier de la 8e île, un centre de création autofinancé et autogéré, situé dans la vieille église de Moisie.
Ce lieu accueille des artistes et créateurs provenant des quatre coins du monde, depuis presque 18 ans. Pourtant, le projet ne reçoit pas d’aide récurrente en termes de financement de la part du gouvernement. Comment, alors, parvient-il à survivre ?
« J’ai toujours composé avec ce qu’il était possible de faire, parce que je voyais déjà ce qu’il était impossible de faire », partage Johanne Roussy. « C’est pour ça que j’ai décidé d’être indépendante et de ne pas demander d’argent au CALQ, pour ne pas habituer mon centre à avoir ces revenus. »
Fonctionnant par « les moyens du bord » et avec l’aide précieuse de ses amis et partenaires, Johanne Roussy croit que pour survivre dans le milieu artistique, et ce, surtout en région, il est impératif de développer une autonomie de « téflon ».
« C’est l’extrême autonomie ou rien pantoute. »
Créer en région
Elle reconnaît toutefois que ce ne sont pas tous les artistes qui peuvent bénéficier d’une telle indépendance. Pour ceux qui ne sont pas fermement ancrés dans leur communauté depuis plusieurs années, la réalité s’avère plus difficile.
« Premièrement, s’installer à Sept-Îles comme artiste, c’est impossible, parce que l’immobilier demande des prix prohibitifs », déclare Johanne Roussy. « Quand tu es un artiste professionnel, tu n’as pas le choix de travailler à côté pour gagner ta vie. Tu ne peux pas travailler à Alouette, par exemple, et faire de l’over. Ils ne vont pas t’engager si tu leur dis que tu veux du temps pour créer. »
Rétention
La pérennité du milieu culturel soutient d’ailleurs beaucoup plus d’emplois que l’on pourrait croire, selon la directrice générale de Culture Côte-Nord, Marie-France Brunelle.
« Ça prend un minimum d’offre de services requis pour avoir de la clientèle et maintenir nos emplois », dit-elle. « Si les salles de spectacles se mettent à couper dans leur programmation, ce sont tous les techniciens de scène qui auront moins de contrats et qui iront travailler ailleurs pour être capable de vivre. »
Les coupures, visibles et invisibles, qui planent sur le milieu artistique et culturel jouent un rôle majeur dans la rétention, non seulement des artistes, mais aussi des familles en région éloignée, selon Marie-France Brunelle.
« D’année en année, on est les gagnants en perte de population. […] Pour qu’une région soit considérée comme attrayante, pour y vivre, y fonder une famille et y rester, ça prend un milieu culturel fort avec une offre de service intéressante. Ce n’est pas en coupant dans le milieu culturel que l’on facilite la rétention ou l’attraction de la région », insiste-t-elle.
Vers une désertification culturelle ?
Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre du Québec, François Legault, publiée le 5 février, le Réseau Culture 360 et ses 15 conseils régionaux tirent la sonnette d’alarme sur la crise qui traverse le secteur culturel, réclamant un réinvestissement urgent pour en préserver sa vitalité. Culture Côte-Nord était l’un des signataires.
« De plus en plus d’organismes ferment soit par faute de financement, soit coupent leur offre de services et se mettent en péril de la même façon », indique Marie-France Brunelle.
« On est peut-être aux prises un peu avec une désertification culturelle », explique pour sa part Gaétan Talbot, le président du conseil d’administration du Musée de la Côte-Nord. « On n’est pas encore rendus dans le Sahara, mais on perd du terrain. »
Pour lui, la culture ne se résume pas à l’art ou le spectacle, elle représente la base d’une identité collective.
« C’est un élément essentiel de l’identité, d’un groupe, d’une nation, d’un peuple », dit-il. « L’identité est multiple et complexe. Il y a la langue, il y a l’histoire, l’art, l’archéologie. Le Musée est un gardien de plusieurs de ces éléments-là. »
Julie Godin, directrice générale et artistique de Panache art actuel, partage cette inquiétude et insiste sur l’urgence d’agir.
« Il faut sonner l’alarme avant qu’il ne soit trop tard. Oui, je pense qu’on est dans une période où c’est important d’en parler, c’est important de conscientiser les gens, parce que si on attend dans cinq ans, il va peut-être être trop tard. »
Une artiste portcartoise croit en l’art, malgré les coupures
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