Des commerçants préfèrent dénoncer sur les réseaux sociaux qu’à la police

Par Marie-Eve Poulin 5:30 AM - 4 février 2025
Temps de lecture :

Michael Ouellet, propriétaire du Centre des congrès de Sept-Îles, qui est équipé de caméras de surveillance. Photo Marie-Eve Poulin

Les vols et le vandalisme dans les commerces font perdre des milliers de dollars aux propriétaires d’entreprises qui sont de plus en plus à opter pour la publication d’images de caméras de surveillance sur les réseaux sociaux, afin de retrouver les coupables et de prendre une entente de remboursement. Ils s’évitent ainsi de longs processus judiciaires. 

Pour le Centre des Congrès de Sept-Îles, les bris et vols représentent environ 5 000 $ par année. Pour le Marché 7 jours, on parle de « plusieurs milliers de dollars » en essence et en marchandise. 

Les commerçants ne souhaitent pas se faire justice eux-mêmes, mais plutôt alléger le travail des policiers. 

« La police est très occupée », dit Vincent Ouellet, co-propriétaire du Marché 7 jours. « Ces temps-ci, avec le monde qui se tire dessus, je pense qu’ils ont d’autres choses à faire, que de courir après des petits voleurs de dépanneurs. » 

Il souligne que ce n’est « vraiment pas contre la police ».

« Mais à un moment donné, il faut qu’on ait une façon de pouvoir régler ça et d’enrayer ça », dit-il. « Que les gens sachent qu’on ne se laisse pas faire. » 

Ses plaintes aux autorités policières ne mèneraient pas à grand-chose, a-t-il l’impression.

« Ils ne mettront pas quelqu’un en prison pendant un an, parce qu’il a fait un vol à l’étalage », dit-il.

Il souhaite seulement identifier la personne et pouvoir obtenir une injonction, pour que l’individu ne puisse plus revenir dans son établissement.

De son côté, la Sûreté du Québec (SQ) n’observe actuellement pas de hausse de signalements de vol sur le territoire. « Plutôt que de publier sur les réseaux sociaux, les gens devraient nous appeler », maintient Hugues Beaulieu, porte-parole de la SQ. 

Remboursement

Les commerçants veulent aussi que les gens qui quittent sans payer ou brisent des biens paient pour leurs gestes. 

« C’est notre moyen de ravoir notre argent », plaide Vincent Ouellet, qui trouve déplorable de se faire voler, alors qu’il dit mettre beaucoup d’effort dans son travail. 

Un autre commerçant de Sept-Îles abonde dans le même sens.

« Peu importe ce que le système de justice fait, même si la personne est punie, je ne suis pas dédommagé pour ce qui s’est passé », affirme-t-il, préférant ne pas être identifié. « C’est à moi la responsabilité d’aller chercher les personnes et de leur faire payer pour avoir un remboursement. » 

Ce commerçant juge le fardeau des procédures plutôt lourd.

« Si je veux aller au civil, c’est ma responsabilité de trouver c’est qui, c’est ma responsabilité de mettre la personne en demeure », dit-il, estimant exagéré de ne pas pouvoir demander l’aide de la population (voir autre texte).

Simplicité

« Si on prend l’exemple de cette semaine, un gars chaud qui s’est mis à donner des coups de pied sur une pancarte en aluminium qui vaut 122 $ », raconte à son tour, Michael Ouellet, propriétaire du Centre des Congrès de Sept-Îles. « Là, je vais courir à la police pour faire une plainte de bris. Ils vont venir. Je vais devoir leur donner mes vidéos de caméras de surveillance et ils ne le mettront pas sur les réseaux sociaux pour le retrouver donc, ça va prendre du temps avant qu’ils le trouvent. Ensuite, ils vont inscrire ça au palais de justice et ça va prendre deux ans avant que ça passe en cours », énumère-t-il. 

En mettant la vidéo sur Facebook, le responsable est venu se dénoncer une heure après la publication, fait valoir l’homme d’affaires. 

« Il est venu me rencontrer et je lui ai dit que ce n’était pas fort », dit M. Ouellet.

Il lui a donné ses coordonnées pour un virement, afin qu’il rembourse les dommages causés. La vidéo a ensuite été retirée. 

« Quant à moi, ça va être réglé plus vite en dedans de trois ou quatre jours, au lieu de prendre deux ans avec la police », dit-il.  

Lors d’une récente publication d’un acte commis au Marché 7 Jours, le co-propriétaire Vincent Ouellet dit avoir reçu l’identité de la personne en quinze minutes seulement. Plus de quarante citoyens qui ont vu les images ont communiqué avec lui, pour identifier la femme aperçue sur la vidéo. 

Dissuader

En démontrant que le commerce effectue une surveillance des lieux, des gens mal intentionnés pourraient perdre toute envie de commettre des gestes inacceptables, croient les gestionnaires d’entreprises.  

Selon Vincent Ouellet, le partage sur les réseaux sociaux permettrait aussi aux autres commerçants d’identifier préalablement des voleurs habituels. S’ils reconnaissent certains visages, ils seront plus vigilants si ces personnes se pointent dans leur commerce. « Ça nous aide », dit-il. 

Un peu d’humour

Les commerçants utilisent l’humour dans leurs publications.

« On essaie de virer ça un peu en farce, sans les accuser », dit Michael Ouellet. « Ça se peut que le gars soit juste parti sans payer son gaz parce qu’il était dans la lune. » Vincent Ouellet précise que dans environ 90 % des cas de gens qui quittent sans payer leur essence, il s’agit d’un oubli et non d’un vol. 

De son côté, Vincent Ouellet utilise l’humour pour tenter de dédramatiser la situation. 

Cette approche fonctionne bien auprès des gens et facilite le partage de la publication, indique-t-il. 

De plus, cela facilite le premier échange avec la personne qui vient se dénoncer. Le but est de prendre arrangement et non d’être dans la confrontation.