Trump ne semble pas prêt à exempter le Canada, à court terme, de ses tarifs

Le président américain Donald Trump s'adresse aux journalistes le vendredi 31 janvier 2025 à Washington. THE ASSOCIATED PRESS/Evan Vucci
Le président américain Donald Trump exempte, à court terme, le Mexique de tarifs douaniers de 25 %, mais n’envoie aucun signal, dans l’immédiat, qu’il compte faire de même pour le Canada.
Quelques heures après un appel, lundi, avec le premier ministre Justin Trudeau et peu de temps avant qu’une deuxième conversation entre les dirigeants n’ait lieu, M. Trump a affirmé qu’il était très difficile pour les États-Unis de faire des affaires avec le Canada, qui, selon lui, est «très difficile» et profiteur.
«Nous ne pouvons pas les laisser profiter des États-Unis», a-t-il lancé depuis le Bureau ovale, soutenant qu’il n’avait aucun intérêt, par exemple, à acheter des voitures faites au Canada puisque celles-ci devraient, selon lui, être entièrement fabriquées par les Américains.
Comme il l’avait fait un peu plus tôt sur son réseau «Truth social», le locataire de la Maison-Blanche a affirmé que le secteur des banques américaines se bute à un refus lorsque vient le temps de faire des affaires au nord de la frontière des États-Unis.
«Nous ne sommes pas bien traités par le Canada et nous devons être bien traités, a pesté le président américain. Les banques américaines, par exemple, ne sont pas autorisées à faire des affaires au Canada. Pouvez-vous croire ça?»
Plus d’une dizaine de banques américaines ont une présence au Canada, comme Citibank, J.P. Morgan et Comerica.
M. Trump a, en répondant à des questions de reporters rassemblés dans le Bureau ovale, vanté sa relation avec la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, tout en se gardant de tenir les mêmes propos en ce qui concerne M. Trudeau.
Le président républicain s’en est tenu à dire qu’il avait eu une bonne conversation avec le premier ministre canadien et qu’il lui reparlait sous peu.
Il a répété son idée que le Canada pourrait devenir le 51e État des États-Unis, ce que le gouvernement canadien a écarté sur toutes les tribunes. M. Trump a plaidé lundi que ce serait une façon d’éviter la surtaxe de 25 % sur les exportations canadiennes envoyées aux États-Unis, qui doit entrer en vigueur mardi.
Les décrets exécutoires visant à mettre sa menace à exécution ont été signés samedi et prévoient, dans le cas de l’énergie canadienne, des tarifs de 10 %.
Lundi matin, la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, a déclaré qu’elle avait accepté de déployer 10 000 soldats à la frontière américaine pour lutter contre le trafic de drogue.
Le Mexique avait déjà déployé des troupes pour la première fois à sa frontière nord en 2019, invoquant la pression des États-Unis pour freiner la migration.
M. Trump a déclaré qu’il avait accepté de suspendre l’imposition de droits de douane sur le Mexique pendant un mois, afin de permettre des négociations.
«J’ai hâte de participer à ces négociations, avec la présidente Sheinbaum, alors que nous tentons de parvenir à un “accord” entre nos deux pays», a écrit M. Trump sur «Truth Social»
Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a aussitôt appelé le gouvernement à déployer des troupes et des hélicoptères des Forces armées canadiennes à la frontière.
Dans un message publié lundi midi sur les réseaux sociaux, M. Poilievre a déclaré que le Canada devrait également ajouter des milliers d’agents frontaliers et «élargir les pouvoirs» de l’Agence des services frontaliers «à l’ensemble de la frontière, et pas seulement aux points de passage».
Il estime aussi que le Canada devrait «installer des scanners de haute puissance, des tours de surveillance des frontières et des systèmes de drones montés sur des camions pour repérer les incursions à la frontière».
En point de presse à Vancouver, il a, une fois de plus, appelé le gouvernement Trudeau a rappeler le Parlement afin de faire adopter le plan qu’il propose visant à mettre «le Canada d’abord».
Il n’a pas voulu dire si cela reléguait aux oubliettes sa volonté d’aller en campagne électorale le plus rapidement possible.
«On ne devrait pas sécuriser nos frontières pour plaire à un chef (d’État) d’un autre pays. On devrait le faire pour protéger nos propres citoyens», a déclaré M. Poilievre, favori dans les intentions de vote au Canada depuis plus d’un an.
Selon les dires de la cheffe du Parti vert, Elizabeth May, M. Poilievre a pu aborder la question de la frontière et de l’attaque que représente, selon lui, les tarifs de M. Trump, au cours d’une rencontre virtuelle tenue dimanche entre les chefs de partis fédéraux.
«Le premier ministre a déclaré qu’il était devenu de plus en plus évident qu’il n’y avait aucune preuve ou action supplémentaire en matière de sécurité à la frontière qui pouvait faire la différence. Le problème n’est pas le fentanyl. Il s’agit d’une attaque contre le Canada et sa souveraineté», a-t-elle indiqué.
«Jagmeet Singh, Pierre Poilievre, Yves-François Blanchet et moi-même avons tous abordé ce point et sommes tombés d’accord.»
Le cabinet de M. Trudeau n’a fourni aucun détail sur le premier appel avec M. Trump ni aucune information sur une éventuelle nouvelle sortie du premier ministre canadien.
Du côté du président américain, il a réitéré son argumentaire habituel autour de la sécurisation des frontières américaines.
«De quoi s’agit-il? Beaucoup de choses, mais il s’agit aussi d’une GUERRE DE LA DROGUE, et des centaines de milliers de personnes (qui) sont mortes aux États-Unis à cause de la drogue qui se déverse à travers les frontières du Mexique et du Canada», a-t-il ajouté.
Par ailleurs, M. Trudeau devait présider lundi une réunion virtuelle du Conseil sur les relations canado-américaines, selon son horaire officiel. Ce comité doit «soutenir le premier ministre et le conseil des ministres en cette période cruciale pour les relations entre le Canada et les États-Unis».
Trois anciens premiers ministres provinciaux, à savoir Jean Charest, Rachel Notley et Stephen McNeil, font partie de ce Conseil des relations canado-américaines, tout comme l’ambassadrice du Canada à Washington, Kirsten Hillman.
L’équipe de l’ancien premier ministre du Québec, Jean Charest, a décliné lundi une demande d’entrevue de La Presse Canadienne
Quoi qu’il en soit, Ottawa a fait savoir qu’il ripostera mardi au moyen de droits de douane de 25 % sur 30 milliards $ de marchandises en provenance des États-Unis — touchant des centaines d’articles, de la viande et du lait aux tapis et aux rideaux.
Dans trois semaines, le Canada prévoit ajouter 125 milliards $ supplémentaires de droits de douane sur des centaines d’autres produits américains, après avoir consulté l’industrie.
M. Trudeau a déclaré, au courant du week-end, que des mesures non tarifaires supplémentaires, y compris certaines liées aux minéraux critiques, à l’énergie et aux marchés publics, font l’objet de discussions entre le fédéral et les provinces.
Pendant ce temps, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a rempli son emploi du temps de lundi avec de multiples apparitions dans des émissions d’information américaines pour faire valoir la position du Canada.
M. Ford, qui a déclenché des élections provinciales anticipées la semaine dernière en utilisant les tarifs douaniers comme justification, est apparu sur «Fox and Friends» en matinée pour renouveler les arguments qu’il a avancés lors de fréquentes interventions à la télévision américaine au cours des dernières semaines.
Il a réitéré que 28 États dépendent considérablement du Canada pour le commerce. «Espérons que les esprits plus calmes l’emporteront», a-t-il soutenu.
«Nous ne comprenons pas que (Trump) dépense du temps et de l’énergie contre son ami le plus proche, son précieux allié depuis 1867. Il y a plus de problèmes dans le monde que d’attaquer son ami le plus proche.»
Le premier ministre Ford a par ailleurs annoncé lundi qu’il exclurait les entreprises américaines des contrats provinciaux tant que les tarifs douaniers seraient en vigueur.
Il a également déclaré avoir rompu un accord de 100 millions $ avec Starlink, une entreprise d’Elon Musk, pour acheminer le service Internet jusqu’aux communautés rurales et éloignées du Nord.
Le gouvernement québécois envisage, de son côté, de «pénaliser les entreprises américaines qui travaillent avec le gouvernement du Québec», a déclaré samedi le premier ministre de la province, François Legault.
– Avec des informations de Sarah Ritchie, à Ottawa
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