L’expédition d’une vie dans le Québec nordique

Par Johannie Gaudreault 7:00 AM - 14 janvier 2025
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Kathleen Goulet, Roxanne Chenel, Chantal Secours, et Julie Gauthier prendront le chemin de la Baie d'Ungava à partir de Schefferville en février. Photo Courtoisie

Une Escouminoise tentera avec trois autres femmes de rejoindre la Baie d’Ungava à partir de Schefferville en février, une traversée en ski de plus de 600 kilomètres qui longe la rivière George dans le Nord-du-Québec.

Le Haute-Côte-Nord a rencontré Kathleen Goulet pour savoir où la troupe d’Azimut Ungava s’en allait avec ses skis.

Fraîchement arrivée d’une expédition préparatoire de 5 jours dans le Parc national de la Jacques-Cartier avec ses compagnonnes, l’Escouminoise raconte comment le groupe a ficelé les derniers détails techniques de son aventure prochaine.

« On a fait de grosses journées en termes de nombre de kilomètres, et on a conduit des simulations advenant que quelqu’un se blesse ou qu’il y a de bons dénivelés à franchir », explique la férue d’aventure.

Cette dernière raconte que le groupe a passé au peigne fin le déroulement d’une journée type, cette « routine » qui deviendra l’essentiel de leur long périple d’une soixantaine de jours.

« On y est allé de manière assez conservatrice sur le nombre de kilomètres par jour pour faire face aux imprévus éventuels. On a aussi des jours de repos et des congés forcés météorologiques si jamais la météo n’est pas en notre faveur », souligne l’Escouminoise.

« Ça pourrait nous en prendre moins au final, mais on ne sait pas. On va le découvrir en marchant », ajoute-t-elle avec une pointe d’humour.

Le gros stock

Les aventurières d’Azimut Ungava visent une journée de la première semaine de février pour partir définitivement de la baie d’Iron Arm à l’est de Schefferville vers la rivière De Pas, un affluent de la rivière George qu’elles suivront ensuite tout au long de leur périple.

Ce pèlerinage requiert non seulement une discipline de fer, mais aussi un imposant arsenal de matériel qui permettra d’affronter les -30 °C et les -40 °C qui sont monnaie courante dans la toundra arctique à ce temps-ci de l’année.

Le groupe apportera deux tentes et deux poêles au naphta, des outils et des trousses de réparations, des skis et fixations de rechange et les vêtements, tout ça dans un gros traîneau tiré avec des bretelles et un harnais pour un total de 130 livres sur leur dos.

Et il y a bien sûr la nourriture, que Kathleen Goulet définit comme principal carburant, dans toute cette histoire.

« Au final, c’est la nourriture qui prendra le plus de place et qui est la plus lourde. Étant donné qu’on ne s’arrêtera pas durant la journée pour manger, on se garde un peu de tout dans nos poches pour se réchauffer et continuer à avancer », explique-t-elle.

Le groupe partira avec l’équivalent de 10 jours de nourriture sous forme de contenu déshydraté et, chaque 7 à 10 jours, il trouvera sur son chemin des caches déposées au préalable qui lui permettront de continuer.

Seules au monde

Être à ce point reculées de la civilisation comporte quelques risques auxquels les aventurières se sont attardées depuis 1 an.

Kathleen Goulet parle non seulement des grands froids, mais des risques de blessure ou d’égarement. « Tout ça a été réfléchi dans un plan d’urgence d’une soixantaine de pages, et des personnes de l’extérieur vont l’avoir en main », annonce-t-elle.

Les skieuses apporteront également des fusées et une arme à feu pour se défendre contre la menace éventuelle que poserait un ours polaire, dont la présence est plus habituelle près de la baie d’Ungava.

Malgré ces dangers potentiels, Kathleen Goulet et son équipe sont plus motivées que jamais à « valoriser la place des femmes » dans le domaine de l’aventure.

« C’est aussi de montrer que les femmes peuvent être plus que des participantes dans ces aventures-là, et qu’elles peuvent aussi prendre le leadership et les organiser », lance-t-elle.

« Quand on apprend à se faire confiance, on peut faire des choses extraordinaires », termine Mme Goulet.

L’histoire d’une rencontre

Au départ l’expédition devait se faire sous la direction du guide d’aventure Guy Boudreau qui roule sa bosse depuis des décennies dans les Monts-Groulx, mais ce dernier s’est désisté au sortir d’expéditions préparatoires l’hiver dernier.

« On n’a pas pu faire comme on voulait, car il n’y avait pas de neige l’an dernier, et le facteur météo a joué dans sa décision pour ne pas diriger l’expédition », se remémore Kathleen Goulet.

L’expédition, qui a failli tomber à l’eau en raison des redoux et des sorties préparatoires insatisfaisantes, a été sauvée par la rencontre de ces quatre dames arctiques. « En se parlant entre nous, un groupe de personnes qui voulaient toujours faire l’expédition s’est constitué, et on se prépare depuis ce temps-là », raconte la Nord-Côtière.

Cette dernière vante les « forces complémentaires » qui unissent le groupe composé de deux trentenaires et de deux cinquantenaires qui « en ont vu d’autres ».

L’Escouminoise Kathleen Goulet, ici dans les monts Groulx, est une habituée des longues expéditions de plein air. Photo courtoisie