L’aréna, on le fait !

Par Emy-Jane Déry 12:20 PM - 2 décembre 2024
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Les petits Gilbert, toujours un peu en train de jouer au hockey et de faire du salon un site post-apocalyptique.

On est samedi. J’ouvre difficilement les yeux au son de mon cadran qui m’agresse, tandis que la noirceur est encore bien enveloppante dehors. Je me tire péniblement du lit. J’ouvre la machine à café. Juste le son qu’elle fait me donne du courage. Je me rends dans la chambre de mon petit bonhomme de 4 ans. Je lui flatte le dos doucement en lui murmurant : c’est l’heure du hockey mon amour. HOP. En un temps trois mouvements, il est debout en train de préparer sa poche. Impressionnant, me dis-je, pour un non-initié à la caféine. 

Je tire aussi sa sœur de 3 ans du lit. Un peu moins motivée, elle finit par se réjouir d’aller à l’aréna regarder son grand frère. Elle n’en peut plus d’attendre d’avoir « elle aussi » 4 ans, pour pouvoir à son tour embarquer sur la glace. 

On ne se fera pas de cachette, je suis en gros conflit d’intérêts de me prononcer sur le sujet. Soit ça, soit au contraire, je suis bien placée pour comprendre les enjeux qui touchent les familles, derrière le projet du nouvel aréna. 

Mon amoureux, le papa du 4 ans qui dort avec son bâton de hockey et de la 3 ans qui rêve d’être une MAGH 0, a sa photo dans le seul aréna qui tient encore debout à Sept-Îles. Elle est juste à côté de la grosse cloche rouge de l’alarme d’incendie. Je le sais, parce que mes enfants me le font remarquer chaque fois qu’on y met les pieds. 

Patrick, de son prénom, a quitté Gros Pier, Anne, et Sept-Îles pour aller jouer au hockey à l’extérieur. Il avait 15 ans.

Puis un jour, tout fier (mais moins que sa mère), il est allé s’acheter un suit chez Armand Charette pour le repêchage. 

Au cours de sa carrière dans la LHJMQ, le défenseur de 6p1, 210 lbs (la belle époque !) a joué pour les Huskies de Rouyn-Noranda, les Mooseheads d’Halifax et les Screaming Eagles de Cape Breton. Bien que sa dernière partie dans cette ligue remonte à 2003, il est encore le 7e joueur de son histoire à y avoir joué le plus de parties, soit 343. Le joueur en première place en a joué 352. Je vous épargne l’importance du hockey dans sa vie de jeune septilien, ça me semble évident.

Il y en a plein d’autres, des visages sur le mur de Guy Carbonneau, dont Guy lui-même, ça va de soi.

Elles sont là pourquoi ces photos ?

Parce qu’on est fiers, comme Septiliens et Septiliennes, que des nôtres se soient rendus loin dans ce sport qui est presque une religion au Québec.

Parce qu’on est fiers, comme Septiliens et Septiliennes, que des nôtres se soient rendus loin dans ce sport qui est presque une religion au Québec. Autant que moi je suis fière de vous avoir flashé les stats de mon chum trois-quatre lignes plus haut. 

Quand Véronik Mallet a eu besoin de soutien dans sa carrière de patineuse, la population a été derrière elle. Quand Anne-Sophie Bettez a donné la première victoire à son équipe dans la Ligue professionnelle de hockey féminin, je connais des petites filles qui auraient quasiment fait un pays avec Sept-Îles, tellement elles étaient fières de leur patrie et pleines d’espoir pour leur propre route, qu’elles sont en train de tracer. 

Revenons au petit 4 ans. Quand j’ai dû lui annoncer que ses pratiques étaient annulées, parce que « l’aréna était brisé » dans les dernières semaines, il ne l’a pas trouvé drôle. Moi non plus d’ailleurs. Même si ça m’a donné un break de cadran à 6 h 30 le samedi (ET le dimanche en passant), sa déception n’en valait pas la peine. 

À un autre moment, la tristesse dans son visage quand on a dû rebrousser chemin tandis que le patinage libre était annulé, pour les mêmes raisons (un autre des nombreux bris), a aussi pincé mon cœur de maman. 

Ce sont des détails me direz vous. Je suis consciente que je ne suis pas en train de vous parler d’enfants qui ont faim, ou qui n’ont personne pour les border le soir. Je vous parle de petites déceptions de la vie.

Par contre, à l’échelle d’une communauté, ce manque est majeur. Un aréna, c’est important pour la rétention de la population. D’autant plus dans une municipalité à la frontière du 50e parallèle… On s’attend à ce que ça pratique des sports d’hiver dans le coin et que ce soit facile de le faire. Des mamans et des papas, j’en vois plein à l’aréna. Café à la main, ils sont médecins, opérateurs chez Alouette, dentistes, professeurs, superviseurs de chemin de fer chez IOC, entrepreneurs… Il y en a du monde à qui ça pincerait un peu trop fort que leurs petits et petites maniaques de hockey, patinage artistique, ringuette… name it ! Ne puissent pas pratiquer leur sport à la hauteur de ce qu’ils méritent.

Il y a bien des places au Québec, où ça se peut ça, avoir un aréna et des infrastructures sportives accessibles. Faudrait surtout pas que la grande industrie, de qui on a bien besoin dans le projet, l’oublie.

Oui, c’est peut-être 15 M$ de plus que prévu, mais on le savait. Le contexte des coûts de construction actuellement ne surprend personne : c’est toujours plus cher que prévu. Particulièrement dans notre région « plus loin que les autres ». Mais là, on ne parle pas du projet de toilettes autonettoyantes sur le bord de la 138 à Rivière-au-Tonnerre, dont la soumission à plus de 1 M$ a fait reculer le gouvernement. On parle du cœur de notre ville. De l’endroit qui rassemble, unit et rend fières les familles de Sept-Îles. Si on attend encore, le prix va monter. On va s’éloigner encore plus de notre objectif.

Petit rappel amical à ce propos : 

2018 – Deux glaces, 2 000 places : 27 M$

2019 – Une glace, un terrain de soccer synthétique, un gymnase triple, le tout ceinturé par une piste d’athlétisme, 1 500 places : 33 M$ 

2024 – Une glace, un accès universel pour les personnes à mobilité réduites, une coursive pour permettre la marche à l’intérieur et deux, trois bureaux : 78 M$ 

2028 – Une glace. Plus assez de population pour payer des taxes et un aréna de : 140 M$, parce que si on ajoute au manque de médecins, de places en garderie et de logements, le manque d’accès à des infrastructures sportives, je vous garantis que ça ne se garrochera pas aux portes pour venir habiter Sept-Îles. 

Ça fait longtemps qu’on aurait dû aller de l’avant, mais on ne l’a pas fait. Le minimum, ce serait bien d’apprendre de nos erreurs et de s’enligner. On le fait !