L’inflation et la crise du logement font exploser les demandes d’aide alimentaire

Par Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne 12:44 PM - 28 octobre 2024
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Un homme et une femme dans une banque alimentaire de Montréal, le 14 juin 2023. LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz

Le nombre de demandes d’aide alimentaire augmente à une vitesse vertigineuse et les banques alimentaires peinent à répondre à la demande causée par l’appauvrissement de larges pans de la population.

Banques alimentaires du Québec (BAQ) a livré, lundi dans les locaux de Moisson Montréal, son Bilan-Faim 2024, dont les données ont de quoi faire frémir. «Depuis trois ans, on compte un million de demandes d’aide alimentaire supplémentaires chaque mois», a laissé tomber Martin Munger, directeur général de BAQ, expliquant que cet ajout porte désormais à 2,9 millions le nombre total de demandes d’aide alimentaire par mois au Québec. 

Des humains derrière les chiffres

«Derrière ce chiffre insaisissable, il y a des visages: c’est une famille qui vient chercher un panier de dépannage pour la semaine; c’est un repas cuisiné et livré à une personne âgée vulnérable; c’est une collation donnée à un enfant.

«Tous les indicateurs sont au rouge», avertit-il. Il parle ainsi d’une «tendance inquiétante, voire accablante» puisque le nombre de demandes d’aide alimentaire augmente sans cesse, au point où «la majorité de nos membres ont manqué de denrées encore cette année».

Première cause: la crise du logement 

Depuis des années, en fait, les banques alimentaires ne voient aucun signe de ralentissement, au contraire puisque la pression causée par la hausse du coût de la vie ne fait pas relâche. Au sommet de la liste des coupables se trouve la crise du logement. «Il faut que le gouvernement ait un impact plus grand pour contrer la crise du logement qui, selon ce qu’on nous dit sur le terrain, est un des facteurs principaux de la fréquentation des banques alimentaires. Les gens paient trop cher pour se loger à l’heure actuelle et n’ont plus d’argent pour l’épicerie», affirme M. Munger.

Les deux autres coupables qu’il identifie clairement sont des prestations d’aide sociale nettement insuffisantes et le maigre salaire minimum. «Le salaire minimum à l’heure actuelle, les gens qui travaillent au salaire minimum, on le voit, il y a 20 % des gens qui fréquentent les banques alimentaires dont la source principale de revenu est l’emploi. Ça aussi c’est insuffisant.»

«Après, il n’y a plus personne»

Que se passe-t-il lorsqu’une banque alimentaire manque de denrées? «Ça affecte la variété de produits donnés dans un panier de dépannage, par exemple. Ça peut affecter la quantité de denrées qui sont présentes dans le panier. Et dans certains cas, il y a 50 % des organismes qui disent qu’ils pourraient aider plus de personnes, mais qui restreignent leurs interventions. Si la Banque alimentaire ne peut pas desservir quelqu’un, il n’y a plus beaucoup de recours.»

Or, fait-il valoir, après la banque alimentaire, il n’y a plus personne. «On est le dernier filet de sécurité en bout de ligne. Je dirais même qu’on est le matelas en dessous du dernier filet de sécurité pour éviter que les gens tombent complètement. Mais il n’y a plus grand-chose qui reste après les banques alimentaires, si on ne peut pas aider.»

Martin Munger reconnaît que Québec a donné une bouffée d’air en ajoutant 30 millions $ aux banques alimentaires dans son dernier budget. Un autre 10 millions $ s’en vient pour 2025-2026, «mais ce ne sera pas suffisant», prévoit-il sans vouloir s’avancer sur la somme qui serait requise pour que les banques alimentaires puissent répondre aux besoins. 

Une vraie lutte à la pauvreté

Il faut toutefois aller au-delà du soutien financier et attaquer le problème à la source, c’est-à-dire réduire les besoins d’aide alimentaire, poursuit M. Munger. «Pour renverser cette tendance, il faut des politiques publiques robustes en matière de lutte à la pauvreté.»

Ces politiques, répète-t-il, doivent se concentrer sur la crise du logement et le rehaussement de l’aide sociale et du salaire minimum.

La situation est difficile dans toutes les régions, mais elle est critique en Estrie, à Québec, à Laval et surtout à Montréal. La directrice générale de Moisson Montréal, Chantal Vézina, qui agissait comme hôtesse pour la présentation du Bilan-Faim, a raconté qu’un sondage interne auprès des ses membres «a révélé ce printemps qu’un organisme sur trois n’arrive plus à répondre à toutes les demandes. Cette situation est inadmissible.»

19 millions de kilos de denrées

«Chaque année, les besoins augmentent et bien que nous ayons distribué plus de 19 millions de kilos de denrées l’an dernier, ce n’est pas suffisant. On se questionne à Moisson Montréal à savoir jusqu’où il faut aller pour combler tous ces besoins», soupire-t-elle. 

Mme Vézina a profité de l’occasion pour annoncer l’octroi de 40 bourses pouvant atteindre un maximum de 40 000 $ chacune pour des projets de soutien à la mission. On parle ainsi d’installation de cuisines, d’acquisition de véhicules pour la distribution de denrées, l’achat d’équipements de réfrigération et ainsi de suite.

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