Demandeurs d’asile: «J’ai l’appui de la majorité des Québécois», dit Legault

Par Michel Saba 8:50 AM - 6 octobre 2024 La Presse Canadienne
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Le premier ministre du Québec, François Legault, et son épouse, Isabelle Brais, arrivent à un dîner officiel au palais de l’Élysée lors du Sommet de la Francophonie à Paris, en France, le vendredi 4 octobre 2024. M. Legault s'est dit «très satisfait» de sa visite officielle en France. LA PRESSE CANADIENNE/Sean Kilpatrick

Malgré l’indignation provoquée par ses déclarations fracassantes sur les demandeurs d’asile, le premier ministre du Québec, François Legault, se dit «très satisfait» de sa visite officielle en France et il estime qu’il a l’appui des Québécois dans son combat.

«Moi, je suis quelqu’un de direct et je pense que c’est apprécié des Québécois», a-t-il résumé, samedi, en entrevue avec La Presse Canadienne, au terme de son séjour où il menait une mission économique et prenait part au Sommet de la Francophonie.

M. Legault, qui a fait l’unanimité contre lui, a dit que «non», il n’a aucun reproche à se faire quant au choc provoqué par ses déclarations, soulignant que, malgré leurs critiques, tous les partis à l’Assemblée nationale s’entendent pour dire qu’il y a trop d’immigrants temporaires au Québec et qu’il faut mieux répartir les demandeurs d’asile au Canada.

«Moi, je pense même que j’ai l’appui de la majorité des Québécois», a-t-il lancé.

M. Legault a tour à tour évoqué l’idée de s’inspirer de la France pour créer des «zones d’attente» pour les demandeurs d’asile, puis de déménager de force 80 000 d’entre eux qui vivent au Québec vers d’autres provinces.

Travailler sur des solutions

Assis à une table dans la résidence officielle du délégué général du Québec à Paris, M. Legault avait justement un message pour les partis d’opposition: cessez de vous opposer et proposez des solutions.

«D’un côté, ils reconnaissent qu’il y a trop de demandeurs d’asile au Québec – on en a reçu 45% alors qu’on présente 22% de la fédération canadienne –, mais ils n’ont absolument rien à proposer. Donc c’est trop facile de critiquer puis de ne pas être constructif sur les solutions», a déclaré le premier ministre.

Mais M. Legault n’entend pas donner un coup de main au fédéral qui lui demande de travailler à sensibiliser les provinces à l’importance de mieux répartir les demandeurs d’asile et qui l’accuse de nuire avec ses propos.

L’été dernier, François Legault avait réussi à obtenir un front commun des provinces pour demander à Ottawa une «juste répartition» et un «contrôle» des demandeurs d’asile en fonction de la capacité de chaque province et territoire à fournir des logements et services.

«Maintenant, je n’ai pas l’intention d’aller plus loin, a-t-il tranché en entrevue. C’est de la responsabilité du gouvernement fédéral. On a même demandé au gouvernement fédéral de rapatrier des pouvoirs. Ils ont refusé.»

«Je l’ai demandé à tout le monde»

Devant les médias, jeudi, M. Legault a demandé à l’ancien premier ministre français et président du groupe des députés macronistes, Gabriel Attal, si la France pouvait «expulser un demandeur d’asile qui ne parle pas français». Pourquoi à M. Attal?

«Ah bien, je l’ai demandé à tout le monde. Commençons par M. Macron (le président français, qu’il a notamment croisé à un dîner officiel à l’Élysée), M. Barnier (le nouveau premier ministre français, qui l’a reçu avec tous les honneurs à l’Hôtel de Matignon) et M. Attal.»

«Je pense que ça fait partie des questions qu’il faut se poser. Si on parle d’intégrer les demandeurs d’asile, il y a une question qui se pose sur la connaissance de la langue du pays ou de l’État en question.»

Or, des transferts obligatoires violeraient la Charte canadienne des droits et libertés, insiste Ottawa. Le gouvernement fédéral affirme qu’il est «hors de question» d’y déroger en invoquant la clause nonobstant.

Est-ce que François Legault croit que le gouvernement fédéral se cache derrière la Charte pour justifier au fond ce qu’il qualifie d’inertie? «Je ne veux pas répondre à cette question-là», répond le premier ministre.

Il estime que «c’est au gouvernement fédéral de trouver des solutions» et de voir si c’est «un problème de loi, de Charte, à l’entrée, de, bon, peu importe».

Le premier ministre du Québec suggère à Ottawa de travailler à réduire le délai menant à une prise de décision, à savoir si la personne qui fait la demande est véritablement un demandeur d’asile.

«M. Macron m’expliquait que depuis qu’il est entré en poste, il a réduit ce délai de trois ans et demi à quatre mois. Et actuellement, M. Barnier, le nouveau premier ministre me disait: “c’est beaucoup trop long quatre mois, il faut réduire ce délai-là”. Au Canada, le délai est de trois ans», a déploré M. Legault.

Économie et culture

S’intéresser à la manière dont le gouvernement français fait face à l’explosion du nombre de demandeurs d’asile n’était que l’un des trois «objectifs» que le premier ministre avait pour sa visite en France.

L’un des principaux volets du voyage portait sur les rencontres d’entreprises. Il s’est notamment rendu chez Alstom et Safran. «Ça a confirmé ce que je pensais: beaucoup d’entreprises françaises veulent investir au Québec», a-t-il dit. Et ce qui les attire serait l’électricité propre du Québec».

Son troisième objectif portait sur le numérique. François Legault voulait notamment convaincre l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de négocier avec les grandes plateformes comme Netflix et comme Spotify. «J’ai eu un accueil très positif», a-t-il dit.

Dans une allocution à l’UNESCO devant les représentants de plus de 80 délégations permanentes, M. Legault avait expliqué que la sauvegarde de l’identité culturelle québécoise constitue «un enjeu existentiel». Il a répété que sa «première priorité» à titre de premier ministre est de protéger la langue française et la culture québécoise.

Les gouvernements membres de l’OIF ont pour leur part lancé «l’Appel de Villers-Cotterêts» aux plateformes numériques où ils réclament, entre autres, de contribuer à la diversité culturelle et linguistique.