La vie politique n’est pas un jeu d’enfant. Entre harcèlement et conciliation travail-famille difficile, les femmes arrivent-elles à prendre leur place ? Voyons ce qu’en pensent Marilène Gill, Kateri Champagne Jourdain et Micheline Anctil, trois élues de la Côte-Nord.
Pour la députée de Manicouagan, Marilène Gill, être une femme dans le monde de la politique est certainement un obstacle. Elle s’est donc lancé un défi à elle-même quand elle a plongé dans l’aventure en 2015. « Je me suis dit que je vais essayer de le faire parce que je pense qu’il faut aussi qu’il y ait des femmes en politique », commente-t-elle en entrevue avec le Journal.
La députée était à ce moment séparée et maman de deux jeunes enfants, de 10 et 8 ans. C’est pourquoi elle ne pensait pas au départ évoluer en politique avant plusieurs années.
« Souvent, on a des situations peut-être économiques plus précaires ou une grosse charge. En ce qui concerne la famille traditionnellement encore, on n’est pas rendu nécessairement à 50-50 dans tout », affirme l’élue nord-côtière qui ne parle pas seulement de sa situation, mais de celle des femmes en général.
D’ailleurs, s’engager dans une campagne électorale demande beaucoup de temps et d’argent, selon Mme Gill, qui croit que ce n’est pas possible pour tout le monde. « Ce sont des situations qui font en sorte que les femmes vont décider peut-être de s’endetter. Moi, c’était mon cas à l’époque, j’étais obligée de m’endetter. C’est une espèce de quitte ou double », divulgue-t-elle.
« On ne peut pas dire que l’accès est là pour tout le monde encore. Je ne suis pas trop sûre des solutions, mais pour moi, c’est encore une difficulté. Oui, c’est encore un boy’s club, la politique, un peu partout et à tous les paliers », poursuit la députée.
La ministre Kateri Champagne Jourdain voyait, dans la politique, une opportunité de contribuer à plus grande échelle au développement de sa région et celui du Québec. Pour ce faire, elle admet qu’il faut renoncer « à de précieux moments qui ne reviendront pas dans la vie de nos enfants, de notre conjoint, de nos parents », ce qu’elle qualifie de « grand sacrifice ».
Elle n’a pas remis en question sa décision. « Mais, devant ces constats, une chose est claire pour moi : le temps investi à l’accomplissement de mes responsabilités doit rapporter, doit donner des résultats et, jusqu’à maintenant, c’est ce qui se produit », affirme l’élue provinciale.
« C’est ce qui me permet de bien vivre avec mes nouveaux, car différents, rôles de mère, de fille, de sœur, de conjointe et d’amie », dévoile-t-elle en soutenant que la conciliation travail-famille est un défi pour tous politiciens. « Par contre, encore de nos jours, je constate que cette conciliation est parfois plus difficile, en raison du pilier qu’elles représentent dans leur famille », laisse-t-elle tomber.
Quant à celle qui porte deux chapeaux, mairesse de Forestville et préfète de la MRC de La Haute-Côte-Nord, Micheline Anctil, elle avance que la politique est difficile pour tous puisqu’elle est « exigeante en temps, en implication, dans un cadre de réglementation stricte ».
« Les femmes font de la politique différemment, peut-être plus en étant plus attentives, davantage à l’écoute, plus patientes pour atteindre des consensus, donc plus près de leurs concitoyens, de leur conseil et de leurs travailleurs », estime Mme Anctil, qui voit sa carrière politique comme une continuité de vie. Elle n’a jamais douté de son choix.
Une évolution lente
Durant ses 8 années, bientôt 9, à la Chambre des communes, Marilène Gill voit une évolution en termes de représentativité, mais la parité n’est toujours pas atteinte, selon ses observations. « Même si on voit qu’il y a quand même une légère augmentation, on est encore à 30 % de femmes. Quand je suis arrivée, on était à 25 % si je ne me trompe pas », illustre-t-elle.
Petite anecdote : quand la députée a fait son entrée au Parlement, on ne retrouvait pas de toilettes pour femmes sur le même étage que celles des hommes. « Les femmes devaient aller à un autre étage pour aller à la salle de bain parce que ce n’était pas prévu encore, raconte-t-elle. C’est quand même particulier de se dire qu’on n’a même pas un espace qui est pensé pour nous. »
Maintenant, des salles de bain mixtes ont été aménagées. « Oui, il y a des changements quand même, mais on voit à quel point c’est lent », ajoute Mme Gill.
Selon cette dernière, des assemblées paritaires sont bénéfiques pour la démocratie. « Il y a des dossiers qui nous concernent directement. Il y a vraiment une lecture qu’on fait de la réalité parce qu’on la vit nous-mêmes, qui fait en sorte que ça va nous faire voir peut-être des projets de loi différemment ainsi que toutes les mesures et toutes les politiques », estime l’élue qui ne comprend pas ses consœurs qui votent pour des projets de loi qui briment le droit des femmes.
« Juste pour ça, je me dis que je me représente encore, parce que ça ne fait aucun sens », laisse-t-elle tomber. « Il n’y a jamais rien d’acquis », ajoute-t-elle en paraphrasant les paroles de Simon de Beauvoir.
De son côté, la mairesse de Forestville, qui est la première de l’histoire élue par sa population, pense que la parité vient avec la richesse des discours. « La parité et la diversité amènent une belle complémentarité et des débats porteurs et enrichissants », partage-t-elle.
« Accroître la représentation des femmes dans les lieux décisionnels et de leadership est essentiel », renchérit Kateri Champagne Jourdain. « Ça permet non seulement d’enrichir le débat public, mais aussi de prendre en compte nos réalités dans les prises de décision », ajoute celle qui souhaite que les avancées pour la parité se poursuivent.
Des solutions ?
Comment faire pour atteindre la parité à la Chambre des communes, à l’Assemblée nationale ou encore dans les conseils municipaux ? Pour Marilène Gill, une des solutions serait le financement public “ pour que les femmes puissent être capables de faire une campagne électorale et d’aller chercher un petit coup de main ponctuel à ce moment-là ”.
La solidarité féminine est aussi une partie importante de l’équation. “ Je suis certaine que toutes les femmes qui font de la politique sont ouvertes à avoir des discussions et à donner un coup de main à des femmes qui voudraient se présenter en politique, peu importe les partis, peu importe les paliers ”, fait-elle savoir en précisant de ne pas hésiter à les interpeller.
Micheline Anctil trouve aussi important d’encourager les femmes à se présenter en politique. Toutefois, “ il faut leur dire la vérité sur les tâches et le milieu qui les attendent ”, dit-elle. “ Il y a là un beau défi, valorisant, mais qui a aussi de grandes exigences et qui peut être parfois décevant. Ce n’est pas un monde d’illusion, il faut bien l’expliquer afin d’éviter les déceptions. ”
La ministre de la Côte-Nord, fière que l’Assemblée nationale et le conseil des ministres soient dans la zone paritaire, affirme que “ plusieurs actions ont été mises en place pour favoriser ça ” au cours des dernières années.
“ Je pense entre autres au projet de loi qui a récemment été adopté pour notamment favoriser la conciliation entre la vie familiale et l’implication politique, en permettant la participation et le vote à distance lors des conseils municipaux ”, fait-elle savoir.
Du côté de l’Assemblée nationale, il y a maintenant une halte-garderie pour les enfants des élus et du personnel politique. “ C’est un ensemble d’actions, adaptées aux nouvelles réalités et aux besoins exprimés, qui permettent de créer un environnement propice à la parité ”, estime la ministre.
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