Journée nationale de la vérité et de la réconciliation : « Je parle aujourd’hui pour guérir »
Marcel Dominique Uapan, aujourd'hui âgé de 71 ans, devant la bâtisse de la première école construite dans la communauté de Pessamit financé par le gouvernement fédéral et dirigé par les églises. Appelé à l'époque L'École indienne Du Jour, il y est allé de 1960 à 1968. Photo Anne-Sophie Paquet-T.
Ouverts pendant plus de 160 ans, les pensionnats autochtones canadiens ont été fréquentés par plus de 150 000 enfants qui ont subi des atrocités à l’intérieur de ces murs. Les jeunes qui allaient à l’externat, soit à l’intérieur des communautés n’étaient pas non plus épargnés. Pour la première fois, un membre de la communauté de Pessamit sort du silence et confie au Manic cette enfance qu’on lui a volée.
« Les punitions faisaient partie de notre quotidien », se rappelle Marcel Dominique. « Il n’y a pas une journée où je n’ai pas reçu, moi ou un camarade, des sévices », ajoute-t-il. M. Dominique a fréquenté l’externat de 1960 à 1968. Dès son entrée à six ans, il a été initié à des violences psychologiques, physiques et sexuelles.
« Ce qui était le plus fréquent, c’était les coups de baguette sur les doigts, et ce, à tout bout de champ », confie M. Dominique. Parfois, la baguette se changeait pour une sangle de cuir.
« Le mot d’ordre était obéissance, il était inscrit, tous les jours, sur le tableau », dit-il. Même les enfants les plus dociles recevaient des châtiments. Renifler, se moucher, tousser, se gratter, détourner la tête, rire, parler la langue innue, oublier quelque chose, bâiller, demander la permission pour aller aux toilettes sont quelques exemples rapportés par Marcel Dominique qui justifiaient des agressions physiques.
De plus, l’humiliation était chose courante. « Tu n’as pas honte » était une phrase galvaudée par les sœurs du Bon Conseil, explique-t-il. Se mettre à genoux sur ses mains durant des heures, rester dehors au froid, se faire brosser les mains jusqu’au sang ou recevoir une tape derrière la tête ou sur la bouche sont des souvenirs empreignés dans la tête de M. Dominique.
Aujourd’hui, il avoue ne pas être en mesure de regarder les mains des femmes sans revivre le moment où une sœur lui a enfoncé les ongles dans son cou jusqu’au sang lorsqu’il n’avait que 7 ans.
Agressions sexuelles
En plus de toutes ces violences, Marcel Dominique a subi des agressions sexuelles. Il savait pertinemment qu’il n’était pas le seul puisque tous ses camarades garçons et filles de l’école subissaient ce même sort. La majorité de ces gestes avaient lieu par les sœurs au quotidien. De plus, certains frères et curés faisaient de même lors des visites des enfants à l’église.
« Les agressions des sœurs se déroulaient dans les toilettes, dans la salle du chauffage où il faisait extrêmement sombre et chaud », confie-t-il. C’est là que se passaient les abus de toutes sortes. » « Plusieurs enfants revenaient s’asseoir à leurs places et pleuraient de douleur », se souvient M. Dominique.
« Le curé Lionel Labrèche qui est resté au moins 25 dans la communauté a été mon agresseur », raconte-t-il. « Il a fait des centaines de victimes. Les agressions sexuelles ont été au plus loin que vous pouvez l’imaginer », laisse-t-il tomber.
« On devait obéir et on ne pouvait en parler à personne pour ne pas subir encore pire », conclut le témoin.
Consommer pour oublier
Marcel Dominique fête aujourd’hui plus de 40 ans de sobriété. Après avoir fait le vide autour de lui, il a sombré dans la drogue et l’alcool durant des années.
Il a tenté de mettre fin à ses jours six fois lors de cette difficile période. « Nous sommes beaucoup de victimes qui se sont tournées vers l’alcool et la drogue », confirme-t-il.
Parler pour guérir
L’Innu partage aujourd’hui son histoire pour inspirer d’autres membres de la communauté à sortir du silence à leur tour. « On nous a appris que ces atrocités étaient normales », précise-t-il. « On ne pouvait pas réfléchir ni poser de questions », ajoute M. Dominique.
Ces agissements qui ont fait des milliers de victimes directes et générationnelles doivent cesser, clame ce dernier. « Parler c’est guérir », croit-il.
Marcel Dominique, qui admet avoir pardonné à toutes ces personnes aujourd’hui, a raconté une partie de son histoire au Centre d’amitié autochtone de la Manicouagan pour la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le 30 septembre. « Aujourd’hui, je dis la vérité », a-t-il lancé aux spectateurs présents lors de cette conférence.
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