Chronique de Réjean Porlier ǀ Cette pertinence du Bloc Québécois

Par Réjean Porlier 4:00 PM - 23 septembre 2024
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Le premier ministre François Legault a rencontré la Coalition Union 138 cet après-midi à Baie-Comeau. Photo Johannie Gaudreault

Le premier ministre François Legault. Photo Johannie Gaudreault

Vous allez finir par penser que je m’acharne sur François Legault, mais on dirait qu’il m’invite continuellement et malgré lui à la danse. Encore dernièrement, comme s’il n’en avait pas assez dans sa propre cour avec ce qu’on appellera bientôt la saga Northvolt, il invitait le Bloc Québécois à faire tomber le gouvernement de Justin Trudeau. 

Le prétexte… l’immigration ! Bien sûr, il y a une insatisfaction quant à la gouvernance du premier ministre canadien, dans ce dossier comme dans d’autres. M. Trudeau carbure davantage aux belles paroles qu’à l’action, nous entretenant sur les grands enjeux et finissant par décevoir tout le monde.

Mais quelqu’un pourrait-il nous expliquer la position de Pierre Poilievre en matière d’immigration ?

Poilievre ne passe pas au Québec et ce n’est pas étranger au style de politique qu’il affectionne : insultes, démagogie et langue de bois. Si les Québécois s’intéressent à la politique spectacle, ils ne semblent pas prêts à suivre ce mauvais clone de Donald Trump. 

Ce politicien aux allures du parfait boyscout, semble ne pas avoir d’idée sur grand-chose tellement il est difficile de lui arracher une opinion sur les grands enjeux. En fait, il a simplement compris qu’il valait mieux taire ce qui n’était pas populaire et se concentrer à démoniser l’adversaire.

Si ça fonctionne aux États-Unis, pourquoi ça ne fonctionnerait pas au Canada ? D’ailleurs, Pierre Poilievre est très populaire dans le reste du Canada, à n’en pas douter. Arme à feu et taxe carbone, sont des sujets très sensibles dans l’Ouest canadien qu’il sait habilement exploiter.

Poilievre est animé par une politique plus à droite qui plaît à François Legault. Il le voit déjà comme un complice privilégié à sa feuille de route néolibérale au service des mieux nantis. Et le temps presse pour François Legault, s’il souhaite marquer l’histoire à sa façon. C’est ce qui explique cette maladroite sortie pour exiger du Bloc qu’il fasse tomber le gouvernement libéral à Ottawa.

Pourtant, il y a un moment que le Bloc n’a pas été aussi pertinent, jouissant pour une fois de la balance du pouvoir. Encore une fois, notre PM aux grandes ambitions a fait passer ses aspirations devant celles de ses commettants, le peuple québécois. Comme on dit souvent ; il a manqué une belle occasion de se taire, d’autant plus que ça ne changera absolument rien de ce qui se passe à Ottawa.

Il faudra bien en prendre acte un jour ; si le Bloc Québécois est si populaire à Ottawa, même si toutes ces années plus tard, rien ne laisse entrevoir à court terme l’indépendance du Québec et malgré que jamais il ne pourra aspirer au pouvoir, c’est que les Québécois ne se reconnaissent pas dans les autres partis. Combien ont pensé que ce parti, dont la naissance est le résultat de l’échec du fédéralisme à se renouveler, allait mourir de sa belle mort et perdre de sa pertinence ? Sans doute Lucien Bouchard en tête de lice, alors qu’à l’époque, il suggérait n’être là que pour un mandat. 

Un parti exclusivement dédié aux intérêts du Québec à Ottawa, devrait il me semble, être un allier d’un parti qui se dit être nationaliste à Québec, non ? Et c’est ce que M. Legault prétend être, un nationaliste. Fustiger le Bloc de ne pas accélérer l’élection du parti conservateur, plus à droite, et dont les Québécois ne veulent vraisemblablement pas, c’est ne pas reconnaître notre différence et nos aspirations.

Nous sommes profondément différents du reste du Canada, de par notre histoire et notre culture. Sans doute cette histoire colonialiste a-t-elle grandement contribué à forger nos valeurs progressistes et notre ouverture sur le monde. Ce flirte de M. Legault avec l’arrogance conservatrice ne contribuera qu’à ajouter au cynisme ambiant et ce n’est pas la prochaine élection fédérale qui risque de sonner le glas du Bloc Québécois, au contraire.

Cette américanisation de la politique canadienne nous rappelle à quel point notre différence est précieuse.