Prolongement de la 138 : n’oubliez pas le saumon
La rivière Gros-Mécatina est une des dernières rivières à saumon intactes sur la Côte-Nord.
Les 400 km de distance entre Kegaska et Vieux-Fort n’ont toujours pas de lien routier avec le reste du Québec. L’énorme chantier est en cours pour prolonger la 138 et relier cette partie de la Basse-Côte-Nord, mais des inquiétudes sont soulevées quant au tracé prévu entre La Tabatière et Tête-à-la-Baleine et à ses impacts sur la population de saumon de la Rivière Gros Mécatina.
Les résidents de la Basse-Côte-Nord attendent depuis plusieurs décennies le désenclavement promis avec le prolongement de la route 138. Le vaste chantier est enfin en cours, mais des voix s’élèvent pour rappeler l’importance de protéger l’environnement, plus particulièrement le saumon atlantique, une espèce qui connaît des années difficiles. La rivière Gros-Mécatina, en plein cœur des travaux, est un des derniers refuges intacts pour le roi des rivières, selon ses défenseurs.
À la Fédération québécoise du saumon atlantique, les craintes sont vives. Les communications avec les ministères concernés sont « inexistantes » et les documents auxquels la fédération a eu accès lourdement caviardés.
« Ce n’est pas clair qu’il y a eu une réelle évaluation exhaustive de chacun des tracés, par rapport au saumon atlantique, qui est très important, mais aux milieux humides également », lance la directrice générale de la FQSA, Myriam Bergeron, déplorant le manque de transparence.
Elle rappelle que les données scientifiques évoluent et estime que des mises à jour sont essentielles dans ce genre de dossier qui s’étire sur plusieurs années. « Ça soulève des questions sur l’ensemble du tracé qui traverse plusieurs rivières à saumons. Ce sont des préoccupations importantes pour lesquelles on n’a pas eu d’informations détaillées. On n’a pas eu plus d’information par rapport aux mesures de mitigation en place pendant les travaux. Qu’est-ce qu’on fait pour qu’ils aient le moins d’impact possible sur les montaisons par exemple ? De notre expérience, on l’a vu, ce n’est pas facile ce genre de chantiers là. »
Elle évoque également le braconnage, qui pourrait découler de ce nouvel accès beaucoup plus facile au territoire.
« Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Du braconnage, il y en a au Québec. Quelles seront les mesures de contrôle ? Il faudra investir pour assurer plus de surveillance », indique celle qui estime que le casse-tête est loin d’être complet. « Si on ne fait pas une analyse exhaustive avant de faire un choix, on n’a pas toute l’information pour faire un vrai choix éclairé collectivement. Les documents auxquelles on a eu accès datent de 2012. Il y a une évolution dans notre niveau de connaissance, de sensibilité. On s’enligne pour deux années très difficiles pour le saumon. On est dans un creux, pas dans une fatalité, mais on doit avoir la responsabilité collective de s’adapter à ce qu’on sait ! »
Charles Cusson est directeur des programmes à la Fédération de saumon atlantique canadienne.
« Attention, on n’est pas contre la route 138, c’est la première chose qu’on veut que les gens comprennent. Les gens de la Basse-Côte-Nord méritent ça, mais eux aussi veulent que ce soit fait comme du monde », précise-t-il.
Les données sur lesquelles les ministères concernés se sont appuyés, particulièrement dans le cas des saumons de la Gros-Mécatina, sont « désuètes ».
« Dans le moment, on transige avec des données de 2010-2011-2012 et ça a changé depuis. Les dossiers qui affectent l’environnement aujourd’hui, ce n’est pu la même affaire qu’avant : les standards ont évolués. Notre job numéro 1, c’est de protéger le saumon. On ne nous a pas consultés », déplore M. Cusson.
Le MTQ rappelle toutefois que « comme tout projet routier, des étapes ont dû être respectées : obtention d’autorisations environnementales du MELCCFP, ainsi que de Pêches et Océans Canada ».
« Si on avait les informations claires par rapport aux choix qui ont été faites, ça ne mettrait pas à mal l’ensemble du projet, mais, par contre, on pourrait mettre en place des mesures de mitigation et de compensation plus adaptées à la situation d’aujourd’hui et comprendre de façon éclairée les choix qui ont été faits. C’est important que les gens se sentent écoutés, même en région éloignée », avance Myriam Bérubé.
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