Nouveau portrait de la santé mentale des jeunes pendant la pandémie
Ces résultats, estiment les auteurs de ces études, soulignent l’importance de prendre en compte les effets indirects des mesures sanitaires lors de la gestion des pandémies, et ce, afin de prévenir la propagation du virus tout en prenant soin du bien-être des jeunes. LA PRESSE CANADIENNE/Peter McCabe
Deux nouvelles études dirigées par une chercheuse du CHU Sainte-Justine brossent un portrait plus nuancé de l’impact qu’a eu l’épidémie de COVID-19 sur la santé mentale des jeunes.
Les deux études témoignent, dans leur ensemble, d’une baisse des taux d’hospitalisation des jeunes Canadiennes et Canadiens pour des enjeux liés à la santé mentale entre 2020 et 2023.
Le portrait n’est toutefois pas homogène. On constate ainsi une hausse des hospitalisations pour un trouble de la conduite alimentaire, et ce, tant pour les garçons que pour les filles.
«On voit que certains taux d’hospitalisation ont baissé et que d’autres ont augmenté», a résumé la docteure Nadia Roumeliotis, qui est clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine et qui a réalisé ces travaux avec sa collègue, la docteure Caroline Quach-Thanh.
Publiée par le journal médical JAMA Network Open, la première étude a analysé des données provenant de six millions de jeunes Canadiennes et Canadiens. Les auteurs ont découvert, en comparant une période pré-pandémique (1er avril 2016 au 31 mars 2020) et la période pandémique (1er avril 2020 au 31 mars 2023), une baisse de 7,2 % des taux d’hospitalisation pour un problème de santé mentale. On note également une diminution pour les troubles de l’humeur, les abus de substances et la schizophrénie.
En revanche, les auteurs ont mesuré une hausse des hospitalisations chez les filles pour des symptômes d’anxiété et des comportements autodestructeurs ou suicidaires.
«On a aussi vu une augmentation des troubles d’anxiété, des troubles de personnalité et des troubles de type suicide ou auto-mutilation, ce qu’on appellerait le ‘self-harm’ en anglais», a précisé la docteure Roumeliotis.
Mais ce sont surtout les hospitalisations pour des troubles de la conduite alimentaire (comme l’anorexie ou la boulimie) qui ont explosé, avec un bond de 64,6 % en moyenne entre les deux périodes – chez les garçons et les filles, mais principalement chez les adolescentes de 12 à 17 ans.
C’est pour tenter de mieux comprendre ce bond que les docteures Roumeliotis, Quach-Thanh et leurs collègues ont procédé à une deuxième étude, dont les résultats ont été dévoilés par la revue JAMA Pediatrics.
L’équipe a constaté une augmentation significative du taux d’hospitalisation des filles de 12 à 17 ans après mars 2020. La hausse a été de 42 % au Québec, de 50 % en Ontario et de 41 % dans les Prairies. L’analyse montre que les taux d’hospitalisation ont atteint un sommet un an après le début de la pandémie. Dans toutes les régions canadiennes étudiées, précise-t-on, les taux étaient alors plus que le double de ce qui était prévu par les tendances pré-pandémiques.
L’étude témoigne enfin d’une association entre l’Index de rigueur des mesures sanitaires pour la COVID-19 de la Banque du Canada et le taux d’hospitalisation pour trouble alimentaire. Ainsi, à chaque hausse de 10 % de cet index de rigueur, on voit une hausse de 5 % des taux d’hospitalisation au Québec et en Ontario, de 8 % dans les Prairies et de 11 % en Colombie-Britannique.
«C’est une très bonne question, et je pense que ça varie selon les différents troubles de santé mentale», répond la docteure Roumeliotis quand on lui demande comment expliquer tous ces chiffres.
Les chercheurs ne disposent pour le moment que d’hypothèses. La réduction des hospitalisations pour un problème de consommation pourrait, par exemple, découler du fait que les jeunes avaient moins accès à l’alcool, à des établissements qui en vendent et à d’autres jeunes avec qui socialiser pendant la pandémie. Certaines mesures sanitaires, comme la fermeture des écoles, pourraient aussi avoir protégé des jeunes de la dépression.
Quant à l’augmentation des troubles alimentaires, il est difficile de dire quel facteur a pesé le plus lourd dans la balance, a admis la docteure Roumeliotis. La fermeture des écoles, la diminution des relations avec les pairs, la suspension des activités sportives et ainsi de suite y sont probablement toutes pour quelque chose.
D’ailleurs, quand les auteurs ont discuté avec des jeunes hospitalisés pour un trouble alimentaire, plusieurs ont mentionné que la rareté des relations avec les pairs les avait poussés vers les réseaux sociaux, où ils ont possiblement été exposés à des messages et des images qui ont nui à leur santé mentale.
«Ils nous ont aussi beaucoup parlé de contrôle, a dit la docteure Roumeliotis. Ils n’avaient plus de contrôle sur ce qui se passait à l’extérieur de leur vie, mais ils pouvaient contrôler leur alimentation. C’est très impressionnant. Ils nous ont dit que c’était le seul contrôle qu’ils avaient en tant que jeunes.»
Ces résultats, estiment les auteurs de ces études, soulignent l’importance de prendre en compte les effets indirects des mesures sanitaires lors de la gestion des pandémies, et ce, afin de prévenir la propagation du virus tout en prenant soin du bien-être des jeunes.
D’autant plus, a rappelé la docteure Roumeliotis, que les études n’ont porté que sur les «hospitalisations», donc sur les cas les plus graves.
«Par exemple, on ne parle pas des consultations avec le médecin de famille ou avec le CLSC, a-t-elle souligné. Donc probablement que ce n’est que la pointe de l’iceberg, même si c’est au moins rassurant de savoir que les hospitalisations n’ont pas augmenté.»
Horizon
Horizon, des contenus marketing présentés par et pour nos annonceurs.