La protection du saumon de la Moisie compromise par une nouvelle mesure du ministère de l’Environnement

Par Emelie Bernier 11:29 AM - 27 mai 2024 Initiative de journalisme local
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La rivière Moisie. Source APRM

L’obligation, pour les pêcheurs récréatifs, de remettre obligatoirement à l’eau les saumons de plus de 63 cm pêchés cette saison dans les rivières Moisie, Natashquan et Saint-Jean décrétée récemment par le MELCCFP pourrait sérieusement compromettre la mission de protection de la ressource des organismes à but non lucratif qui s’y consacre comme l’Association de protection de la rivière Moisie (APRM).

C’est du moins l’avis du président de l’APRM, Michel Villeneuve, éminemment déçu de la manière de faire du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) dans ce dossier.

La décision du ministère ne tient pas compte des réalités de chacun des cours d’eau, estime-t-il. « Le ministère a émis ça sur les bases d’une étude où ils ont regardé de façon très sommaire les montaisons sur 2 rivières d’eau qui n’ont rien à voir avec la Moisie. C’est comme si on regardait une rivière à côté d’un ruisseau! »

Il rappelle que le taux de succès de pêche sur la Moisie est inférieur à 2%. «Annuellement, on tue moins de 10 saumons. Pour un fleuve comme la Moisie, moins de 10, ce n’est même pas une valeur significative. L’an passé, il s’en est pris une vingtaine, mais tué seulement 7. Tous les autres ont été remis à l’eau. Comme organisation,  on travaille très fort pour que les gens remettent à l’eau. Mais on travaille la carotte, pas le bâton! », précise-t-il. 

Le président de l’APRM déplore surtout le fait que les gestionnaires des rivières concernées n’ont pas été consultés.

«Ils nous ont avertis moins de 24h avant l’ouverture de notre pêche de la nouvelle restriction alors qu’ils étaient au courant depuis plus de 6 mois et qu’ils ne nous ont jamais consultés pour qu’on leur explique nos particularités. La mesure n’aura aucun impact sur la population de saumon de la Moisie », argue M. Villeneuve. Trop tard pour réviser les embauches et investissements prévus pour la saison. Mais les revenus, eux, fondent à vue d’oeil.

« C’est très grave ce qui se passe pour notre organisation. La moitié de nos pêcheurs cancellent depuis que c’est annoncé. Ce sont des pertes de revenus qui vont miner notre capacité à travailler à la protection de la ressource », commente M. Villeneuve.

L’APRM est impliquée dans la gestion, l’opération et l’amélioration de la passe migratoire Katchapahun. La baisse de revenus met l’activité de protection en péril, argue Michel Villeneuve. « Là, pour sauver moins de 10 saumons, ils vont se priver de notre service de protection ! »

10 000$ sont investis par l’APRM pour cette activité de protection, annuellement.

Il reproche à la Fédération québécoise du saumon atlantique (FQSA) de parler des deux côtés de la bouche. « Ce qui est choquant, c’est que ç’a été fait par deux organismes qui se sont appuyés sur les recommandations de la FQSA qui n’a aucune sensibilité pour nos réalités sur la Côte-Nord et qui applique des principes basés sur l’idéologie, plutôt que sur la science. Ils ont bien dit que la gestion des rivières doit être considérée par rivière, mais de l’autre côté de la bouche, ils appliquent leur analyse de deux rivières témoins à des rivières de la Côte-Nord qui n’ont rien à voir. »

La mise en place d’un quota saisonnier de 10 saumons aurait pu être envisagée. «On serait prêt à accepter n’importe quelle conclusion, dans la mesure où il y aurait une réelle étude de la situation! Là, ç’a été décidé à Québec et Montréal par du monde qui n’ont aucune idée de ce qu’ils sont en train de faire et ça va avoir des impacts majeurs sur une association de bénévole qui travaille à la protection du saumon! », conclut M. Villeneuve.

L’APRM gère notamment la Zone d’exploitation contrôlée (ZEC) de la rivière Moisie, située sur les 19 premiers kilomètres, et le secteur Winthrop-Campbell.

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