Présence de baleines au large de la Côte-Nord : attention aux conclusions hâtives
Une baleine bleue dans la baie Sainte-Marguerite, au large de Port-Cartier. Photo Jacques Gélineau
On en connaît, au fond, bien peu sur les baleines qui circulent dans le Saint-Laurent. Les deux dernières saisons ont été préoccupantes en matière d’achalandage dans le golfe, mais il ne faut pas pour autant en tirer des conclusions hâtives, préviennent les scientifiques.
À la Station de recherche des îles Mingan, les bateaux ont pris l’eau avec environ deux semaines de retard. Les aléas du pont Touzel ont empêché l’arrivée des stagiaires et l’approvisionnement en essence pour les bateaux.
L’équipe a pu commencer à sillonner les eaux durant la semaine du 11 juin. Elle devrait s’activer jusqu’en octobre, en principe. Mais l’an dernier, les observations ont été si pauvres, que la saison a pris fin en septembre.
Cet été, l’équipe utilisera un nouvel outil pour sonder la température des fonds marins. Elle enverra un sous-marin téléguidé jusqu’à 300 mètres de profondeur.
« La région de Mingan Anticosti, les eaux sont plus froides qu’ailleurs dans le golfe, donc si on voit qu’il y a une tendance au réchauffement, ce sera un indicateur marquant », a dit Jacques Gélineau, collaborateur de la Station de recherche des îles Mingan.
Plus à l’ouest, au large de Sept-Îles, les observations de baleine n’ont vraiment pas été impressionnantes au cours des deux dernières années.
« C’était désastreux. C’était franchement pitoyable en matière de fréquentation de mammifères marins l’an passé », a résumé M. Gélineau, qui a observé une seule baleine à bosse au large de Sept-Îles en 2022.
Il invite quand même à faire attention à ne pas tirer de conclusions trop rapidement. À travers les années, une foule de facteurs viennent influencer la présence de ces géants des mers.
De moins bonnes années, il y en a eu au cours des 30 dernières, tout comme des records.
« Ce sont des animaux qui vont essayer de survivre. Ils ne sont pas attachés à une région », a-t-il résumé.
À titre d’exemple, le couvert de glace excédentaire observé à Blanc-Sablon, en 2014, avait eu pour effet de déplacer les bosses jusqu’à Sept-Îles « à profusion », sur plusieurs années. Elles étaient à la recherche de nourriture plus accessible.
Pour 2023, Jacques Gélineau affirme que ça s’annonce déjà mieux au large de Sept-Îles. Dans les dernières semaines, il a comptabilisé quatre rorquals à bosse, trois communs et quelques petits rorquals.
« Ça augure bien. »
Pas dans un zoo
Du côté du Centre d’interprétation des mammifères marins (CIMM), on invite aussi à la prudence quant aux conclusions hâtives.
« La nature c’est dynamique, ça bouge. La science ne peut pas expliquer exactement pourquoi elles arrivent, pourquoi elles repartent », a souligné Patrice Corbeil, directeur du CIMM. « On n’est pas dans un zoo, c’est la nature. Oui on l’observe, mais c’est elle qui décide ce qui se passe, selon où la la nourriture se trouve. »
Les baleines seront-elles nombreuses, se promèneront-elles entre Gaspé et l’estuaire. C’est difficile à prévoir.
Chaque année, les scientifiques en apprennent.
« Il faut continuer les programmes de recherches pour comparer d’une année à l’autre et peut-être voir des profils qui vont se dessiner avec le temps et nous orienter sur des indices de comment seront les prochaines années », a dit M. Corbeil. « Y’a-t-il un cycle d’utilisation du territoire ? On ne le sait pas. »
Ça pourrait prendre une cinquantaine d’années avant de pouvoir déterminer une tendance.
« C’est le défaut de la recherche : ça prend plusieurs années pour faire des constats et comprendre. Avec tout ce qui bouge dans le Saint-Laurent, les courants, les changements climatiques, c’est encore plus complexe », a-t-il mentionné.
« On en connaît très très peu sur les mammifères marins », admet le directeur du CIMM.
Le Centre continuera de faire de l’identification d’animaux durant la saison, également des biopsies pour trouver des liens parentaux. C’est important de demeurer vigilant, selon M. Corbeil.
« Si les animaux ne viennent pas, ils ont une bonne raison. Il s’agit de comprendre c’est quoi la raison, si on peut avoir un impact sur ça, ou non », a-t-il affirmé.
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