Quand la bière de microbrasserie reste sous la loupe de la police des liqueurs

Par Anne-Sophie Paquet-T. 11:00 AM - 26 avril 2023
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La loi de prohibition remonte à 1921 au Québec. (Photo : American Motors Travel)

Pendant que la Société des alcools du Québec (SAQ) est autorisée à livrer à domicile partout au Québec et que d’autres provinces comme l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta le permettent, ici, nos microbrasseries québécoises ne sont toujours pas autorisées à livrer leurs produits sur le pas de la porte de leurs clients. 

« Les habitudes des consommateurs ont changé et le gouvernement du Québec encourage les commerçants à faire le saut vers l’achat en ligne pour soutenir l’achat local. Toutefois, les microbrasseries ne peuvent pas livrer à domicile les produits achetés en ligne par leurs clients, les privant ainsi de revenus importants. Notre secteur regorge de produits différents, mais de nombreux consommateurs ne peuvent pas y avoir accès en raison de cette règle injuste», dénonce Marie-Ève Myrand, directrice générale de l’Association des microbrasseries du Québec (AMBQ).

Même si les produits de microbrasseries sont de plus en plus populaires, la livraison reste interdite pour ces entreprises qui sont souvent locales. Cette réalité freine la possibilité d’en faire une source de revenus importante pour la majorité d’entre elles.

Assouplissement de la loi

Depuis décembre 2020, le gouvernement provincial permet aux microbrasseurs qui vendent aussi de la nourriture de livrer de l’alcool, à condition qu’il soit accompagné d’un repas. Les microbrasseries demandent le droit de livrer leurs bières directement au domicile de leurs clients sans cette obligation.

Évidemment, lorsqu’une entreprise de l’univers brassicole provient d’un secteur gigantesque comme la Côte-Nord, la livraison incluant le repas devient un casse-tête et, la plupart du temps, une perte monétaire.

Selon Mme Myrand, l’AMBQ reconnaît que la commercialisation d’alcool comporte des enjeux logistiques particuliers. Elle prétend que des partenaires d’affaires peuvent supporter ces petites entreprises tout en respectant les responsabilités égales de ceux-ci.

Dans la région

Émilie Dufour, copropriétaire le la microbrasserie la Chasse Gardée de Sacré-Cœur déplore aussi cette réalité. Elle ne comprend pas l’incohérence d’être en mesure de faire livrer des produits de la SAQ à domicile, mais d’en être incapable par un tiers avec les produits de microbrasserie.

Madame Dufour explique également que le fait d’être en région comme la Côte-Nord freine davantage le consommateur qui aimerait découvrir et avoir accès aux produits directement chez lui.

« On peut vendre en ligne, mais le client doit venir lui-même chercher son achat directement à notre entreprise », précise-t-elle. Cette situation peut empêcher l’expansion d’une entreprise locale.

Quant à Pierre-Antoine Morin, copropriétaire de la microbrasserie St-Pancrace située à Baie-Comeau, il est du même avis.

« Mon point est le même que celui de l’AMBQ. Les coutumes des consommateurs changent, mais pas la loi. Cette loi date de la prohibition. C’est possible d’acheter en ligne sur la SAQ ou sur le site de la SQDC, de recevoir la livraison par un transporteur, mais ce ne l’est pas pour la bière. Si c’est possible pour eux, pourquoi pas pour nous qui offrons un produit comparable ! Surtout que les microbrasseries ont une approche locale de proximité.» 

Les brasseurs régionaux ont confié au journal Le Manic qu’ils doivent régulièrement expliquer cette loi archaïque aux consommateurs qui restent surpris de l’apprendre. 

Cette injustice gouvernementale se fait ressentir à l’échelle provinciale. Marie-Ève Myrand rappelle aussi que l’interdiction ne touche toutefois pas les sociétés d’État. La Société des alcools du Québec (SAQ) offre le service de livraison à domicile.

La Régie des alcools, des courses et jeux a refusé notre demande d’entrevue.

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