DOSSIER | Une ferme de trois générations à Longue-Rive

Par Johannie Gaudreault 12:11 PM - 5 avril 2023
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Yves Laurencelle de Longue-Rive est la troisième génération à la tête de la ferme familiale. Photo courtoisie

Passionné d’agriculture comme pas un, Yves Laurencelle de Longue-Rive a repris les rênes de la ferme familiale il y a 30 ans. D’abord fondée par son grand-père Roméo Tremblay, puis administrée par son oncle Roger Tremblay, il allait de soi qu’il la dirigerait à son tour. 

Yves Laurencelle n’était pas né quand la ferme a débuté ses activités au début des années 1900. « À l’époque, c’était une ferme de subsistance, raconte-t-il, pour procurer l’alimentation à la famille, en premier lieu. Mais il y avait aussi du troc avec d’autres familles. »

Roméo Tremblay était entrepreneur forestier en plus de son travail agricole. « La ferme a toujours fait partie de la famille. C’était essentiel », témoigne M. Laurencelle, racontant que dans les années 1950-60, son grand-père a laissé la place à son oncle. 

Ce dernier a diversifié les activités de la ferme en démarrant une laiterie à Portneuf-sur-Mer, dont les plus âgés se souviennent encore. « On a eu longtemps la laiterie à Portneuf-sur-Mer. Il vendait le lait et la crème jusqu’en 1974, lorsque la loi sur les laiteries et la pasteurisation a été mise en place », se remémore l’agriculteur de 51 ans. 

Notons que le règlement sur la pasteurisation des produits laitiers a rendu la pasteurisation obligatoire au Québec. « Le lait et la crème destinés à la consommation humaine en l’état ou à la confection de produits laitiers doivent être pasteurisés dans une fabrique », indique-t-il. 

Producteur bovin 

C’est à ce moment que la ferme familiale a pris une tout autre allure. « Mon oncle s’est transféré dans le bœuf », explique le Longue-Rivois qui a, quant à lui, commencé son aventure agricole en 1993 alors que M. Tremblay lui a passé le flambeau. 

« J’ai fait des études en foresterie, mais mon attirance a toujours été pour l’agriculture. J’ai été étudier en foresterie parce qu’on ne se le cachera pas, sur la Côte-Nord, les fermes ont toujours été de petite dimension. On ne voyait pas l’intérêt d’aller étudier en agriculture pour devenir de gros cultivateurs », dévoile Yves Laurencelle. 

Force est de constater que l’agriculture n’a jamais quitté ses motivations et ses ambitions. « J’ai été essayer ailleurs, mais mon attachement pour la Côte-Nord était trop grand. J’ai cherché à revenir et l’opportunité de reprendre la ferme est arrivée », se souvient-il. 

Le défi était énorme. La ferme était petite, alors il était presque impossible de penser en vivre sans occuper un autre emploi. « Ce n’était pas facile. J’ai vécu quand même plusieurs années que de ça avant d’aller me chercher un peu plus de revenus en travaillant à l’extérieur », commente M. Laurencelle qui œuvre au sein de l’équipe municipale de son village depuis plusieurs années. 

Vivre de l’agriculture n’est pas chose simple, partout au Québec, selon le producteur bovin, qui agit d’ailleurs comme président de la Fédération régionale de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Capitale-Nationale-Côte-Nord. 

« Les marges de profit sont de plus en plus minces. Tout coûte plus cher. Les agriculteurs qui sont rendus à 50-55 ans, ils vont baisser un peu le troupeau et ils vont prendre un travail à temps partiel à l’extérieur pour aller chercher un revenu d’appoint », commente-t-il. 

Malgré tout, les défis ne lui font pas peur et encore moins regretter sa décision entrepreneuriale. Son bâtiment agricole a même été la proie des flammes en 2012. Alors qu’il pensait que tout était fini, il a finalement décidé de reconstruire sa ferme huit ans plus tard.

Projets d’avenir

Depuis qu’il a repris les rênes de l’entreprise familiale, Yves Laurencelle ne cesse d’innover. Il continue ses activités agricoles dans l’élevage de bovins en additionnant des têtes à son troupeau et il a ajouté une corde à son arc, une bleuetière. 

« J’ai plus d’animaux que dans le temps. Mon nombre de têtes a plus que doublé. En ce moment, j’ai une trentaine de têtes qui sont destinées au parc d’engraissement pour faire le bœuf de finition que vous achetez au magasin. »

Des projets de développement sont aussi dans sa mire. Il aimerait construire une deuxième étable pour élever plus d’animaux. « Je mijote ça. J’aimerais doubler encore mon nombre de têtes pour arriver vers les 200 têtes », prévoit M. Laurencelle qui a toutefois des normes à respecter. 

Quand il pense à l’avenir, il n’est pas prêt à faire place à la relève avant encore plusieurs années. N’ayant pas d’enfant, l’agriculteur n’est toutefois pas inquiet pour la 4e génération de la ferme.

« Les enfants de mes cousins grandissent, ils auront peut-être de l’intérêt pour ça. Une chose est sûre, j’ai l’intention que ça reste dans le patrimoine familial », assure-t-il. 

L’homme aux multiples projets ne rêve pas d’une retraite prochaine. « Pas avant 75 ans », rigole-t-il. 

Potentiel de relève 

Yves Laurencelle est loin d’être pessimiste quand il regarde le potentiel agricole de la Côte-Nord. Tout est à la portée de la main pour la relève, selon lui. ” On a des terres qui sont vierges, on a du territoire “, dit-il en précisant que les terrains agricoles sont beaucoup moins chers que dans le Centre-du-Québec, en Montérégie ou en Beauce. 

Toutefois, des enjeux demeurent. ” On est en région éloignée, mais le gouvernement ne donne pas de programme pour aider au transport des intrants (engrais chimiques, chaux, etc.) “, illustre le président de la Fédération de l’UPA régionale qui se dit déçu du dernier budget provincial puisque son domaine d’activité n’a pas reçu un sou de plus que l’an dernier. 

Sur la Côte-Nord, on peut encore se permettre de rêver de développer l’agriculture, de son avis. ” C’est encore abordable. Les fonds de terre ne sont pas encore trop chers. On réussit à avoir de la vieille machinerie, on a du monde pour nous aider. Il y a encore une certaine solidarité que tu ne retrouves pas à la grandeur de la province. “

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