L’innu-aimun sous la loupe

Par Alexandre Caputo 6:00 AM - 30 mars 2023 Initiative de journalisme local
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De plus en plus d’ouvrages sur l’insu-aimun sont disponibles.

Ce dialecte, bien que menacé de disparaître, se glisse parmi les langues autochtones les plus parlées au Canada; en 2011, près de 11 000 personnes au pays ont déclaré avoir l’innu-aimun comme langue maternelle.

Dans le cadre de la Journée nationale des langues autochtones, des professionnels de l’Institut Tshakapesh, de Uashat, nous ont offert une leçon concentrée d’innu-aimun, nous présentant les nuances et les particularités de ce dialecte qui se bat pour sa survie. 

Il est d’abord important de préciser que l’innu-aimun est parlé différemment d’une communauté à l’autre. 

« Comme entre le français du Saguenay et celui de Montréal, par exemple, il y a des différences dans les expressions, la prononciation, même dans la nomenclature », explique Jérémie Ambroise, conseiller en linguistique de la langue innue à l’Institut Tshakapesh. 

M. Ambroise utilise comme exemple l’appellation de « crème glacée », qui se prononce kamashkutik à Uashat mak Mani-utenam, katakasht à Pessamit et mishkumi à Ekuanitshit. 

Une langue descriptive

L’innu-aimun est une langue qualifiée de polysynthétique, contrairement au français, qui est une langue dite synthétique. Un dialecte polysynthétique offre la possibilité de construire des mots qui peuvent, à eux seuls, contenir le sens d’une phrase complète dans une autre langue. Les mots sont donc généralement plus longs, mais davantage descriptifs que nominatifs. 

Par exemple, le mot « école» se prononce katshishkutamatsheutshuap, en innu-aimun. Ce terme peut sembler long, mais traduit intégralement, il signifie « endroit où l’on enseigne ». 

Selon Kathleen André, coordonnatrice innu-aimun à l’Institut Tshakapesh, le caractère polysynthétique de la langue fait partie des raisons pour lesquelles les jeunes se découragent à la parler. 

« Il est normal d’être plus porté vers la facilité », note-t-elle. « Entre le mot école et le mot katshishkutamatsheutshuap, par exemple, le choix est facile pour les jeunes », image-t-elle. 

Inventer des mots

Puisqu’il s’agit d’un dialecte presqu’aussi vieux que le monde et que son évolution a été freinée de façon assez drastique, plusieurs termes français peinent encore à être traduits en innu-aimun. C’est notamment le cas du lexique lié à la technologie. 

L’Institut Tshakapesh se donne donc comme mission, chaque semaine, de s’asseoir et tenter de développer certaines facettes de cette langue, qui doit être adaptée à notre époque. 

« Comme on parle une langue qui est très descriptive, nous tentons de prendre des termes qui existent déjà et de les agencer pour en créer des nouveaux de façon logique », explique M. Ambroise. 

David contre Goliath

Mme André et M. Ambroise l’admettent; les communautés innues à proximité des grands centres ne mènent pas le même combat pour la survie de leur langue que celles qui sont plus éloignées, ou isolées. 

« Les Innus de Uashat sont beaucoup plus exposés au français et à l’anglais que ceux d’Unamen Shipu, par exemple », pointe M. Ambroise. 

« Il devient donc primordial pour la survie de la langue que l’innu-aimun soit parlé à la maison. »  

Selon les experts consultés, le temps alloué à la langue innue dans les écoles des communautés est loin d’être suffisant pour la maîtriser. 

« Les élèves ont seulement une heure ou deux d’innu-aimun dans leur semaine », déplore madame André.

« Les écoles doivent suivre les programmes d’éducation du gouvernement, la passation de la langue doit donc passer par la maison et les activités parascolaires, comme des excursions en territoire », ajoute  M. Ambroise. 

Une application mobile de traduction innu-français-anglais et d’aide à la conversation est disponible en ligne. Un outil de conjugaison est également en production. 

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