La place de la langue innue dans le système

Par Alexandre Caputo 12:30 PM - 30 mars 2023 Initiative de journalisme local
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Des téléphones sont réservés aux interprètes au CISSS de la Côte-Nord. 

Malgré la mince place laissée à l’innu-aimun dans l’éducation, d’autres ministères, comme le ministère de la Santé et des services sociaux et le ministère de la Justice, encouragent de plus en plus l’utilisation de cette langue pour ses usagers innus. 

Sharon Tardif, interprète pour les communautés depuis une douzaine d’années, est à même de la constater. 

« Le gouvernement en fait beaucoup pour s’assurer que les informations transmises soient clairement comprises par les usagers », mentionne-t-elle.

« Tant en santé qu’en justice, c’est le devoir du système de s’assurer que la personne puisse avoir un service dans la langue avec laquelle elle est la plus à l’aise, c’est primordial au sain déroulement des procédures ». 

Mme Tardif a œuvré comme traductrice pour les palais de justice de la Côte-Nord et est maintenant à l’emploi du CISSS de la région. Elle mentionne que des deux côtés, on remarque de plus en plus de documents traduits en innu-aimun. 

« Bien sûr, ils [le gouvernement] ne peuvent pas traduire tous les documents d’un coup, mais dès qu’une demande [de traduction] est faite pour un document, nous l’avons presqu’immédiatement », note-t-elle. 

Un recueil de traduction et d’interprétation pour le vocabulaire juridique a d’ailleurs été développé par l’Institut Tshakapesh, à la demande du ministère de la Justice. 

« C’est sécurisant pour tout le monde quand on sait qu’on se comprend », confirme-t-elle. « Surtout dans des domaines comme la santé ou la justice, on ne peut pas laisser place à des malentendus ». 

Besoin de renforts

Même s’il lui reste encore quelques années à travailler, Mme Tardif avoue qu’elle attend impatiemment la nouvelle garde d’interprètes.

Heureusement pour elle, la première cohorte du programme Traducteur/interprète en langue innue du Cégep de Sept-Îles graduera en novembre prochain. 

Dans un format d’attestation d’études collégiales (AEC), les étudiants de ce programme apprennent, pendant 14 mois, les nuances et les particularités liées à l’innu-aimun. Ils prennent également connaissance des lexiques propres à chaque domaine de la société, tant en santé et en justice, qu’en arts et en culture. 

L’éducation par la radio

Les radios communautaires jouent un rôle crucial dans la survie de l’innu-aimun. Charlotte McKenzie, chargée de la programmation et animatrice pour la Radio CKAU, comprend que la survie de la langue passera nécessairement par la nouvelles génération. Elle se réjouit de voir de jeunes artistes comme Scott-Pien Picard et Kanen, qui utilisent couramment l’innu-aimun dans leurs chansons, connaître autant de succès. 

« Les jeunes s’identifient beaucoup à ces artistes-là », remarque-t-elle. « En voulant apprendre leurs chansons, ils apprennent du même coup à comprendre et à parler leur langue, c’est encourageant à voir ».

Outre avec le contenu musical, Mme McKenzie souhaiterait développer l’apprentissage des jeunes à l’aide de nouvelles émissions radiophoniques.

« Nous voulons monter des émissions matinales pour enfants », mentionne-t-elle. « La radio joue souvent quand les enfants se préparent le matin, alors on aimerait avoir des segments éducationnels sur les jours de la semaine et les chiffres, par exemple ».  

Michel Vollant, journaliste innu originaire de Schefferville, admet que, même après toutes ces années à utiliser l’innu-aimun quotidiennement, il lui arrive encore souvent d’apprendre de nouveaux mots.

« Les aînés, surtout, utilisent souvent des termes qui étaient employés à l’époque de la vie en forêt », explique-t-il. « Ces termes se retrouvent souvent dans des paroles de chansons aussi, les enfants ne sont donc pas les seuls à apprendre avec la musique ! ». 

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