Devcore met 12 locataires à la porte et propose des logements à 1 800$ à Sept-Îles 

Par Marie-Eve Poulin 4:54 PM - 17 février 2023
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Les anciens Jardins de Chambord situés sur la rue du Falkan.

Le promoteur immobilier ayant acquis 555 logements à Sept-Îles l’an dernier, qui disait vouloir des « locataires de qualité », en a finalement mis à la porte une douzaine et affiche aujourd’hui des 5 ½ non chauffés, non éclairés à 1 800$.  

Connus autrefois sous le nom des Jardins de Chambord et des Immobilières Joie de Vivre, les appartements du nouveau Complexe La Baie et JDV se détaillent désormais entre 1 500$ et 1 800$, selon une petite annonce parue dans les derniers jours. Ils sont non chauffés, non éclairés, mais ils incluent un stationnement et un espace laveuse/sécheuse. Selon le promoteur Devcore, ils ont été « rénovés à 100% » avec des « produits haut de gamme ».  

En entrevue avec le Journal en juin, son directeur Jean-Pierre Poulin avait mentionné vouloir « des gens de qualité » comme locataires, ce qui lui avait valu bon nombre de critiques, le poussant même à faire des excuses publiques en présence du maire Steeve Beaupré et du chanteur Boom Desjardins, ce dernier étant impliqué dans l’entreprise.  

M. Poulin ne voulait pas de « mauvais payeurs » dans ses appartements. Ceux qui ne cadreraient pas allaient « devoir quitter », disait-il.  

Chose dite, chose faite. Depuis, 16 décisions ont été rendues par le Tribunal administratif du logement. Là-dessus, une douzaine de jugements ordonnent l’expulsion des locataires et de tous les occupants, en raison de retards de paiements. Un locataire a quitté lui-même son logement, ce qui a entraîné la résiliation du bail. Trois autres locataires ont payé leurs arrérages avant l’audience, donc la résiliation de bail demandée n’a pas été acceptée par le Tribunal. 

Justifiable ?  

Les publicités de logements à louer par Devcore sur les réseaux sociaux ont soulevé la grogne chez plusieurs. Des loyers inabordables pour la classe moyenne, en temps de pénurie de logements, ne font pas le bonheur de ceux à la recherche d’un toit. 

Questionnée à ce propos, Mélanie Girard, actionnaire des projets immobiliers Devcore à Sept-Îles, soutient qu’ils ne sont pas les seuls propriétaires de logements de la région à agir de la sorte.  

« Doit-on les rénover, ou on fait vivre le monde dans des taudis ? On serait-tu assez conscients en tant que locateurs de louer un appartement presque inhabitable à quelqu’un ? Oui, il faut les rénover, la question ne se pose même pas ! », a-t-elle dit.  

« Ce sont des loyers qui n’ont pas eu d’amour depuis 15-20 ans… En tant que locateur, est-ce que je vais louer un loyer qui est insalubre et on va passer pour de mauvais locateurs, parce que le logement est dans un état lamentable ? », questionne Mme Girard.  

Elle dit rénover et mettre au goût du jour pour offrir des logements qui sont « wow ». L’actionnaire explique investir environ 50 000$ à 60 000 $ dans la rénovation de chaque unité.  

« C’est sûr qu’il y a un coût rattaché à ça », dit Mme Girard, pour justifier le prix de ses logements.  

L’inflation donnerait aussi du fil à retordre aux propriétaires de logements.  

« Les travaux que je faisais faire pour 30 000 $ il y a deux ans, aujourd’hui je paie de 50 000 à 59 000 $.» 

Aberrant  

La situation locative déjà difficile dans la région, rendait ardu l’accès aux logements pour les gens à faible revenu. Cette augmentation des coûts ne facilitera pas le travail de Transit Sept-Îles, qui aide les gens à se reloger, à la suite à leurs efforts pour reprendre leur vie en main.  

La directrice de l’organisme, Valérie Santerre, trouve le prix des logements « totalement aberrant ». Elle s’inquiète aussi du sort des gens évincés.  

Elle craint par exemple que des gens retournent dans leur relation conjugale toxique, puisqu’ils sont sans domicile. D’autres pourraient devoir faire du « couch surfing », soit se promener de divan en divan chez des connaissances au fil des soirs.