L’école publique 3.0

Par Sylvie Roussy 8:00 AM - 4 février 2023
Temps de lecture :

Photo Pixabay

Un autre retraité de l’éducation publie des articles sur le sujet de l’école dernièrement. Vous avez peut-être vu passer ses articles intitulés L’école publique a besoin d’une révolution¹ et Si l’école devenait un véritable milieu de vie². Son propos m’interpelle particulièrement, puisque prochainement, nous serons tous invités à parler de notre école publique. Quelle école, quelles écoles, veut le Québec d’aujourd’hui? Quelle formation souhaite-t-on donner à nos enfants, à nos futurs soignants, enseignants, musiciens, coiffeurs, ingénieurs, menuisiers, politiciens?

Les nombreux échanges que j’ai eus sur le sujet sont pour le moins variés. Certains interlocuteurs sont déçus de la société actuelle et de sa jeunesse perdue – Socrate aussi l’était d’ailleurs en -400³! D’autres croient que la génération actuelle sera le catalyseur des changements sociaux. Tantôt on dit l’école trop rigide, tantôt, on la dit trop laxe. On commente l’évaluation: on évalue trop, on évalue mal ou on n’évalue pas assez ou pas les bons thèmes, notions, connaissances, compétences.

Tous s’entendent sur un point: l’école a besoin d’une révolution. Et même si notre nouveau ministre ne l’entend pas, un groupe de citoyens tâte le pouls de la population sur ce qu’ils veulent comme école, ici https://www.parlonseducation.ca/

La bonne nouvelle, c’est que plusieurs écoles, employés scolaires de tous ordres – éducatrices spécialisées, enseignantes, direction, entre autres- ont déjà entrepris cette révolution à l’interne. Et cette révolution a toujours eu pour départ un problème qui ne trouvait pas sa solution dans les procédures et règles existantes. Pour les nombreuses organisations qui ont pris la démarche de réflexion du plan de réussite de leur école au sérieux, la révolution est arrivée quand on a pris le temps de l’appliquer au quotidien et de remettre en question ce qui ne fonctionnait plus.

J’ai eu la chance de vivre des expériences professionnelles hors du commun dans chacun de mes milieux. Les petites révolutions de ces milieux ont été la 2e première chance de plusieurs élèves. Laissez-moi vous parler de quelques-unes de ces révolutions internes.

La plus récente se passe au Nunavik où le décrochage scolaire est le plus important au pays. Le gouvernement du territoire, Makivik, s’est déplacé de village en village pour discuter avec les élèves du secondaire de réussite scolaire, de persévérance, d’orientation professionnelle.

Durant environ deux heures, ces gouvernants ont parlé de l’importance de chacun des élèves pour le futur de leur communauté et de leur culture. Ce qui m’a le plus touchée, c’était le ton de l’entretien. Il y avait une maturité et une authenticité dont les adultes font rarement preuve avec les adolescents.
Imaginez un instant le conseil municipal de votre ville se déplacer pour rencontrer les élèves du secondaire de votre école et leur parler de l’importance de leur participation dans leur milieu de vie. Pour moi, cela illustrait parfaitement l’inclusion d’une génération à un projet social cohérent et réaliste.

Une autre expérience touchante a été vécue dans une école du primaire. L’enseignante en orthopédagogie jonglait non seulement avec des problèmes d’apprentissage, mais aussi avec des défis de motivation. Pour illustrer concrètement à ses élèves la notion de progression dans l’apprentissage, elle avait élaboré un petit jardin extérieur où les élèves s’investissaient en jardinant avec elle. Ce petit carré de verdure progressait bien en juin, lorsque l’école s’est interrompue pour les vacances d’été.

Durant les huit semaines de congé, l’entretien du potager a été confié à des familles d’élèves de sa classe qui en ont pris soin comme s’il s’agissait du leur. Pour moi, cette collaboration famille-école illustre parfaitement la différence entre une école ordinaire et une école milieu de vie. Au retour en classe, tous les élèves ont pu déguster carottes, panais et autres légumes à feuilles de ce potager partis de presque rien et rendus à maturité grâce aux bons soins de tous.

Dans ces deux cas, les adultes ont visé plus loin que la cible. Tous s’entendent sur l’importance de savoir lire, de comprendre un problème mathématique, de s’inspirer d’une œuvre d’art pour saisir les sens de la vie. La révolution attendue n’en sera pas une liée aux compétences et aux savoirs. Tout est déjà en place dans les programmes actuels.

Ces adultes ont communiqué aux élèves l’importance des jeunes comme piliers de la société. Peu importe leurs choix de carrière et d’orientation professionnelle, leur parcours de vie sera garant de la bonne santé de la société.

À quoi ressemble une école 3.0? Certainement à un espace public où les notions apprises forment le caractère de l’élève, ses compétences de collaboration, son jugement critique, son attention, sa capacité d’auto-contrôle dans les moments les plus exigeants, sa créativité et de l’auto-critique constructive pour avancer sans écraser qui que ce soit et en étant satisfait de son développement personnel et professionnel.

Sylvie Roussy

¹https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2023-01-05/l-education-a-la-finlandaise/l-ecole-quebecoise-a-besoin-d-une-revolution.php#
²https://plus.lapresse.ca/screens/b577f7ca-3a7f-4481-bffd-e54eba0fb926__7C___0.html?utm_content=email&utm_source=lpp&utm_medium=referral&utm_campaign=internal%20share&fbclid=IwAR1gct9eSiDZQ0O_0vHGkQ5dhEI7o-CuNItt5qw_Mdt4wr8pjAkBXAkafvU

³ « Notre jeunesse aime le luxe, elle est mal élevée, elle se moque de l’autorité et n’a aucune espèce de respect pour les anciens. Nos enfants d’aujourd’hui sont des tyrans. Ils ne se lèvent pas quand un vieillard entre dans une pièce, ils répondent à leurs parents et ils sont tout simplement mauvais. » (Socrate – 470-399 avant J.C.)

Partager cet article