Depuis des décennies, les Japonais pratiquent le shinrin-yoku, ou bain de forêt, reconnu pour ses bienfaits sur la santé globale. Au Canada et au Québec, de plus en plus de professionnels de la santé intègrent une dose de nature dans leur protocole. Une pilule, une petite granule, une bol d’air frais? Pourquoi pas!
Isabelle Bradette est médecin urgentologue à l’hôpital de Jonquière. Diplômée en médecine depuis 2010, elle est retournée sur les bancs d’école en 2018-2019 pour compléter un DESS en Intervention par la nature et l’aventure. Les liens entre le plein air et la santé sont une évidence pour celle qui se décrit bien humblement comme une pionnière des prescri-nature au Québec.
« Ça faisait un moment que je cogitais là-dessus : comment regrouper des professionnels, leur mettre ça bien clair que les bénéfices de la nature sont présents pour les patients, que c’est appuyé par la littérature? »
Au fil de ses recherches, elle découvre le travail de la médecin Melissa Lem, professeur au département de médecine familiale de la faculté de médecine de l’Université de Colombie Britannique, à l’origine de l’initiative PaRx, le premier programme canadien de « prescri-nature ».
« J’étais vraiment contente! Je lui ai écrit un courriel pour lui signifier que c’était un champ d’intérêt pour moi et lui demander s’il y avait quelque chose de similaire au Québec », résume Dr Bradette.
On aurait presque dit que Mme Lem attendait cette main tendue par son homologue de l’autre bout du pays.
« Elle m’a appelé une heure plus tard! Elle cherchait à étendre l’initiative et elle n’avait personne au Québec… On a décidé de créer un comité pour monter le programme de prescription nature à la couleur québécoise», résume-t-elle.
Le programme britanno-colombien a été non seulement traduit, mais également adapté. « On l’a modulé en lien avec ce qu’on voulait mettre de l’avant ici », explique la médecin.
Le lancement officiel du programme québécois a eu lieu en mai 2022. Une panoplie d’ordres et d’associations professionnels liés aux soins de santé ont été invités à en prendre connaissance. Des outils faciles d’accès ont été mis à leur disposition, dont des bordereaux de prescription.
« Au Québec, on a rejoint 45 000 praticiens. Est-ce que tous les membres font des prescriptions-nature? Probable que non, mais on les a rejoints. Ils savent que ça existe. Et c’est un début! »
Elle-même les intègre à ses protocoles, tant en mode préventif qu’en mode soins. Et en fait la promotion auprès de ses pairs.
« Je propage la bonne nouvelle dans mon milieu! J’ai fait des présentations sur l’heure du midi, on peut donner des formations… On ouvre des portes tranquillement! Je suis contente, ça commence à se parler de plus en plus », se réjouit-elle.
La médecin a imprimé des feuillets de prescri-nature qu’elle met à la disposition de ses collègues afin qu’ils puissent les remplir et officialiser ainsi leurs recommandations à leurs patients. Elle souhaite que ce petit outil convivial incite les médecins à faire des prescri-nature une partie intégrante de leur pratique.
Pour les patients, le fait de recevoir une prescription en bonne et due forme, signée par un médecin, officialise en quelque sorte la recommandation.
« Je ne sais pas si les patients vont davantage aller dehors, mais ce que je constate depuis 12 ans que je travaille, c’est qu’un papier remis à un patient, peu importe le conseil, est comme un ancrage sur l’apprentissage du conseil qu’on vient de lui donner. »
Les exemples abondent dans son milieu de travail. « Si quelqu’un qui a une entorse se présente à l’urgence et qu’on lui donne plein de recommandations verbales sur quoi faire, des exercices par exemple, si on ne lui donne pas une feuille où ces recommandations sont inscrites, on va le revoir davantage que celui à qui je donne des instructions imprimées », rigole-t-elle.
La prescri-nature tangible sera par conséquent plus efficace, estime la médecin. « Si un professionnel de la santé a pris le temps de l’écrire sur un papier, ça doit être important! Comme médecin, je vous le prescris, je mets mon sceau. C’est plus qu’un conseil! Mettez ça sur votre frigo, sur votre babillard! »
Et… allez jouer dehors!
Shinrin quoi? Shinrin-yoku!
(EB) Au pays du soleil levant, le « bain de forêt » (Shinrin-yoku) a été préconisé pour la première fois par l’Agence forestière en 1982. Les Japonais ont également les premiers étudié les impacts sur la santé des travailleurs de cette activité qu’ils définissent comme une forme de loisirs impliquant la marche et l’inhalation des substances dégagées par les arbres, les phytoncides, dont les terpènes.
Les phytoncides sont un ensemble de composés organiques volatils (COV) antimicrobiens émis dans l’air par les arbres et les plantes herbacées afin de se défendre contre les pathogènes. Les résultats des études convergent vers la même conclusion et s’avèrent particulièrement probants dans le cas des travailleurs présentant des tendances à la dépression.
« Les effets de l’exposition à un environnement forestier comprennent la récupération du stress et l’atténuation des effets de l’attention réduite résultant de la fatigue. L’acte de ‘’ bain de forêt ‘’ a été considéré comme un remède naturel qui apporte des améliorations en termes de santé physique et mentale. Des études ont rapporté la relaxation et les effets sur les organismes résultant de composants terpéniques tels que le phytoncide, qui sont émis par les arbres», peut-on lire dans l’Étude comparative des effets physiologiques et psychologiques des bains de forêt (Shinrin-yoku) sur des personnes en âge de travailler avec et sans tendances dépressives (Furuyashiki et coll., 2019).
Cette même étude conclut que les émotions négatives fortement ressenties préalablement au bain de forêt par les participants aux tendances dépressives ont été considérablement réduites après une séance d’environ deux heures.
Une condition essentielle à la réussite du « bain de forêt » est de laisser le cellulaire derrière.
Quelle dose, doc?
(EB) Le Collège des médecins du Québec, qui soutient le programme Prescri-nature, suggère à ses membres de prescrire à leurs patients environ deux heures en nature par semaine, 20 minutes et plus à la fois, mais chaque médecin peut orienter sa prescription selon les besoins, la disponibilité et les aptitudes de son patient.
« Les recherches montrent que les personnes qui passent au moins 2 heures par semaine en nature rapportent un meilleur état de santé et de bien-être. En ce qui concerne les bienfaits de la nature sur la santé mentale et le stress, les données probantes suggèrent que la baisse de cortisol la plus significative se produit entre 20 et 30 minutes d’exposition à la nature. D’où notre suggestion d’une exposition de 20 minutes à la fois. »
Et pas besoin d’enfiler les souliers de course et de suer à grosses gouttes pour ressentir les bienfaits liés à la « prescri-nature ».
« Les bienfaits sur la santé sont observés dès que les patients ont l’impression d’avoir un contact significatif avec la nature, que ce soit assis sur un banc de parc, en marchant dans un espace vert de leur quartier ou en randonnée dans un parc national », écrit-on sur la page consacrée à ces prescriptions nouveau genre sur le site du collège des médecins.
Un argument de plus pour la Sépaq
En 2021, la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) commandait la réalisation d’une revue de littérature à une équipe de chercheurs de l’Institut de cardiologie de Montréal sous la gouverne du Dr Louis Bherer. Le sujet? Les bienfaits de la nature sur la santé globale.
Les résultats ainsi colligés sont sans équivoque.
La méta analyse de plus de 160 articles a démontré que l’interaction avec la nature a des bienfaits comme la réduction de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, la réduction de l’activité nerveuse sympathique et des niveaux de cortisol (moins de stress), l’augmentation de l’activité nerveuse parasympathique (meilleure relaxation) et la réduction de l’anxiété. Le Dr Bhérer a lui-même été « étonné par la solidité des constats ».
Les effets sur la santé mentale ne sont pas négligeables puisque les études suggèrent que le contact avec la nature diminue la dépression et les émotions négatives, rend de meilleure humeur, réduit la fatigue, donne de la vitalité et améliore l’attention.
Évoquée dans certaines études, la théorie de la restauration de l’attention estime que « l’exposition à la nature pourrait mener à une amélioration de la fonction cognitive ».
Un sondage mené auprès de visiteurs des parcs nationaux corrobore les résultats de la recherche puisque 87 % des visiteurs sondés ont ressenti des effets positifs de leur passage sur leur santé mentale et 84 % sur leur santé physique.
L’étude conclut également qu’un des bienfaits collatéraux de l’interaction avec la nature est la sensibilisation et l’adoption d’un comportement positif en matière d’environnement et de durabilité. Tous y gagnent!
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