Et la vision dans tout ça?

Par Réjean Porlier - porlierrejean@gmail.com 12:00 PM - 28 janvier 2023
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Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec

L’autre jour, à l’émission de Franco Nuovo*, j’entendais l’animateur demander à une de ses collaboratrices ce qu’elle pensait de la démission de Sophie Brochu au poste de PDG d’Hydro-Québec. Elle exprimait à quel point c’était dommage de voir une femme de tête aussi intelligente et animée par les bonnes valeurs quitter ce poste prestigieux et important. Ensuite elle ajoutait que ce qui était encore plus dommage, c’était que cette femme d’exception ne se soit pas entendue avec l’homme de vision qu’était Pierre Fitzgibbon, le super-ministre de François Legault.

Je ne peux qu’être d’accord avec la première partie de sa réponse. Pour l’avoir rencontré et avoir eu la chance d’échanger avec elle, nul doute que Mme Brochu est une femme d’exception qui était là pour les bonnes raisons et je pense qu’elle va tous nous manquer. Pour la deuxième partie de sa réponse, il faudra qu’on m’explique en quoi Pierre Fitzgibbon est un homme de vision.

Réussir en affaires ne signifie pas être visionnaire. Pour ma part, un visionnaire n’est pas un entrepreneur qui pense uniquement en fonction du succès de son entreprise, mais bien qui comprend l’importance de ne pas voir le monde s’écrouler autour de lui. Opportuniste, sans aucun doute, mais visionnaire, non, pas pour moi. Lui aussi je l’ai rencontré! Dans le dossier de l’aviation et je pourrais vous parler en long et en large de sa vision qui consistait à miser sur ce même modèle qui a fait déserter les Québécois des aéroports et absolument rien n’a changé depuis l’annonce du programme des billets à 500 $.

Vous devriez retenir cette petite phrase de Sophie Brochu, qu’elle n’a pas échappée par hasard lors d’une entrevue avec Paul Arcand** : « Le Québec ne peut pas devenir le magasin à une piasse de l’électricité ».

Elle avait ajouté ceci : « Tant que le cadre de gouvernance à l’intérieur du gouvernement d’Hydro-Québec est sain et qu’on est capables de faire valoir les grandes prérogatives du besoin du système énergétique, je vais être là. C’est sûr que si, pour une raison ou pour une autre, je voyais qu’on mettait ce système à risque, eh bien, j’aurais de sérieuses discussions avec mon actionnaire. »

Et voilà qu’elle a quitté, ce qui ne laisse aucun doute sur sa motivation. Sophie Brochu, nommée PDG de l’année par le Globe and Mail, n’est pas du genre à déchirer sa chemise publiquement. Elle a décidé de quitter simplement et sans doute très amère devant les choix idéologiques que le Premier Ministre et son super-ministre sont à concocter.

Dans son plan stratégique, Hydro-Québec estime que l’on doit favoriser les projets qui sont essentiels, particulièrement dans un contexte d’urgence climatique et de rareté de l’énergie. Faisons le pari que l’urgence climatique n’aura plus la cote auprès du, ou de la nouvelle PDG que M. Fitzgibbon tiendra bien serrée dans sa grande main de super-ministre.

Parions aussi que le prix de l’énergie va exploser au cours des prochaines années, car les campagnes de sensibilisation pour diminuer la consommation, ne suffiront pas à combler les grandes ambitions du ministre de l’Énergie, de l’Économie et des Ressources naturelles en matière de création de super-richesse. Après tout, il faut bien que quelqu’un la paye cette richesse.

J’entends les sceptiques m’accuser de prophète de malheur. Je vous exprime mes craintes, c’est tout. Vous en ferez bien ce que vous voudrez et j’en profite pendant que la liberté d’expression nous permet de le faire. Alors voici ce que je pense du départ de Sophie Brochu : cela ne peut que m’inquiéter. Je pense qu’au cours des prochaines années, la dette d’Hydro-Québec va exploser. Une dette qui au 31 décembre 2021 était de 49,7 milliards $.

Cette dette qui aujourd’hui est élevée, mais sous contrôle, elle est la nôtre. Construire de nouveaux barrages pour attirer de nouvelles industries à coup de tarifs préférentiels bien en deçà des coûts de production est un jeu bien dangereux, car si l’humeur de l’économie est très changeante et passe par des périodes de ralentissement, la dette elle est là pour rester. Tout est question d’équilibre, comme pour l’environnement. Et cet équilibre est dur à percevoir, alors que le tandem Legault-Fitgibbon est obsédé uniquement par la richesse…mais la richesse de qui?

Comme pour le dossier de l’aviation, il ne faudrait pas mettre profondément la main dans notre poche pour nous payer le mirage de jours meilleurs…regardons les faits plutôt que les feux d’artifice.

  • 14 janvier 2023 à l’émission « Dessine-moi un matin » sur Ici Première.
    ** 12 octobre 2022 à l’émission « Puisqu’il faut se lever » au 98,5.

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