Du maïs pour nourrir les bêtes cultivé à Sacré-Coeur

Par Renaud Cyr 10:00 AM - 27 septembre 2022
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Cédrik & Éric Deschênes ont réussi un pari jugé impossible il y a à peine quelques années : faire pousser du maïs à Sacré-Coeur.

Vous pensez avoir vu un champ de maïs sur la rue Principale sud à Sacré-Cœur? Vous ne rêvez pas : c’est l’œuvre d’Éric et Cédrik Deschênes de la ferme Éric Deschênes & fils, qui ont pris le pari de faire pousser du blé d’Inde destiné aux bêtes, une première sur la Côte-Nord. La superficie de culture d’une grandeur de 6 hectares est récoltée et emballée pour l’hiver.

« C’est la première année, mais ça doit faire au moins 5 ans que l’on en parle », lance Éric Deschênes, co-propriétaire de la ferme sacré-cœuroise. Au terme d’une saison, de gros épis ponctuent les plants assemblés en rang compact, d’une hauteur avoisinant les 8 pieds.

La ferme, qui compte 150 vaches reproductrices, a toujours compté sur l’achat de foin pour nourrir son cheptel. « On achetait beaucoup de foin à Chicoutimi, et avec les frais de transport ça devenait de plus en plus cher pour nous. Les bêtes peuvent manger jusqu’à 10 balles de foin par jour, c’est toute une différence pour le portefeuille », explique Éric Deschênes.

Une attente qui vaut le coup

Le duo a semé trois variétés fournies par la coopérative agricole Avantis et la société de commercialisation d’intrants Synagri vers le milieu du mois de mai. Les graines ont été semées avec une profondeur de 3 pouces par rapport au niveau du sol, comparativement à la profondeur idéale de 2 pouces.

« Vu que c’était notre première fois, on a fait plus d’erreurs au début. On a attendu un mois et rien ne sortait », raconte Éric Deschênes. « On est passé proche de se décourager et de tout lâcher, mais le maïs est sorti de terre deux semaines en retard », ajoute son fils.

Les agriculteurs ont constaté beaucoup de sécheresses durant les dernières années, mais avec le temps humide du début de saison, les récoltes se sont bien développées au fil de l’été, y compris celle du blé d’Inde. « Cette année on a eu une récolte de foin exceptionnelle, tellement qu’il y en avait en trop sur le marché », se réjouit Cédrik Deschênes.

Des conditions idéales

La culture du maïs dans la province repose sur une unité de mesure appelée l’unité thermique maïs (UTM). L’UTM est calculée sur le cumul des températures quotidiennes maximales et minimales pour une région donnée.

Les données sont compilées dès le dernier gel printanier, jusqu’à la première date automnale où la température minimale de l’air est inférieure à -2 °C. Les variétés de blé d’Inde semées dans le champ des agriculteurs ont des seuils de tolérance allant jusqu’à 2 200 UTM.

« Nous avons un microclimat à Sacré-Cœur qui réchauffe plus le sol qu’ailleurs dans la région. Par exemple aux Bergeronnes, il y a une moyenne annuelle d’environ 1 950 UTM », explique Cédrik Deschênes. La station météorologique du rang St-Joseph aux Bergeronnes indique une moyenne cumulée d’environ 1 900 au moment d’écrire ces lignes.

Un projet régional

Plusieurs intervenants du milieu agricole ont par le passé exprimé leur scepticisme par rapport à la faisabilité de cette culture originale. « J’ai parlé avec des conseillers et ils m’ont tous dit que ça ne fonctionnerait jamais », souligne Éric Deschênes.

Durant la dernière décennie cependant, les fournisseurs de semences ont perfectionné la résistance au froid des spécimens croisés. « Au départ les coopératives voulaient créer des espèces qui résistaient bien à l’hiver dans l’ouest canadien. Et par la bande ça nous avantage beaucoup dans l’est du Québec », explique le fils de l’agriculteur.

Luc Denis, agronome chez Agriboréal Service-conseil de Forestville, est quant à lui agréablement surpris des résultats de cette année test de la culture d’Éric et de Cédrik Deschênes. « Depuis quelques années il y a un petit réchauffement climatique au niveau mondial qui rallonge la saison. Ce qui avant était impossible devient maintenant une réalité », précise-t-il.

Même si l’année test des deux agriculteurs est concluante, il faudra attendre pour voir les mêmes résultats sur le reste de la Côte-Nord. Les semences devront être perfectionnées davantage, et les conditions devront être idéales, comme l’explique M. Denis : « C’est comme jouer au loto. On ne sait jamais si les UTM vont être pareilles d’une année à l’autre, et selon les années, les dates du début du printemps et de l’automne ont tendance à varier ».

Les agriculteurs de Sacré-Cœur espèrent inspirer d’autres producteurs bovins et laitiers de la Côte-Nord à faire pousser du maïs pour épargner une partie des coûts alimentaires liés à leur cheptel. « Nous avons besoin de 500 balles de foin pour notre saison, et ça nous coûte environ 35 000 $. Nous avons investi 10 000 $ pour la machinerie nécessaire qui va nous servir dans les années à venir, au bout de la ligne nous allons faire des économies », calcule Cédrik Deschênes.

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