Pénurie de munitions à l’aube de la chasse

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 6 septembre 2022
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Les chasseurs qui ont épuisé leur stock de munitions devront prendre leur mal en patience cette année puisque les balles sont en pénurie dans presque tous les magasins du Québec, la Côte-Nord et Charlevoix n’y faisant pas exception. Photo : iStock

Le temps où les chasseurs pouvaient préparer leur attirail une semaine avant la date butoir est révolu. Guerre en Ukraine, hausse des coûts de transport, manque de matières premières, répercussions liées à la pandémie, un amalgame idéal pour causer une pénurie mondiale de munitions.

Les régions de la Côte-Nord et de Charlevoix n’y font pas exception. Les amateurs de chasse sportive qui ne se sont pas pris à l’avance pour se procurer des munitions ou qui n’ont pas fait de provisions, feront face à des étagères à peine remplies et parfois vides pour certains calibres moins communs.

« Les calibres 7 mm, 270 WSM et 300 WSM sont presque introuvables, commente le propriétaire du magasin Pronature à Forestville, Patrice L’Heureux. Ils sont moins communs et le manque de poudre de rechargement vient aussi jouer un rôle dans cette pénurie. »

Pour les carabines plus traditionnelles comme les 30-06 et 300 Winchester Magnum, par exemple, les munitions sont disponibles en quantité limitée, mais « tu ne trouveras possiblement pas ce que tu veux », affirme M. L’Heureux.

« Ceux qui utilisaient des balles de qualité à 100 $ la boîte devront peut-être se contenter de celles à 40 $, mais au moins elles sont de leur calibre », poursuit-il.

Quelques détaillants plus prévenants réussissent à offrir tous les types de munitions à leur clientèle encore cette année, mais ce sera la fin de leur inventaire.

« Mes tablettes sont moins bien garnies, mais je me prends toujours d’avance. J’ai donc tous les calibres en main, mais il y a moins de variétés. Les chasseurs devront s’adapter à ce qu’il y a sur le marché », laisse tomber Sylvain Simard, copropriétaire du magasin Écotone de Baie-Saint-Paul.

Ce dernier anticipe déjà une saison catastrophique l’an prochain « s’il n’y a pas de changement ». « Les chaînes d’approvisionnement ne fournissent pas à la demande. Elles peinent à rattraper le retard, donc en 2023, on aura les produits qui sortiront directement de l’usine, mais il y aura un bon délai », estime M. Simard.

La situation dure depuis 2020 alors que la pandémie a chamboulé plusieurs domaines de production. Selon Luc Duchesne, propriétaire du commerce Écotone des Escoumins, « c’est pire en 2022 ».

C’est la première fois que le commerçant ne peut se procurer des munitions plus populaires comme les 270. « Il n’y en a plus à nulle part depuis un mois et demi », se désole-t-il.

Les proriétaires de Pronature à Baie-Comeau et Sept-Îles, Marcel Bérubé et Jean-Eudes Desrosiers, font face au même constat. Les tablettes sont à sec et « la situation ne va pas en s’améliorant », déclare M. Desrosiers. Celui-ci croit fortement manquer tant de balles que de cartouches d’ici deux semaines, juste avant la période de chasse.

« Les usines fournissent davantage les Américains et nous, on a les restants », suppose-t-il. Quant à M. Bérubé, il dit ne recevoir que le quart de ses commandes. « Je n’ai même plus de calibres communs comme les 270. Pour les cartouches, c’est moins pire vu que j’en avais beaucoup d’avance », commente-t-il.

Flambée des prix

En plus d’avoir de la difficulté à trouver des munitions, les chasseurs devront revoir à la hausse leur budget pour leur activité sportive automnale. Le coût des boîtes de balles a augmenté de 8 à 10 %, selon Patrice L’Heureux.

« L’offre et la demande font en sorte que ça me coûte plus cher de m’en procurer auprès de mes fournisseurs et le prix du diesel fait augmenter les frais de transport. Je n’ai pas le choix de refiler cette hausse aux consommateurs pour réussir à faire un profit », dévoile quant à lui Luc Duchesne.

Pour Sylvain Simard, à Baie-Saint-Paul, l’augmentation se situe plutôt autour de 20 %. « Et, il y avait déjà eu une hausse importante l’année dernière », rappelle-t-il. Pour un emballage de 20 munitions vendues aujourd’hui 22 $, le chasseur en payait 15 $ il y a deux ans.

Afin de s’assurer de satisfaire les besoins de leur clientèle, certains détaillants du Québec ont mis en place des mesures limitatives pour les acheteurs de munitions.

« Je ne l’ai pas fait jusqu’à maintenant, mais je crois que je n’aurai pas le choix cette année. Je vais limiter à deux boîtes de munitions par client », dévoile Patrice L’Heureux. Même s’il fera des mécontents, il pourra répondre à la demande de plus de consommateurs.

Quant à M. Simard de Charlevoix, il ne prévoit pas limiter les achats, mais il a conservé une boîte de munitions pour chaque carabine qu’il possède en inventaire. « Si je veux vendre mes carabines, je dois pouvoir offrir les munitions qui vont avec », explique-t-il.

Les commerçants font appel au bon sens des chasseurs.

« Il n’est pas nécessaire de se procurer 10 boîtes de munitions avant la chasse. Ça ne donne rien à part priver d’autres chasseurs. Une boîte c’est suffisant pour ajuster son arme et abattre un orignal. Les munitions continueront à arriver durant l’hiver. Les gens pourront venir s’en chercher pour l’année prochaine », conseille Patrice L’Heureux.

Notons que les balles et cartouches sont utilisables tant qu’elles sont bien entreposées, sans humidité.