Journée internationale des femmes : cinq femmes s’expriment

Par Sylvain Turcotte 5:55 AM - 8 mars 2022
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On compare souvent les époques. Le temps évolue, les choses changent, s’améliorent. Du moins, en principe. Qu’en est-il au niveau du statut de la femme, d’hier à aujourd’hui, des femmes versus les hommes?

Cinq femmes ont répondu à deux questions posées par Le Nord-Côtier.

  1. Être une femme en 2022, plus facile ou difficile que dans le temps de nos grands-mères?
  2. Hommes et femmes sont-ils égaux en 2022?

À vous la parole! À vous toutes, bonne « Journée internationale des droits de la femme » pour ce 8 mars 2022!

Marilène Gill

R. Je mène une vie très différente de celle de mes grands-mères Simone et Rita. Quand je pense à elles, j’essaie de m’imaginer ce que c’est de ne pas avoir accès à des études, ne pas avoir accès au marché du travail, ne pas avoir la possibilité de posséder une maison, ne pas être maître de mon propre corps, ne pas avoir le droit de voter et de participer activement à la vie politique. Malgré cette lourde discrimination, nos grands-mères ont mené des vies actives et heureuses, tout en menant des combats pour que moi, ma fille Charlotte, peut-être ses filles un jour, puissent avoir tous les moyens en main pour s’épanouir comme être humain. Si l’horizon nous est ouvert aujourd’hui, c’est que nos grands-mères l’ont dégagé pour nous. Notre combat à nous maintenant est de protéger ce legs de nos grands-mères et de nous en servir pour honorer leur mémoire et les en remercier.

R. Je crois que l’égalité entre tous les êtres humains constitue un idéal vers lequel nous devrions tous tendre. Année après année, nous faisons des gains en ce sens, parfois humbles, parfois majeurs, mais il n’empêche que ceux-ci demeurent toujours fragiles. En effet, les droits des femmes sont constamment menacés. Pensons par exemple aux projets de lois qui continuent encore aujourd’hui d’être proposés au parlement canadien pour restreindre le droit des femmes à disposer de leur corps, alors que ce droit est acquis au Québec depuis plus de 40 ans, plus de 30 ans au Canada. Nous ne sommes pas à l’abri de reculs, c’est pourquoi nous devons tous faire preuve de vigilance. D’autant plus qu’il existe une distinction entre l’égalité de droit et l’égalité de fait. J’en veux pour exemple le salaire. Bien que les femmes aient accès à l’emploi, elles sont encore toujours moins bien rémunérées que les hommes. L’égalité est encore à atteindre.

Karine Therrien

R. Nos grands-mères et arrière-grands-mères méritent tout notre respect. La technologie nous rend la tâche plus facile aujourd’hui. En plus d’avoir la charge de prendre soin de la famille, elles devaient composer avec des instruments moins performants et parfois absents. Je me verrais mal faire le lavage de ma famille à la main, cuisiner des tartes, repriser des bas et prendre soin de huit enfants en bas âge.

Elles étaient des PDG d’entreprises, leur famille était une mini société qu’elles géraient de main de maître avec les moyens qu’elles avaient à l’époque. La différence d’avec aujourd’hui, nous sommes encore des PDG en nous occupant de notre maisonnée, moins nombreuse j’en conviens, mais avec l’aide d’un lave-vaisselle performant doté de trois gicleurs à séchage rapide, une laveuse-sécheuse à huit cycles et la possibilité de commander des sushis pour le souper.

Je dis souvent à la blague en quittant le bureau vers 17h que mon deuxième « shift » commence, car la différence c’est que les femmes aujourd’hui travaillent à l’extérieur pour s’épanouir et pour ne pas se sentir mal de rester à la maison à élever de la marmaille, car en 2022, c’est moins valorisé d’être une mère à la maison, ceci dit, j’admire celles qui le font et qui s’assument dans ce rôle, car au travail ou à la maison nous sommes des présidentes, directrices générales hors pair!

R. Malheureusement, pas encore et pour toutes sortes de raisons de force, de caractère, de crédibilité, de compétence, de sensibilité, de réseau de contacts, bref, les femmes atteignent des postes de haute direction, mais sont-elles reconnues « égales »? De plus en plus!

Ce qui me donne l’espoir d’arriver à une égalité homme-femme, c’est cette enquête SOM réalisée en 2021 dans la province et qui posait la question : Quels sont les 10 PDG les plus crédibles au Québec? Les résultats me rendent vraiment fière. Un classement éloquent : on retrouve quatre femmes dans les cinq premières places et six dans les dix premières, dont Christiane Germain (1), coprésidente et cofondatrice, Germain Hôtels, Cora Tsouflidou (2), présidente fondatrice, Restaurants Cora, Véronique Cloutier (3), fondatrice, Véro.tv, Danièle Henkel (4), PDG, Entreprises Danièle Henkel, Sophie Brochu (7), PDG, Hydro-Québec et Isabelle Hudon (8), PDG, BDC. Ça parle tout seul et c’est encourageant!

Sofia Poirier

R. Il est beaucoup plus facile d’être une femme en 2022 que dans le temps de nos grands-mères, car il y a eu une amélioration des droits et libertés de la femme. Dans le temps de nos grands-mères, elles étaient encore considérées comme mineures. Leur mari devait signer à leur place. Elles n’avaient pas de congé de maternité. Les hommes étaient payés plus cher que les femmes pour faire le même travail. Avec le temps est venue la loi sur l’équité salariale. Maintenant, ce n’est toujours pas parfait, mais les femmes sont mieux payées et mieux reconnues dans leur métier. À nous maintenant d’aller de l’avant et de faire respecter nos droits obtenus grâce aux générations précédentes.

R. Bien que nos grands-mères aient milité pour le féminisme, les femmes ne sont pas égales aux hommes en 2022. Je trouve qu’on remet plus souvent en doute les compétences des femmes que celles des hommes dans certains milieux de travail. Nous n’avons toujours pas atteint une équité salariale parfaite. Tout au long de mon parcours scolaire, j’ai entendu, à l’occasion, des commentaires misogynes venant de certains garçons de mon âge. Je crois que c’est un manque d’éducation de la part des parents. Malgré les situations que j’ai pu vivre, j’ai confiance en moi et j’ai le contrôle sur mon avenir.

Émilie Paquet

R. J’ai de la difficulté à choisir une position. Plus difficile ou facile. Ma grand-mère maternelle m’a déjà dit qu’elle n’échangerait pas de place avec nous, mes cousines et moi. Qu’elle ne voudrait pas avoir à gérer tout ce que nous avons à gérer. Cumuler un emploi et gérer la maisonnée. Courir pour faire les emplettes. Veiller à combler les besoins de tous. La différence est que « dans le temps » les rôles étaient clairement établis. Décidés à l’avance par la religion. L’homme devait subvenir aux besoins de sa famille et la femme, elle, jouait son rôle de femme. Gérer la maisonnée, s’assurer qu’il y ait de la nourriture sur la table et surtout élever les enfants. Un cadre sécurisant peut-être, mais ô combien oppressant pour plusieurs, hommes et femmes. Maintenant, nous avons le choix d’établir les règles du jeu, à nous, les femmes, avec les hommes, de les établir. La liberté vient avec la responsabilité. Et maintenant personne ne peut se défiler de ses responsabilités.

R. Malheureusement non. Au niveau mondial, dans de nombreux pays, les femmes sont toujours considérées comme inférieures aux hommes. Il faut le reconnaître, au Québec et au Canada, nous sommes privilégiées. Mais tant que nous considérons que c’est un privilège d’être traitées équitablement, il y a un problème. Cela devrait aller de soi. Plus d’un quart de siècle après l’adoption de la loi sur l’équité salariale entre les hommes et les femmes, la CSN déplore toujours un écart salarial entre les femmes et les hommes non syndiqués et même entre syndiqués. Je crois sincèrement que plus les femmes prendront leur place, plus ces inégalités tendront à disparaître. Ainsi, l’une des pistes d’actions dans laquelle je crois sincèrement est de motiver la confiance en soi et l’ambition des femmes. Je suis persuadée que le genre ne devrait en aucun cas avoir une influence sur la perception de la compétence d’une personne. Les organisations doivent mettre en place des environnements stimulants l’ambition des femmes et leur permettre de mettre à profit leur plein potentiel.

Karoline Gilbert

R. Pas vraiment, mais assurément différent. Je pense que la charge mentale et notre préoccupation constante d’assurer la sécurité de nos proches sont toujours aussi présentes, mais avec des enjeux et des priorités différents. Quoique l’environnement et la société soient totalement différents, on doit toujours, comme elles l’ont fait avant nous, mener de front notre vie de femme, de conjointe et de mère en plus d’être la sœur, l’amie, la confidente. Nos grand-mères étaient des battantes, des femmes autant de cœur que de tête. Même si elles n’étaient pas à la tête de grands empires économiques, elles étaient à la tête des plus importants empires qui soient, leur famille, la société en devenir. Elles ont forgé le socle sur lequel nous pouvons fièrement nous tenir aujourd’hui. J’espère que dans 60 ans, nos futures belles jeunes femmes pourront être aussi fières de nous que nous le sommes de nos grands-mères!

R. On est encore loin de l’équilibre, de l’équité. Oui, il y a encore beaucoup de travail à faire et nous devons tous y contribuer. Il existe malheureusement trop d’inégalités dans le monde, mais pas juste entre les hommes et les femmes. Il y en a entre les nations, entre les classes sociales, entre les espèces, envers les jeunes, les aînés, les minorités… Il faut défendre les droits et l’égalité de toutes et tous dans le respect de l’autre, et ce, à tous les niveaux. C’est encore et toujours une lutte incessante. Au lieu de jouer au Roi de la Montagne, assemblons notre société tel un casse-tête où chaque pièce – peu importe sa couleur, sa grandeur, sa forme, son emplacement – est complémentaire aux autres, est égale en importance, est tout simplement essentielle à la création d’un tout harmonieux.

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