Réjean rentre à la maison

Par Emy-Jane Déry 6:00 AM - 29 juillet 2021
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La terrasse du Edgar débordait de soleil lors de notre rencontre avec le maire. Sa conjointe et lui pourront enfin se retrouver à temps plein.

L’amour triomphe toujours…c’est pour se consacrer à sa douce que Réjean Porlier tire sa révérence, après deux mandats à la mairie qui auront été marqués par une ère de changement.

Le soleil frappe sur la terrasse du Edgar. Sept-Îles nage en plein bonheur estival. Lunette fumée, casquette, manche de chemise roulée. Réjean Porlier en profite lui aussi. Un vieil ami en visite dans la région viendra le rejoindre plus tard. Et Chantal aussi.

Sa belle Chantal. Enfin, elle pourra cesser de le partager. Depuis qu’ils ont planifié leurs retraites d’Hydro-Québec, il y en a un seul des deux qui a vraiment respecté le plan. Le 7 novembre, elle en aura fini de l’attendre.

La mairie n’a pas été un long chemin tranquille pour Réjean Porlier. Le soir même de sa première élection, on pouvait entendre dans les murmures « qu’il ne ferait pas longtemps ».  

Élection de Réjean Porlier pour la première fois en 2013, dans le gymnase du Centre socio-récréatif.

À l’époque, il y avait encore un gardien de sécurité dans la salle du conseil. Le projet de Mine Arnaud soulevait les passions, divisait. Nécessairement, le soir de l’élection, un clan allait se retrouver perdant.

Après, ça aura pris environ six mois avant qu’il se fasse « respecter » comme maire autour de la table du conseil. Son idée de référendum évoquée en campagne n’avait vraiment pas passée.

D’un autre côté, il y avait des conseillers qui marchaient dans la rue en faveur du projet de mine d’apatite. Ensuite, il fallait que tout ce beau monde s’entende autour de la même table. Les tensions étaient inévitables.

Avec le temps, une certaine harmonie a repris le dessus au sein du conseil.

Un maire qui se mêle de la région

Certains l’ont acclamé pour ça, d’autres lui ont reproché, mais chose certaine, le maire Porlier s’est beaucoup impliqué dans des dossiers de nature régionale. Le pont sur le Saguenay, c’est son affaire. Le prolongement de la route 138, aussi. 

Ça lui donnait des allures ambitieuses. A-t-il des visées en politique provinciale ?

« Si j’étais célibataire, oui. D’ailleurs, si je voulais l’être, c’est exactement ce qu’il faudrait que je fasse », lance-t-il.

Il ne s’en cache pas, c’est parfois frustrant en politique municipale de manquer de pouvoir pour donner l’aval à certaines choses. Il donne en exemple le projet de complexe intégré à Port-Cartier.

Aux yeux de Réjean Porlier, ça fait partie des dossiers de la prochaine décennie. Les scieries sont en difficulté, mais si on passe au biocarburant, la situation sera renversée : on va en manquer au Québec, croit-il.

Sept-Îles, c’est le centre du Québec

« Le vrai centre du Québec, il n’est pas à Montréal, il est ici. Sept-Îles, sur une carte, c’est le vrai centre du Québec », dit Réjean Porlier.  

Voilà une déclaration assez surprenante.

Pour lui, le problème, c’est la route. Pas l’aspect « éloigné » de la région. 

« Qu’est-ce que tu développes quand tu n’as pas de route, des villages isolés ? », questionne-t-il. 

Le maire de la municipalité d’environ 25 000 habitants s’est fait reprocher de travailler le dossier du prolongement de la route 138. Un dossier de nature régionale qui, aux yeux de certains, n’a rien à voir avec les enjeux municipaux.

« On est au bout de la route, il y a bien des gens qui ne viennent pas. Le jour où ça va devenir fluide, nécessairement, il y a beaucoup de gens qui vont passer », calcule-t-il. « Touristiquement, le potentiel est énorme sur la Côte-Nord. On est en train de le réaliser, imagine si demain, la route se continue », rêve-t-il.

La pandémie a forcé des gens à découvrir la Côte-Nord, et ils en redemandent, avance le maire.  

« Pour moi, il est clé cet élément-là. Honnêtement, que les gens y croient ou pas…! On pourrait en débattre longtemps. »

Fier de la Côte-Nord unie

Pour Réjean Porlier, il est clair que pour régler des dossiers majeurs comme celui de la route, la région devait parler d’une seule et même voix. Le territoire est vaste, et les populations qui l’habitent sont en petit nombre lorsqu’elles font cavalier seul.

L’arrivée de Réjean Porlier à la mairie de Sept-Îles a entraîné un rapprochement significatif avec ITUM. Sur la photo, le Chef Mike Mckenzie en compagnie du maire lors de l’assermentation de 2013.

« Notre pire épine dans le pied, c’était le peu de cohésion qu’on avait régionalement », affirme-t-il.

« Tu avais l’est et l’ouest, je l’ai vu tout de suite en arrivant. L’ouest parlait du pont, l’est parlait de la 138. Québec, quand il recevait ça, il disait : continuez de vous obstiner, pendant ce temps-là, moi, je m’occupe d’autre chose », illustre-t-il. 

Alors à la grande surprise de certains, Réjean Porlier s’est mis sur le comité du pont. Son raisonnement était simple.

« Si on ne parle pas avec eux du pont, pensez-vous qu’ils vont parler avec nous de la 138. »

Il se dit « très fier » du chemin parcouru. Pour une première fois, la région avait une seule et même voix. Et ça a donné l’obtention des études finales pour le prolongement complet de la route.

Finis les petits morceaux à gauche et à droite.

Pas de poulain

Le maire sortant assure qu’il n’a pas l’intention de soutenir un candidat en particulier.

« Je sais où je n’irai pas », se contente-t-il de répondre. Pour le reste, seule la petite boîte aura la réponse.

Réjean Porlier ne veut absolument pas jouer les « belles-mères » et revenir commenter sans cesse les faits et gestes de son futur successeur.

« Un retour en arrière, je trouverais ça dommage », admet-il, cependant.  

Il ne s’en cache pas, il a fait un ménage dans les corporations municipales. Certaines ont vu leur mandat et leur financement grandement modifiés.

J’étais le chien dans le jeu de quilles, même chose qu’à mon caucus au début  

La suite des choses s’annonce plus zen pour Réjean Porlier.

 « Je vais essayer de m’amuser un peu et de prendre soin de ma conjointe qui a payé le gros prix dans tout ça », dit-il.  

Justement, elle arrive sur la terrasse. Le temps de se rappeler quelques souvenirs de cette grande épopée. Notamment, les yeux de son époux, que seuls ses proches pouvaient reconnaître, tandis qu’il dissimulait une certaine impatience en séance du conseil diffusée à la télévision.

« C’est certain que des fois la langue me tournait dans tous les sens », avoue-t-il en riant.

Quand il repense à toute son expérience, spontanément, Réjean Porlier me dit :

« Il y aurait de quoi écrire un livre, facile ! »

Est-ce que ce sera ça le projet ?

« Il serait capable, il en a déjà écrit un ! » soulève Chantal.

Merci et bon repos, M. le maire !

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