Deux Innues de Uashat au cœur du bulletin de nouvelles en français d’APTN

Par Vincent Rioux-Berrouard 7:00 AM - 31 mars 2021
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Sylvie Ambroise ( Photo courtoisie)

Sylvie Ambroise et Shushan Bacon, deux Innues issues de la communauté de Uashat mak Mani-utenam, sont journalistes au Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN, l’acronyme en anglais). Avec leur travail, les deux femmes essaient de couvrir les différents enjeux autochtones et de donner une voix aux gens des Premières Nations.

Chacune d’elle combine une grande expérience dans le métier de journaliste. Mme Ambroise a commencé à travailler auprès du conseil de bande de Uashat mak Mani-utenam avant de débuter une carrière de journaliste à la radio sur les ondes de la Corporation Kushapetsheken Apituamiss Uashat (C.K.A.U.). Par la suite, elle rejoint APTN comme journaliste où elle est aujourd’hui la présentatrice du bulletin de nouvelles en français.

Sylvie Ambroise explique que le métier de journaliste bénéficie d’une bonne réputation au sein des communautés autochtones. « C’est un métier qui est très bien vu. C’est tellement bien vu que c’est comparé à la médecine », affirme-t-elle.

De son côté, Shushan Bacon a débuté comme stagiaire à APTN en 2001, après avoir bifurqué vers un autre parcours professionnel pour une période de sa vie, elle revient à APTN en octobre 2020 où elle agit en tant que journaliste des Nouvelles Nationales d’APTN.

Pour elle, le métier de journaliste faisait déjà partie de ses pensées à l’adolescence. Le fait d’être la fille d’une journaliste a probablement contribué à cela précise Shushan. Elle affirme qu’en grandissant, elle a pris conscience des enjeux autochtones et du fait que ceux-ci étaient très peu couverts dans les médias. Elle dit : « Pour moi, le journalisme est ma contribution pour aider les communautés autochtones.»

Représentation dans les médias

Pour les deux journalistes, il est clair que malgré des améliorations au cours des dernières années, les histoires et enjeux autochtones ne sont pas encore suffisamment couverts par les médias.

Ils sont souvent abordés dans les médias seulement lorsqu’il y a des crises. La crise d’Oka en 1990 ou celle des barrages ferroviaires lors de l’hiver 2020 sont de bons exemples de ce phénomène. Pour Shushan Bacon, il est important d’entendre les autochtones pour mieux comprendre les raisons derrière ces crises. Elle ajoute qu’un des avantages qu’elle a avec son employeur actuel c’est qu’elle peut présenter des histoires positives provenant des communautés autochtones et pas seulement des mauvaises nouvelles.

Mme Ambroise explique que les journalistes doivent en apprendre plus sur la culture et l’histoire des Premières Nations. Elle ajoute que chaque communauté a ses particularités et qu’elles ne sont pas toutes pareilles.

Sylvie Ambroise affirme que certains journalistes lui ont déjà exprimé des difficultés à entrer en contact avec les autochtones. À ce sujet, elle dit : « Nous les journalistes, on veut tout le temps aller vite pour sortir la nouvelle. Un autochtone ne fonctionne pas selon ce modèle. Moi, en tant que journaliste, je prends le temps de connaître la personne avant de faire l’entrevue. Les autochtones sont comme ça, ils ont besoin d’établir une relation de confiance. »

Nouvelles francophones

Depuis plus d’un an maintenant, APTN a lancé le premier bulletin de nouvelles en français destiné à un public autochtone. Mme Ambroise et Mme Bacon font partie de l’équipe de cette émission.

Shushan Bacon (photo courtoisie)

Dans son format, le programme laisse beaucoup de temps de paroles aux personnes interviewées. Une décision assumée et réfléchie affirme Sylvie Ambroise. « Laisser parler les gens c’est vraiment important, en particulier les aînés. Dans nos reportages, on tente de développer les sujets pour que les téléspectateurs soient en mesure de bien comprendre ceux-ci. »

Shushan Bacon ajoute : « On veut bien expliquer les événements qu’on présente. Il y a toujours deux côtés à une histoire. Moi dans mon travail, je recherche cette objectivité pour bien présenter l’histoire. »

Le fait d’avoir un bulletin de nouvelles en français est aussi quelque chose d’important pour les autochtones selon les deux journalistes. « Cette émission est un endroit où les communautés autochtones peuvent parler et entendre parler d’eux. C’est votre média », affirme Shushan Bacon.

Journalistes en pandémie

La pandémie aura grandement compliqué le travail des journalistes d’APTN et aura transformé leur façon de travailler. Étant un média visuel, il était difficile de se rendre physiquement dans les différentes communautés parce que plusieurs d’entre elles contrôlaient les entrées et sorties pour empêcher la propagation du virus.

Les journalistes ont dû souvent recourir à l’aide des gens dans les communautés pour leur faire parvenir des images.

Le fait d’avoir autant de communautés à couvrir représente aussi un défi pour les deux journalistes. Pour elles, il est donc important de se créer un réseau de contacts dans les différentes communautés.

Des enjeux reliés à la pandémie

En raison de la pandémie, deux enjeux importants sont ressortis au cours des derniers mois selon les deux femmes originaires de Uashat mak Mani-utenam. Tout d’abord, il y a celui du logement. Le fait que plusieurs générations d’une même famille doivent vivre sous le même toit a forcé les communautés autochtones a adopté des mesures plus strictes.

L’autre enjeu majeur actuellement dans les communautés selon les deux journalistes de APTN est celui de la vaccination contre la COVID-19. Mme Bacon explique qu’il y avait des questionnements dans les communautés autochtones par rapport à la vaccination.

Elle explique que sa station a alors invité le docteur Stanley Vollant, chirurgien innu de la communauté de Pessamit, pour aborder l’importance de la vaccination et démystifier certaines croyances. Il s’agit du rôle des journalistes selon Shushan Bacon de discuter des sujets qui touchent les communautés autochtones.

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